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…une honte pour l’humanité!

Y a-t-il pensée plus horrible que celle d’imaginer des personnes faisant la vente d’êtres humains pour l’appât du gain, tel du bétail vendu aux enchères? C’est malheureusement la réalité cauchemardesque vécue par au moins 2,4 millions de personnes à travers le monde, selon l’Organisation international du Travail (OIT).

Antonio Gomes dos Santos, pris en photo au début de mai 2007, au Brésil, a attendu 11 ans avant de recevoir une compensation monétaire pour les dommages subis, alors qu’il travaillait comme esclave laboureur dans une ferme du Brésil. Il avait été vendu comme esclave pour la somme de 80$. Des sources bien informées affirment que chaque année, les trafiquants d’êtres humains achètent au moins 2500 femmes immigrantes pour le commerce du sexe au Canada. 2200 femmes de plus entrent au Canada, en transit vers les États-Unis, pour travailler dans les bordels, les ateliers de couture et de pressurage, le travail domestique et de construction (photo CNS Barbara Fraser).

Et encore, cette évaluation remontant à 2008 est loin d’être exhaustive. Une partie du voile seulement est levé. Car on comprendra facilement que les auteurs (criminels) de cette forme d’esclavage moderne ont peu d’intérêt à divulguer leurs statistiques et leurs méthodes. Mais comment qualifier le geste de ceux qui entretiennent ce marché par la demande en faisant l’achat de personnes humaines?

On parle ici de trafic et de traite d’êtres humains. C’est-à-dire de vente, achat et exploitation d’humains, y compris des enfants, pour des fins de travail forcé, de commerce sexuel et de vol d’organes. Et croyez-le ou non, les grands événements internationaux comme les Jeux Olympiques sont des occasions en or pour ces trafiquants d’êtres humains.

En effet, les responsables à la conscience muselée qui conduisent ce genre d’activités inhumaines savent bien que ce type d’événement mondial draine des centaines de milliers de touristes. Et ces derniers n’ont pas tous (malheureusement) un baromètre élevé de moralité. Ce qui donne comme résultat que, parmi eux, certains comptent profiter de cette occasion à l’étranger pour satisfaire leurs appétits sexuels pervertis ou pour faire des provisions pour alimenter leur lucratif marché. On appelle cela: la demande. Et c’est justement cette demande constante qui fait la réussite des auteurs de la traite des personnes.

Des faits…

Suite à l’Assemblée générale de l’ONU du 3 juin 2008, et selon les données fournies par l’Organisation des Nations unies contre la drogue et le crime (ONUDC), il ressort que la traite des personnes a pris des proportions endémiques ces dernières années, la majorité des victimes sont des femmes et des adolescents(-es) exploités en vue de la prostitution. De plus, du fait de la mondialisation, «127 pays sont des sources de victimes de ce trafic et 137 États sont des lieux de destination». À noter que le Canada fait partie des pays de destination ou de transit pour la traite des êtres humains.

Selon un rapport récent de l’Organisation internationale du Travail (OIT), les profits illicites réalisés chaque année par les travailleurs forcés se chiffrent à 32 milliards de dollars, dont 10 milliards proviennent de la vente des personnes et les 22 milliards restants correspondent au travail forcé, à l’esclavage et à la prostitution. Un profit, avoue l’OIT, qui représente beaucoup plus que tout ce qui avait été imaginé jusqu’ici. Ce qui nous amène à conclure que le trafic et la traite des humains est un crime très lucratif et pratiquement sans risque, soit à cause de l’absence de lois dans certains pays, de l’enchevêtrement de ces dernières dans d’autres, sans parler de la corruption d’élus de certains gouvernements qui acceptent de fermer les yeux sur ces crimes, moyennant récompense.

Une autre donnée sur la traite et le trafic des humains, communiquée celle-ci par le Haut Commissariat aux réfugiés, nous apprend, (ô horreur) que les régions de prédilection des trafiquants sont celles où sévit la misère, laissant les gens vulnérables, donc des proies parfaites pour l’exploitation.

Un policier escorte un homme arrêté lors d’une descente policière contre un réseau de trafic d’êtres humains près de Barcelone, Espagne, le 23 novembre dernier. En 2008, une recherche de l’«University of British Columbia» a trouvé 31 cas documentés de trafic international d’êtres humains au Canada, pour une période de deux ans, sans qu’il y ait une seule condamnation par les tribunaux canadiens. Au moins quatre de ces cas concernaient des enfants (photo CNS/Albert Gea, Reuters).

C’est ainsi que des trafiquants se sont déplacés dans la région du Delta d’Irrawady, au Myanmar, après le passage du cyclone Nargis, «attirant orphelins et jeunes filles en leur promettant nourriture, abri et un emploi respectable», apprend-on du Département d’État américain.

Le Haut Commissariat aux réfugiés indique également que le nombre de victimes de la traite ne fait qu’augmenter «du fait des désastres naturels, de la pauvreté et du coût élevé de la nourriture, autant de phénomènes qui laissent un repas décent hors de portée pour un nombre de plus en plus important de gens dans le monde.»

De plus, résultant des situations de crises économiques à travers la planète, des crises politiques et des conflits armés, la migration des individus a atteint elle aussi des proportions sans précédent dans l’Histoire, créant ainsi l’occasion de trafic humain de migrants. La traite des personnes et le trafic des migrants sont par conséquent intimement liés, mais distincts l’un de l’autre.

Celui qui fait le trafic des humains, un passeur, fait franchir clandestinement à une ou des personnes une frontière internationale, moyennant rémunération. Habituellement, la frontière franchie, la ou les personnes ne revoient plus leur passeur.

Alors que la personne qui subit la traite, demeure sous le contrôle d’un trafiquant qui va exploiter son travail ou ses services, qu’elle ait passé ou non une frontière, légalement ou illégalement.

Quelles ressources, côté légal?

Qu’existe-t-il au plan législatif quant à la traite et au trafic des personnes? Les autorités judiciaires ont-elles des lois qui leur permettent de sévir contre ces trafiquants?

Sur le plan international, il y a le Protocole de Palerme énoncé par un Comité spécial des Nations Unies, à partir des textes internationaux successifs relatifs à l’abolition de la traite, puis de l’esclavage, qui n’étaient pas assez précis pour combattre efficacement ces crimes d’esclavage moderne et de trafic humain. 140 grandes ONG ont participé à l’élaboration de cette importante convention. Ces coalitions veillaient à ce que les dispositions de la convention et de ses protocoles soient conformes aux principes de la protection des droits de la personne.

Approuvé en novembre 2000 par l’Assemblée plénière des Nations unies, il a été présenté à la signature des États en décembre en 2000, à Palerme, Italie, d’où son nom. En date du 7 janvier 2008, 117 pays s’étaient portés signataires du Protocole de Palerme.

Et chez nous, au Canada?

Bien sûr, le Canada a signé le Protocole de Palerme qui l’engage à légiférer et à sévir contre les criminels qui pratiquent la traite des personnes. Il a légiféré. La traite des personnes est criminelle au Canada.

Mais aucune condamnation n’est encore tombée, alors que plusieurs cas de trafic humain et de traite bien documentés ont été signalés aux autorités policières. Le gouvernement pourrait voir à l’application de ces lois, légiférer davantage et plus humainement, en tenant compte des victimes. Ce que fait le gouvernement canadien, «n’est pas suffisant», déclarait madame Jacqueline Ozman-Martinez dans un guide trilingue qu’elle a produit pour sensibiliser au trafic humain les intervenants et les décideurs. À la demande du Groupe de travail interministériel sur la traite des personnes (GTITP), madame Oxman-Martinez a examiné les actions et les politiques canadiennes en matière de trafic humain, ce qui, de fil en aiguille, l’a menée à rédiger son guide.

«L’effort canadien pour protéger les victimes est faible», estime la chercheuse. Et elle précise que les victimes de la traite peuvent encore être détenues comme immigrantes illégales ou encore faire l’objet de poursuite pour être entrées clandestinement au pays. Celles qui ont été exploitées sexuellement peuvent faire face à une inculpation pour délit de prostitution. De plus, les victimes sont souvent renvoyées dans leur pays d’origine. Finalement, la protection de leurs droits les plus élémentaires est pour ainsi dire inexistante.

Des statistiques de l’an 2000 révèlent que 56% des victimes de la traite étaient des femmes ou fillettes exploitées économiquement (servitude pour dettes, travail forcé domestique ou agricole, exploitation sexuelle pour 96% d’entre elles) selon un rapport sur la traite des femmes et les migrations. Quant à l’OIT, elle nous révèle que 40 à 50% des victimes de la traite sont des enfants.

Le site internet du Conseil Canadien pour les réfugiés (CCR) précise que «la loi canadienne criminalise la traite et, avec raison, la classe parmi les crimes les plus sérieux, en imposant des sanctions sévères aux coupables. D’un autre côté, la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés mentionne seulement les victimes de la traite dans un règlement. Ce règlement cite le fait d’avoir été victime de la traite parmi les facteurs pouvant donner lieu à la détention, incluant celle des enfants. Rien dans la loi ne protège spécifiquement les droits des victimes de la traite.»

En mai 2006, poursuit le CRC, «le gouvernement canadien a émis de nouvelles directives pour la délivrance des permis de séjour temporaire aux victimes de la traite des personnes. Le CRC a salué l’initiative comme un pas positif. Cependant, ces directives se sont avérées inadéquates: elles sont discrétionnaires et ne sont pas toujours offertes aux victimes de la traite; elles imposent un fardeau de preuve déraisonnable aux victimes de la traite; et finalement, le fait qu’elles requièrent la participation des autorités chargées de l’exécution de la loi a découragé plusieurs victimes d’en faire la demande.»

Voir un article connexe: Joséphine Bakhita, de l’esclavage à la sainteté.

 

 

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