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Lorsque Dieu parle à l’humanité, avons-nous constaté, Son discours s’étale sur des siècles. Aussi, Sa parole dépasse les mots que les scribes ont utilisés pour exprimer leur pensée, décrire des événements historiques, chanter des psaumes et des cantiques, préciser les lois, déterminer les rituels liturgiques, etc. C’est en filigrane de leur démarche d’écriture que la Parole transcendante de Dieu se laisse véritablement entendre.

Les lieux de culte ne sont pas épargnés par les cataclysmes, comme cette église détruite par une tornade en Illinois

 

Souvent, les écri­vains sa­crés ne sont pas cons­cients de la por­tée de leurs écrits. L’auteur du Cantique des can­tiques pou­­­vait-il sa­voir que sa com­­po­si­tion lit­té­rai­re en­tre­rait éven­tuel­le­ment dans la col­lec­tion des li­vres sapientiaux de la Bible? Pouvait-il se dou­ter que son poè­me, écrit pour cé­lé­brer l’amour conju­gal, se­rait interprété, des siè­cles plus tard, comme dé­cri­vant les états mystiques de l’â­me dans sa mon­tée vers Dieu? (1)

Parole de Dieu ver­sus pa­ro­le de l’homme

Les scri­bes pour­sui­vaient en écri­vant un but qui leur était pro­pre. Un but hu­main. La plu­part d’entre eux étaient in­cons­cients d’être in­spi­rés par l’Esprit pour la ré­dac­tion de ce qui al­lait de­ve­nir, au fil des siè­cles, la Sainte Bible.

L’Écriture n’est donc pas uni­que­ment Parole de Dieu s’a­dres­sant à l’homme. Elle por­te aus­si la marque d’une hu­ma­ni­té qui che­mi­ne, qui évo­lue, qui cher­che la vé­ri­té. Le «je t’aime» de Dieu à l’homme qu’est la Bible ra­con­te aus­si l’histoire de la dé­cou­ver­te gra­duel­le de Dieu par l’homme.

Au dé­part de ce che­mi­ne­ment, les Patriarches vé­né­raient El Shaddaï. Dieu a été ado­ré sous ce nom par un clan du dé­sert avant d’être ap­pe­lé Yahvé à par­tir de Moïse, lors de l’exode d’Égypte.

«Dieu par­la à Moïse et lui dit: Je suis Yahvé. Je suis ap­pa­ru à Abraham, à Isaac et à Jacob com­me El Shaddaï, mais mon nom de Yahvé, je ne leur ai pas fait connaî­tre» (Ex 6, 2; cf. Ex 3, 13-15).

Le peu­ple hé­breux a d’abord com­men­cé par consi­dé­rer Yah­vé com­me son Dieu par­ti­cu­lier par­mi les au­tres dieux qu’adoraient les na­tions. Yahvé s’est par la sui­te ré­vé­lé un Dieu «ja­loux» qui ré­cla­mait l’exclusi­vité.

«Tu n’auras pas d’autres dieux de­vant moi. (…) Tu ne te pro­ster­ne­ras pas de­vant ces dieux et tu ne les ser­vi­ras pas, car moi Yahvé, ton Dieu, je suis un Dieu ja­loux» (Ex 20, 3.5).

Par cet­te pseudo ja­lou­sie, Yahvé pré­pa­rait Son peu­ple, à Le re­con­naî­tre éven­tuel­le­ment com­me le seul vé­ri­ta­ble Dieu. «C’est à toi (le peu­ple hé­breux) qu’il a don­né de voir tout ce­la, pour que tu sa­ches que Yahvé est le vrai Dieu et qu’il n’y en a pas d’autre» (Dt 4, 35).

Les sa­cri­fi­ces d’animaux

Cette pé­da­go­gie pro­gres­si­ve s’incarnait tou­te­fois dans une na­tion qui avait dé­jà sa cul­ture, son cul­te, sa ma­niè­re de voir, de com­pren­dre et de fai­re. Par exem­ple, c’était la cou­tu­me chez les Israélites —com­me chez les au­tres peu­ples de la ter­re à cet­te époque-là— d’offrir à la di­vi­ni­té des ho­lo­caus­tes d’animaux, et par­fois mê­me des sa­cri­fi­ces hu­mains.

L’humanité était en­co­re dans l’enfance. L’on croyait naï­ve­ment se fai­re par­don­ner ses of­fen­ses et ob­te­nir les fa­veurs di­vi­nes en s’aspergeant du sang des ani­maux do­mes­tiques sa­cri­fiés. Plus on sa­cri­fiait, plus on croyait ga­gner la consi­dé­ra­tion des dieux.

Aujourd’hui, ex­cep­tion fai­te de quelques po­pu­la­tions at­tar­dées, plus au­cu­ne so­cié­té mo­der­ne ne son­ge­rait à of­frir des bœufs à Dieu. Et ce­ci, mê­me chez les na­tions qui n’ont pas été tou­chées par le chris­tia­nis­me.

Les Israéliens qui mi­li­tent ac­tuel­le­ment pour la re­cons­truc­tion du Temple de Jéru­salem ne son­gent pas, que je sa­che, à re­ve­nir aux sa­cri­fi­ces d’animaux qui avaient cours au temps de Jésus. Du moins, s’ils pré­ten­daient res­tau­rer ce cul­te, ce se­rait au grand scan­da­le de l’humanité tout en­tiè­re. Une ré­pul­sion qui ne ma­ni­fes­te­rait pas pour au­tant de l’impiété. Tout au contrai­re!

Que s’est-il donc pas­sé? D’où vient cet­te dif­fé­ren­ce dans la per­cep­tion de l’homme mo­der­ne? Dieu au­rait-Il mo­di­fié Ses exi­gen­ces et Ses goûts? N’est-ce pas plu­tôt l’homme qui a chan­gé?

Cette ré­pu­gnan­ce gé­né­ra­li­sée fa­ce à des com­por­te­ments re­li­gieux qui avaient cours ja­dis dé­mon­tre un pro­grès dans la connais­san­ce de Dieu. Le mon­de en­tier re­con­naît main­te­nant que le cul­te et les ri­tes pré­ci­sés dans le Pentateuque(2) re­lè­vent de cou­tu­mes bar­ba­res et pri­mi­ti­ves heu­reu­se­ment ré­vo­lues dans l’humanité. Et ce­ci, mê­me si les pres­crip­tions que les Livres sa­crés con­tien­nent à pro­pos des sa­cri­fi­ces ont été mis­es dans la bou­che de Dieu s’adressant à Son peu­ple par l’intermédiaire de Moïse.

Les rè­gles du cul­te mo­saï­que, qui de­vaient sou­vent être obs­er­vées sous pei­ne de mort, re­flè­tent donc da­van­tage les men­ta­li­tés ca­duques et dé­pas­sées de nos an­cê­tres dans la foi qu’une vo­lon­té ré­el­le de Dieu de se fai­re of­frir la grais­se et les en­trailles des bre­bis et des bœufs dont «l’agréable odeur», lors de leur consom­ma­tion par le feu, de­vait avoir pour ef­fet d’«apai­ser» Sa «co­lè­re» (cf. Lv 1, 1-17). Elles ma­ni­fes­tent plus par­ti­cu­liè­re­ment le cô­té hu­main de la Parole di­vi­ne, si je puis m’exprimer ain­si.

Donc, lorsque les au­teurs du Pentateuque uti­li­sent le sty­le des ora­cles pour com­man­der des ho­lo­caus­tes (Ex 29, 38-46) et pré­ci­ser cer­tai­nes or­don­nan­ces ri­tuel­les, il ne faut pas croi­re que Yahvé a pro­non­cé mot pour mot les pa­ro­les mis­es dans Sa bou­che. Nous de­vons plu­tôt com­pren­dre que l’auteur ou les au­teurs ont vou­lu ain­si confé­rer à des cou­tu­mes dé­jà éta­blies (3) une si­gni­fi­ca­tion trans­cen­dan­te en fai­sant re­mon­ter leur ori­gi­ne à un dé­cret di­vin.

La let­tre et l’esprit

Cette consi­dé­ra­tion suf­fit pour écar­ter d’emblée les i­n­ter­pré­ta­tions lit­té­ra­les à ten­dan­ce fon­da­men­ta­lis­te de la Bible. La Parole de Dieu ne ré­si­de pas dans le mot à mot mais se trou­ve dans la com­mu­nion à l’Esprit qui l’a fait écri­re au tra­vers de l’épaisseur char­nel­le de l’humanité.

À s’en te­nir fa­na­ti­que­ment à la let­tre, on ris­que­rait d’ail­leurs d’être comp­tés par­mi ceux, dé­non­cés par Jésus, qui «dis­ent et ne font pas». Car ex­cep­tion fai­te des dix Com­man­de­ments, on n’observe pas ou prou les pres­crip­tions de la loi mo­saïque. Ce qu’il fau­drait fai­re obli­ga­toi­re­ment pour être con­sé­quent avec l’option de l’in­terprétation lit­té­ra­le.

De plus, inter­pré­ter au pied de la let­tre chaque pas­sa­ge de l’Ancien Testament contrain­drait à sur­mon­ter un nom­bre consi­dé­ra­ble de conflits et con­tra­dic­tions. Par exem­ple, com­ment conci­lier l’obligation, mi­se dans la bou­che de Yahvé, d’of­frir des sa­cri­fi­ces d’animaux avec le fait que les pro­phè­tes, qui par­lent aus­si au nom de Dieu, sou­tien­nent qu’Il les a en hor­reur (4)? Comment sur­­tout conci­lier ces sa­cri­fi­ces, obli­ga­toi­res sous l’Ancienne Alliance, avec le fait qu’ils sont es­ti­més sans va­leur sous la Nouvelle (cf. He 9, 9 et 10, 1-4)?

Les lu­net­tes hu­mai­nes

Mais si nous ap­pre­nons à nous si­tuer à une dis­tan­ce res­pec­tueu­se du sens lit­té­ral de l’Écriture pour mieux sai­sir la vé­ri­ta­ble por­tée de la Parole de Dieu, nous com­pren­drons que la Bible té­moi­gne du fait que l’humanité a d’abord com­men­cé par bal­bu­tier com­me un bé­bé avant d’apprendre à pro­non­cer un peu mieux le nom de Dieu.

Nous com­pren­drons en­co­re que les hu­mains ont ap­pris à connaî­tre Dieu com­me au tra­vers de lu­net­tes qui ren­daient flous et plus ou moins dé­for­més les contours de Son Vi­sage. Sur un œil, la dis­tor­sion re­le­vait de la na­ture, dé­gra­dée par l’activité des an­ges re­bel­les, et sur l’autre oeil, el­le res­sor­tait d’une hu­ma­ni­té qui tâ­ton­ne dans les té­nè­bres de­puis la pre­miè­re fau­te.

Pas sur­pre­nant qu’un tel lor­gnon ait in­spi­ré un nom­bre consi­dé­ra­ble d’anthropomorphismes (5) de l’Ancien Testa­ment. Par igno­ran­ce, les hom­mes qui cher­chaient sin­cè­re­ment le vi­sa­ge de Dieu pro­je­taient sur Lui leurs pro­pres sen­ti­ments et concep­tions. Ils ne pou­vaient guè­re fai­re mieux que de Le ra­me­ner à leur ni­veau.

De sor­te que le Dieu trans­cen­dant, le Dieu de Paix et de Joie, Celui qui a créé de rien l’univers, le Dieu qui est Amour et Bonté, l’Absolu in­fi­ni­ment ai­ma­ble qu’aucun es­prit hu­main ne peut com­pren­dre s’est mon­tré par­fois co­lé­rique (Ex 4, 14), par­fois ja­loux (Ex 34, 14), par­fois ou­blieux (Ex 2, 24), par­fois re­tors (Ex 3, 21-22; 11, 2-3; 12, 35-36), par­fois cruel (Ex 4, 24), par­fois ven­geur (Dt 32. 40-42) et mê­me quelques fois trom­peur (Gn 22, 1-6.11), pour ne pas di­re men­teur. Comme le dis­ait je ne sais plus quel per­son­na­ge cé­lè­bre: «Dieu nous a faits “à son ima­ge et à sa res­sem­blan­ce” mais nous Le Lui avons bien ren­du».

L’Amour in­fi­ni

Tant que l’homme ne pou­vait s’élever au-des­sus de sa na­ture pour pé­né­trer à la sui­te du Christ dans la sphè­re sur­na­tu­rel­le, il ne pou­vait vé­ri­ta­ble­ment connaî­tre Dieu. Sinon au tra­vers d’énigmes, de fi­gu­res, de sym­bo­les… et de lu­net­tes dé­for­man­tes.

C’est pour­quoi Jésus a pu dé­cla­rer: «Nul ne connaît le Père si­non le Fils et ceux à qui Il (le Fils) veut bien le ré­vé­ler» (Lc 10, 22); «Personne ne va au Père si ce n’est par moi» (Jn 14, 6).

Avant le sa­cri­fi­ce du Fils sur la croix, les hu­mains ne pou­vaient fai­re au­tre­ment que de voir Dieu au tra­vers de la cul­pa­bi­li­té vis­cé­ra­le et ori­gi­nel­le de leur na­ture. Ils en ve­naient ain­si à pro­je­ter sur Lui la co­lè­re que leur in­spi­raient leurs pro­pres fau­tes.

Mais Dieu ne connaît pas la co­lè­re. Il n’a ja­mais éprou­vé de hai­ne à l’endroit de qui­conque. Il ne condam­ne per­son­ne. Mê­me pas Satan. Dieu ai­me Satan. Car Dieu de­meu­re Amour tou­jours, sans faille et sans ré­pit. Voilà bien le vi­sa­ge de Dieu que nous ré­vè­le Jésus Christ!

Ce sont nos pé­chés qui nous condam­nent par­ce qu’ils cons­ti­tuent pré­ci­sé­ment une fer­me­ture à l’amour de Dieu. Dieu, qui dé­tes­te le pé­ché à cau­se de cet ef­fet qu’il pro­duit dans l’âme, conti­nue à ai­mer le pé­cheur. Même ce­lui qui ne se re­pent pas. Dieu ne re­fu­se pas Son Amour mê­me à ceux qui sont per­dus. Il vou­drait ac­cueillir dans Son Amour tous les dam­nés de l’enfer et tous les an­ges dé­chus s’ils avaient la vo­lon­té de le­ver le mur qu’ils ont dres­sé li­bre­ment en­tre Lui et eux.

Et l’enfer…?

J’entends ici une ob­jec­tion. N’est-ce pas un dog­me de foi de croi­re que Dieu a créé aus­si ­bien l’enfer que le Ciel? Pour­quoi au­rait-Il créé l’enfer s’Il conti­nue à ai­mer les dam­nés?

C’est par mis­éri­cor­de qu’Il a créé ce lieu de té­nè­bres où Il ne se ma­ni­fes­te pas vi­si­ble­ment. Il a créé l’enfer par com­pas­sion pour les es­prits per­dus de sor­te qu’ils ne soient pas confron­tés éter­nel­le­ment à Sa Présence. Dieu a créé l’enfer pour adou­cir les dou­leurs du dam­né. Car la vue du Dieu-Amour se­rait en ef­fet plus dou­lou­reu­se pour le dam­né que l’enfer mê­me.

La confron­ta­tion a eu lieu dans un court in­stant que nous ap­pe­lons le ju­ge­ment. À vrai di­re, Dieu ne ju­ge pas. C’est l’âme qui se ju­ge et se pré­ci­pi­te d’elle-mê­me dans le seul lieu où el­le peut al­ler pour fuir, non pas la ven­gean­ce de Dieu mais son Visage d’amour… qui lui ap­pa­raî­tra ce­pen­dant sous l’an­gle de la co­lè­re par­ce qu’el­le Le voit au tra­vers de la dé­for­ma­tion qu’impose à sa vue son pé­ché et sa hai­ne de Dieu. Voilà pour­quoi la plus gran­de souf­fran­ce des es­prits dam­nés, c’est pré­ci­sé­ment d’avoir per­çu dans un éclair cet amour de Dieu et de l’avoir re­fu­sé à ja­mais.

Notes

1- Saint Jean-de-la-Croix est l’un des au­teurs qui ont inter­pré­té le Can­tique des can­tiques dans ce sens.

2- Le Pentateuque ré­fè­re aux cinq pre­miers li­vres de la Bible.

3- Ex 8, 21-23 dé­mon­tre que les sa­cri­fi­ces d’animaux étaient une pra­tique éta­blie dans le peu­ple hé­breux avant l’exode. Donc, plusieurs siècles avant la ré­dac­tion de la loi mo­saïque.

4- «Que m’importent vos in­nom­bra­bles sa­cri­fi­ces, dit Yahvé. Je suis ras­sa­sié des ho­lo­caus­tes de bé­liers et de la grais­se des veaux; au sang des tau­reaux, des agneaux et des boucs, je ne prends pas plai­sir… N’apportez plus d’oblation vai­ne: c’est pour moi une fu­mée in­sup­por­ta­ble» (Is 1,11-13).

5- Selon le Petit Robert, ce ter­me dé­si­gne une «ten­dan­ce à conce­voir la di­vi­ni­té à l’image de l’homme».

Lire la suite, cinquième article

N. B. Cette série d’articles est tirée de Pour discerner l’action de l’Esprit, publié en 1998 aux Éditions Spirimédia.

 

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