Nous avons vu que les cataclysmes ne viennent pas de Dieu mais s’expliquent par l’influence qu’exercent les mauvais anges sur les lois naturelles. Nous avons également constaté que les humains, par leurs transgressions aux lois morales, provoquent le déchaînement aveugle des éléments naturels, particulièrement ceux associés au genre humain comme les guerres, les pestes, les maladies, les épidémies, etc. Par le péché, l’humanité participe aux causes du désordre de la création et se fait complice de son sabotage initialisé par Lucifer. En définitive, les souffrances de la création, à l’image des douleurs d’enfantement d’Ève, sont des effets du mal que constitue la révolte contre Dieu. Tant celle des hommes que celle des anges.
Cette résolution sommaire du problème du mal soulève pourtant des objections. Entre autres, de savoir pourquoi Dieu n’intervient pas pour empêcher la propagation du mal avec son cortège de conséquences malheureuses qui affectent bons et méchants. N’est-il pas le Tout-Puissant? En laissant le mal s’accomplir, ne s’en fait-il pas complice d’une certaine manière? Un peu comme celui qui verrait un homme en tuer un autre et ne ferait rien pour empêcher le meurtre!
Éviter un plus grand mal
Si Dieu n’est pas l’auteur du mal, Il le permet, pourtant. Pourquoi?
Premièrement, pour éviter le grand mal que constituerait l’éradication des consciences libres. Une intervention de Sa part pour empêcher l’accomplissement du mal torpillerait la liberté dont Il a comblé les anges et les hommes. Cette faculté, qui se résume à choisir le Bien, est une composante essentielle et incontournable de la conscience d’exister.
C’est pourquoi la liberté est un pari que Dieu a pris avec sa création au risque de la voir chuter dans le péché d’orgueil. Ce qui n’a pas manqué de se produire, comme Il l’avait prévu dans l’éternité.
Mais sans la liberté, Dieu n’aurait créé que des robots. Sans elle, aucune créature douée d’intelligence ne pourrait accéder à la connaissance et à l’amour de Dieu. Or, voilà précisément la raison d’être de la création. Dieu a créé des êtres libres pour qu’ils puissent parvenir au bonheur en Le connaissant et en L’aimant.
Intervenir pour empêcher le mal équivaudrait donc à un plus grand mal que le mal lui-même. Car en détruisant la liberté, le Créateur détruirait la raison d’être de la création. Sa création serait alors un échec.
Ce qui est tout à fait incompatible avec la perfection de Dieu. Avec Sa Toute-Puissance aussi. Car où serait la manifestation de la Toute-Puissance à revenir sur ce qu’Il a fait?
Or moi, pauvre homme, je rends grâce au Seigneur parce qu’Il m’a donné le bien au-dessus de tout bien —et rien de moins que ce qu’Il est Lui-même—, c’est-à-dire l’être. Je n’aurai pas assez de l’éternité pour L’en remercier et Le glorifier.
Cette louange, cette action de grâce de tous ceux qui L’aiment ne vaut-elle pas d’exister? Incontestablement, elle mérite d’être, même au prix de la souffrance engendrée par le mal dans la création.
J’accepte donc, par amour pour Dieu, que la souffrance et la mort fassent partie de la condition humaine. Qu’elles soient le lot de tous les hommes, les justes comme les injustes! Ainsi, par mon acceptation, je justifie Dieu aux yeux des méchants, si tant est que Dieu a besoin d’être justifié dans Sa Volonté créatrice.
Atteindre un plus grand bien
Ce qui m’amène à la deuxième raison. Dieu permet le mal parce qu’Il est assez puissant pour le faire concourir à un plus grand bien. Il s’en sert pour faire croître la connaissance et l’amour dans la création.
Et c’est ici qu’Il démontre véritablement sa Toute-Puissance. Car Il utilise l’œuvre de destruction de Satan pour permettre la conquête de sommets insoupçonnés. En Son Pouvoir, la condition mauvaise sert de tremplin pour faire rebondir sa création à une altitude autrement inaccessible.
L’histoire de Job est une illustration du retournement de la situation opéré par la Toute-Puissance de Dieu à la suite de l’introduction du mal dans Son projet de création.
Job était un homme comblé de biens et de bonheur. Jusqu’au jour où Satan demande et obtient la permission de l’éprouver.
Alors les malheurs pleuvent sur sa famille et ses biens. Il perd tout. Son corps se couvre d’ulcères. Il se retrouve nu sur un tas de fumier.
Ses amis l’accusent d’avoir péché pour avoir mérité un tel sort. Ils le croient châtié par Dieu alors qu’il est en fait la victime de Satan, le grand initiateur de tout espèce de mal.
Mais Job conserve intacte son espérance. Et après l’épreuve de sa foi, il reçoit du Seigneur le centuple des biens et bénédictions dont il était comblé auparavant. Ses malheurs lui ont permis d’accéder à un niveau de bien-être supérieur au premier.
Remarquons que le bien dont Job est comblé et le mal qu’il éprouve proviennent de deux sources aux antipodes: Dieu et Satan. Il s’établit toutefois un certain dialogue entre les deux protagonistes mis en scène par l’auteur.
La victoire du Christ
Cette collaboration provisoire, qui tourne au désavantage de Satan, peut être interprétée comme une confirmation du pouvoir de Dieu de faire concourir le mal à un plus grand bien. De plus, elle préfigure un événement décisif dans l’histoire de l’humanité. Il s’agit de l’avènement du Christ. Jésus n’a-t-il pas triomphé du mal en prenant sur lui tout le mal de la terre pour ouvrir l’accès à «de nouveaux cieux et une nouvelle terre» (2 Pi 3, 13) autrement plus parfaits que les actuels?
Ainsi, plutôt que de détruire Sa création emmurée sur elle-même dans la désobéissance, Dieu a fait par le Christ une «création nouvelle». Par-dessus le désordre engendré par l’injustice de la première, Il a établi une paix et une justice qui n’auront ni éclipse ni déclin et sur lesquelles Satan n’aura plus aucune prise.
De sorte que la création tombée au pouvoir de l’injustice est maintenant dépassée. Même si le mal y poursuit son œuvre destructrice, il ne l’emportera pas en définitive parce que ce monde est désormais désuet et passera. Il se voue d’ailleurs lui-même, de par les conséquences qui découlent logiquement de son insoumission, à l’auto destruction.
Cependant que Dieu poursuit son œuvre de «création nouvelle», selon ce qu’a pressenti le prophète Isaïe: «Voici que je vais créer des cieux nouveaux et une terre nouvelle, on ne se souviendra plus du passé, il ne reviendra plus à l’esprit» (Is 65, 17).
Cette terre nouvelle, c’est le Corps du Christ qui s’édifie actuellement, par l’adhésion des consciences humaines au cours des siècles, jusqu’à ce qu’il parvienne à sa «sa taille parfaite», selon l’expression de saint Paul. Le Christ est le Chemin vers le «monde nouveau» que Dieu a créé pour ceux qui veulent Le servir… en dépit et au-delà même du mal de la croix!
Et l’Écriture?
Il n’est pas nécessaire d’en rajouter, je pense, pour disculper Dieu des malheurs de la terre. En sorte que les incroyants qui L’accusent de despotisme soient confondus. En sorte aussi que les croyants qui se croient justifiés de L’imaginer comme un Juge en colère sur le point d’écrabouiller Sa création convertissent leur regard à la vision de Son Amour infini.
Il reste pourtant à résoudre une autre objection qui semble aller à l’encontre de cette vision des choses. Elle est tirée de l’Écriture, celle-là.
Que restera-t-il en effet de nos raisonnements lorsque nous les aurons confrontés au fait que la Bible fourmille de récits de cataclysmes commandés par Dieu pour châtier les humains? Le déluge, la destruction par le feu du ciel de Sodome et de cinq villes environnantes, les plaies d’Égypte, les guerres d’invasion de la Terre Promise, les massacres et génocides que Yahvé a contraint les Israélites de perpétrer en passant au fil de l’épée hommes, femmes et enfants, la menace d’anéantissement qu’Il a fait peser sur Ninive par le prophète Jonas, les déportations du peuple élu sont quelques exemples parmi tant d’autres interventions destructrices attribuées à Yahvé dans l’Ancien Testament. Comment concilier de tels faits avec ce qui a été soutenu jusqu’ici?
Parole de Dieu
Commençons par rappeler que l’Écriture est Parole de Dieu. Qu’est-ce à dire?
Bien que le Bible soit une collection de livres écrits à diverses époques par une panoplie d’auteurs de différentes origines, nous affirmons que l’ensemble est Parole de Dieu. Nous ne disons pas «les Paroles» au pluriel mais LA Parole au singulier.
C’est que Dieu a parlé de maintes manières au travers des siècles, mais Il n’a qu’une Parole. Son discours est unique à l’image de Son Être.
Le langage de Dieu est transcendant. Sa Parole s’élabore au-delà des mots que les humains utilisent pour traduire leur pensée. Lorsque Dieu parle à l’humanité, Ses mots à Lui s’étalent sur des siècles. Ils englobent des événements, font intervenir des peuples et mettent en scène le déroulement de l’histoire.
Ainsi, chaque livre, chaque passage de la Bible se rapporte à un tout dont l’ensemble forme la Parole divine. De sorte qu’il est impossible d’interpréter correctement le sens d’un passage isolé sans l’éclairer par l’ensemble de l’Écriture.
Mais comment comprendre le tout si l’on ne connaît pas d’abord les parties? Comment accéder à la vérité de tous les écrits si l’on n’a pas d’abord assimilé celle de chaque livre?
L’attituderequise pour se brancher authentiquement sur la Parole divine, c’est la foi en l’amour de Dieu qui l’assure. Car toute l’Écriture est révélation à l’humanité de l’Amour de Dieu. Ce que saint Jean résume par une phrase lapidaire: «Dieu est amour».
Mais nous les humains, nous sommes durs d’oreille. Nous ne comprenons pas ce que Dieu veut nous dire. Des siècles de préparation de l’humanité ont été nécessaires pour que ces trois mots puissent être écrits.
Que de tâtonnements, que de détours pour en arriver là! Pendant des siècles, que dis-je! pendant d’interminables millénaires, nous avons erré dans le désert, agonisant de faim et de soif. Dieu nous a envoyé des messagers pour nous indiquer la Source qui peut étancher notre soif et la Nourriture qui peut rassasier notre faim.
Mais nous ne les avons pas écoutés. Nous sommes si sourds à Sa Parole qu’à la fin, Il a dû nous envoyer Son Fils, Son Unique. Et il a fallut que nous le mettions à mort pour commencer à comprendre enfin la véritable portée de Son discours à l’humanité: «JE VOUS AIME!». (Lire la suite, quatrième article)
N. B. Cette série d’articles est tirée de Pour discerner l’action de l’Esprit, publié en 1998 aux Éditions Spirimédia.