Comment expliquer que je l’aie tant aimé? Qu’avait-il de si spécial pour que je m’attache à lui à ce point, en dépit des distances de temps et d’espace qui ont clairsemé les croisements de nos routes? Mais a-t-on besoin de raisons pour aimer son père? Aujourd’hui, je pleure mon papa en esprit. Notre inspirateur, le père Louis-Marie Parent, s’est éteint le 17 mai. Plutôt, il s’est réveillé dans les bras du Père. Tout au long du don de sa longue vie de presqu’un siècle (98 ans), il a été une manifestation très humaine de l’Amour de Dieu. Pour moi et pour tant d’autres qu’il a inspirés et aidés.
Séchons nos larmes. Pleure-t-on un saint? Réjouissons-nous! Pour lui, mission terrestre accomplie! Quelle magnifique fleur que cette vie dans le Christ!
Je l’ai rencontré pour la première fois alors que j’avais à peine dix ans. Il m’a pris sur son cœur. Je me souviendrai toujours de son étreinte affectueuse. Ma première révélation de l’amour de Dieu.
Il était venu chez nous, à St-Bruno du Lac-St-Jean, pour convaincre ma famille de se faire pionnière dans une région reculée de la lointaine Alberta. Il y oeuvrait depuis plusieurs années comme missionnaire.
Curé d’une paroisse francophone, il y maniait la hache et la croix pour défricher tant les terres que les âmes. En dépit d’une santé fragile et des médecins qui lui prédisaient une fin prématurée (plusieurs fois au cours de sa vie, il frôlait la mort), il combinait avec virtuosité et d’un même élan, tâches humaines et quête spirituelle. Une double mission qui ne manquait pas de produire des fruits merveilleux pour le Ciel et la Terre.
En 1943, c’était la fondation, en Alberta, dans des conditions de grande pauvreté, d’une communauté de religieuses vouées à la contemplation et à l’adoration, les Recluses missionnaires de Jeanne-le-Ber. Aux antipodes du pays, au Nouveau Brunswick, il lançait en 1952 l’Institut séculier des Oblates missionnaires de Marie Immaculée, une association de femmes laïques consacrées vivant dans le monde, aujourd’hui présente dans 24 pays. Finalement, l’Institut Voluntas Dei, regroupant des prêtres et des laïcs mariés, voyait le jour en 1958. Trois familles spirituelles motivée par une même spiritualité, codifiée de manière originale par le spécialiste de la sanctification: la méthode des 5-5-5 (voir le deuxième article).
Ce ne sont toutefois pas ces fondations, aussi inspirantes soient-elles, qui ont été l’occasion de mes retrouvailles avec le petit papa de mon cœur. Après plusieurs décennies sans contacts, je le retrouvais dans le cadre d’un reportage. Le déclic de l’amour jouait alors de sa magie et initialisait une relation filiale que la mort ne parviendra pas à éradiquer.
Ce qui m’a marqué à jamais chez lui, c’est sa profonde et étonnante sagesse. Comme tant d’autres qui ont côtoyé cet engendreur d’esprit, je me souviendrai toujours de son culte du moment présent, de son esprit positif et admiratif, de son humour attachant, de son regard empreint de mansuétude sur le monde. Des vertus dont les grâces émaillent les admirables écrits qu’il a laissés en héritage. Pour les siècles à venir, à n’en pas douter. Le père Parent est un saint très moderne, qui a su emprunter le chemin de l’humanité pour accéder à la divinité. Notre monde a soif de cette sagesse tellement humaine qu’elle en devient divine: la sainteté au pinacle de l’humanité.
* Article paru dans Le NIC, 14 juin 2009