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La distinction entre la dimension naturelle et surnaturelle, que j’ai sommairement précisée dans mon texte précédent, aura pu en laisser plusieurs perplexes. D’aucuns l’ont estimée abstraite et théorique. Il faut admettre que cette façon de voir ne colle guère aux habitus de la foi. À première vue, l’affirmation que Dieu n’intervient pas à l’encontre des lois qu’Il a Lui-même édictées contredit l’attitude de pointe de la piété qui consiste à s’en remettre au Seigneur en toutes choses. Particulièrement pour ce qui regarde les circonstances bien concrètes de la vie.

 

La galaxie Tourbillon et son Compagnon, un double « objet » cosmique situé à 31 millions d’années-lumière de la Terre (photo NASA).

N’est-il pas légitime de prier pour obtenir les faveurs divines aussi bien dans l’ordre naturel que surnaturel? Si l’univers est autonome et ordonné par des lois inflexibles, à quoi peuvent servir les prières pour la pluie en temps de sécheresse, pour la paix en temps de guerre, pour la fertilité des champs, pour la santé et la prospérité matérielle, pour obtenir un emploi ou réussir ses examens?

Plus grave encore, cette distinction semble difficilement conciliable avec la Toute-Puissance d’un Dieu qui voit tout et sait tout. Rien n’échappe à sa Providence. Conséquemment, le Créateur n’exerce-t-Il pas un parfait contrôle tant sur la nature que la surnature?

La mission des anges

Pour répondre à ces objections, commençons par rappeler que j’ai souligné le mot DIRECTEMENT lorsque j’ai affirmé que Dieu ne s’interpose pas. La formulation laisse donc ouverte la possibilité d’interventions indirectes.

D’autre part, le raisonnement à l’effet que la nature est conditionnée par des lois immuables s’appuie sur un point de vue scientifique. Mais nous pouvons à bon droit considérer la réalité à partir d’une perspective de foi.

Et là, derrière les lois que l’homme de science découvre, la foi peut discerner un monde que les instruments scientifiques ne détectent pas. Celui des anges auxquels Dieu a confié, entre autre mission, la gestion des lois naturelles. Selon les philosophes de l’Antiquité, dont les idées ont été reprises par la théologie chrétienne, les anges sont responsables du cours des astres célestes. La Bible, quant à elle, soutient que Moïse a reçu la révélation des commandements de Dieu par l’intermédiaire des anges (cf. Ac 7, 53). L’épître aux Hébreux précise, en parlant des anges: “Est-ce que tous ne sont pas des esprits chargés d’un ministère, envoyés en service pour ceux qui doivent hériter du salut?” (He 1, 14; cf. He 2, 2 et Ga 3, 19).

Le fait que Dieu dans sa sagesse ait voulu déléguer des anges pour gérer le monde indique que la création n’est pas un système stationnaire. L’univers n’est pas coulé au départ dans le béton. Il n’est pas un mécanisme que le Créateur aurait monté à l’origine des temps et qui fonctionnerait par lui-même tant que le ressort resterait tendu. Si tout était réglé d’avance comme une horloge, à quoi pourrait bien servir le concours des anges? Ils ne géreraient en fait strictement rien et leur fonction serait parfaitement inutile.

Les anges ne sont pas des robots mais des êtres intelligents et libres. Le fait qu’ils puissent contribuer au projet de Dieu indique donc que les lois de la nature n’épuisent pas tout le champs des possibilités du devenir de la création. L’univers demeure ouvert dans sa marche dans l’espace et le temps à un certain nombre de scénarios. De sorte que si nous devions absolument le comparer à un mécanisme, il nous faudrait constater qu’il y a du jeu dans les engrenages qui autorise différents aiguillages.

C’est à ce niveau que les anges peuvent intervenir pour influencer dans un sens ou dans l’autre la part indéterminée de la marche universelle. Cet indéterminisme peut être bien faible et difficilement perceptible lorsqu’il s’agit de considérer les conditionnements de la matière. De l’atome, par exemple.

Mais sur le versant vie de la réalité, il se manifeste graduellement avec plus de force au fur et à mesure que les espèces vivantes gravissent les échelons de l’évolution. Parvenue à l’homme, la marge d’indéterminisme atteint un sommet sans précédent et prend d’énormes proportions, comme nous le verrons. Car à ce niveau, elle porte le beau et redoutable nom de liberté.

Les mauvais anges

Or, il n’y a pas que des esprits qui servent Dieu dans le monde invisible. Derrière les phénomènes de la nature s’activent également les anges qui se sont révoltés contre Lui.

Ces esprits pervertis, même s’ils sont perdus à jamais, conservent un certain contrôle du domaine de la création que Dieu leur avait confié avant leur chute. Mais plutôt que de Le servir, ils visent désormais à saboter Son oeuvre. Ils s’évertuent à mettre du sable dans les engrenages de l’univers.

C’est ce qui explique les grincements, les cris et les tourments de la nature, même avant l’avènement de la liberté humaine. Les mauvais anges ne peuvent empêcher l’oeuvre de Dieu de s’accomplir mais leur activité fait que l’évolution se poursuit parfois sous le signe de la violence: tremblements de terre, éruptions volcaniques, cyclones, tempêtes, cataclysmes.

Des catastrophes peuvent même survenir dans le cosmos où les astres parfois s’entrechoquent. Cependant que sur la terre les dinosaures imposent leur terrifiante domination, que le loup égorge l’agneau, que le lion dévore la biche et que la vipère insinue son venin dans les veines de sa proie.

La bonté de la création

Ces drames cosmiques et cette cruelle tuerie terrestre n’ont pas été voulus comme tels par le Créateur. Le récit de la création dans la Genèse l’affirme implicitement.

En conclusion de chaque jour de la création, l’écrivain sacré insiste sur la bonté de l’oeuvre de Dieu. Au sixième jour, après la création de l’homme, il en met encore davantage en accolant un superlatif au mot bon: “Dieu vit tout ce qu’il avait fait: cela était très bon” (Gn 1, 31).

L’auteur démontre encore que les massacres des prédateurs ne font pas parti du plan de Dieu. Car le Seigneur n’a créé que des végétariens en donnant à l’origine comme nourriture aux animaux et aux hommes “les herbes portant semence, qui sont sur toute la surface de la terre, et tous les arbres qui ont des fruits portant semence” (Gn 1, 29). Ce n’est qu’à partir du déluge qu’Il permettra à Noé de manger la chair des animaux (Gn 9, 1-7).

Dieu est d’une telle bonté que le fruit de la création qu’Il porte ne peut être que parfaitement bon. Rien de ce qui est mal, de ce qui est violent, de ce qui est laid, de ce qui est échec et cruauté ne peut effleurer ni Sa Pensée ni engager Sa Volonté. Dieu est la Bonté absolue. Il n’est qu’Amour et rien d’autre, si je peux m’exprimer ainsi dans les limites du langage en paraphrasant la définition lapidaire du mystère divin en saint Jean: “Dieu est amour!”

S’il est vrai que sa Providence voit à tout, il faut bien préciser qu’Elle est essentiellement positive. Elle ne peut que produire le Bien sans détour et le Bon sans ombre ni amertume. Jamais Elle ne pourrait susciter directement le malheur et provoquer la souffrance.

Les douleurs d’enfantement de la nature ne viennent donc pas du Créateur. Ils portent la signature des mauvais anges qui visent la destruction de l’oeuvre de Dieu.

La création de l’homme

Dieu est si bon qu’Il n’a pas voulu créer l’être humain au milieu d’une nature déjà pervertie par les mauvais anges. C’est pourquoi, raconte la Genèse, Il a planté pour lui un jardin (cf. Gn 2, 8). Là, à l’abri des chocs et des heurts, l’homme aurait pu se développer dans le contexte d’une nature domptée et pacifiée par le Créateur Lui-même.

Mais nos premiers parents devaient saboter cette solution de rechange inventée par un Dieu infiniment bon pour éviter à sa créature de passer par les affres du mal. À la sueur de ton front tu mangeras ton pain, a constaté le Créateur après la chute d’Adam. Tu enfanteras dans les douleurs, a-t-Il précisé à l’intention d’Ève.

Ces déclarations n’étaient pas des punitions que Dieu infligeait en représailles pour l’offense qui Lui avait été faite. Ils étaient des constats, des effets directs du comportement du premier couple.

Car le péché de l’origine a eu pour conséquence immédiate qu’Adam et Ève se sont retrouvés dans le contexte de violence que le Créateur voulait précisément leur éviter. En sorte qu’Adam léguera à sa descendance une terre inhospitalière, pleine d’aspérités et d’embûches parce que traversée par la révolte des mauvais anges… et éventuellement polluée par les péchés des hommes.

En donnant par leur désobéissance à Dieu leur aval au Serpent, ils ont permis au chef des anges destructeurs de gagner encore du terrain dans la création et d’exercer son influence pernicieuse non plus seulement sur la matière et les organismes vivants inférieurs dénudés de raison mais jusque dans la vie morale de l’homme. L’assassinat d’Abel par Caïn est le premier produit amer du champ de bataille dans lequel se déroulera désormais l’évolution humaine.

Les vrais responsables

L’homme qui commet le mal se rallie à l’entreprise de démolition des mauvais anges. Par son péché, il contribue à saboter l’oeuvre de Dieu. Et il laisse en héritage aux générations qui suivent le funeste salaire du mal: les cris et les pleurs, le désordre, la corruption et la mort.

De sorte que le cumul dans l’histoire des transgressions aux lois de la nature en viennent à produire les cataclysmes, dans l’ordre propre de l’humanité, que sont les guerres, les maladies, les injustices, les pestes, les fléaux, les tourments de toute sorte.

Le sida n’est pas un calamité que Dieu a dirigée contre les homosexuels. Il est un effet du péché. Le péché de bestialité, plus précisément, en est la première cause puisque le virus, si l’on peut en croire les hypothèses scientifiques mises de l’avant à ce propos, est passé dans l’espèce humaine par un contact sexuel d’un homme avec un animal. Attribuer à Dieu le fléau du sida n’équivaudrait-il pas à Le faire complice d’un tel acte?

Il ne faut pas projeter sur Dieu la cause d’une maladie héréditaire ou de l’infirmité d’un enfant à sa naissance. Car Dieu n’est pas responsable de ce que nous faisons avec nos gènes. Ce n’est pas Sa faute si notre héritage génétique est marqué par des tares, qui sont des effets des péchés de nos ancêtres, particulièrement de l’alcoolisme et des maladies vénériennes.

Il n’est pas juste non plus d’affirmer que les guerres sont envoyées par Dieu en représailles pour les péchés de l’humanité, comme certains messages prophétiques le prétendent. Les guerres sont causées par les convoitises du pouvoir, de l’orgueil et de la richesse des sociétés en rivalité les unes contre les autres.

Le péché porte en lui-même son salaire et sa propre punition. En projetant injustement sur Dieu l’origine de ses effets, ne fait-on pas un peu trop facilement l’économie de leur cause véritable et de la responsabilité de l’humanité dans ses propres malheurs? Et ne passons-nous pas sous silence la complicité humaine avec les mauvais anges dans l’entreprise de démolition de l’œuvre de Dieu? (Lire la suite, troisième article)

N. B. Cette série d’articles est tirée de Pour discerner l’action de l’Esprit, publié en 1998 aux Éditions Spirimédia.

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