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C’est mon dada! Je ne pense qu’à ça, je ne vis que pour ça! J’en mange tous les jours avant mon petit déjeuner. Une obsession, vous dis-je! Je la médite, je la rumine, je la retourne dans tous les sens pour l’assimiler, me la mettre sous la peau. Et toute la journée, je jubile! Grâce à mon dada, mon esprit peut respirer sans craindre la nocivité des poisons environnants. J’en suis fort aise. Qui pourra y trouver à redire? Hein?

Le cardinal Paul Poupard, ancien Préfet du Conseil pontifical pour le dialogue interreligieux (photo CNS/Alessia Giuliani, Catholic Press Photo)

Mon dada est im­portant. Pas parce qu’il est mien. Il est important pour tout le monde. Ouais! J’irai jusqu’à dire qu’il est important pour le salut du monde. Tant que ça!

Même que l’Église ne peut pas passer à côté. C’est mon avis qu’elle devrait aussi en faire sa préoccupation de tous les jours. Sa sollicitude de tous les instants.

Et il y a de bonnes indications qu’elle est bel et bien engagée sur cette piste. Même si ça passe inaperçu et ne fait pas les manchettes des journaux, il y a des lustres qu’elle a ça en tête. (Ou peut-être devrais-je dire qu’elle se casse la tête là-dessus depuis quelques siècles?)

Projet de pointe

J’en veux pour preuve qu’elle vient tout juste de lancer un nouveau programme dans ses universités pontificales. Un projet académique —tenez-vous bien, je lâche le morceau— qui vise rien de moins que le dialogue entre la foi et la science. Emballant, non?

Ce n’est pas un hasard si l’événement était rendu public le 6 mai dernier (2003) dans les jardins du Vatican. C’est là, dans une petite villa du parc papal, que des théo­logiens et des scientifiques se sont réunis en 1992 pour préparer la re­con­naissance officielle par l’Église de son erreur lors de la condamnation de Galilée au 16e siècle.

Mais nous ne nous attarderons pas là-dessus. Le projet universitaire dont il est maintenant question sera offert dans les trois universités romaines détenant une charte pontificale: la Grégorienne, l’Uni­versité de Latran et l’université dirigée par les Légionnaires du Christ, «Athenaeum Regina Apostolorum».

Selon le cardinal Paul Poupard, l’ini­tiative marque «une nouvelle saison du dialogue entre la science et la foi». Sous le titre «Science, théologie et la quête ontologique», le programme académique décernera des licences spécialisées et fera appel à la contribution de Prix Nobel en diverses disciplines, à des scientifiques de haut niveau et à des théologiens de pointe.

L’Église, a déclaré le cardinal Poupard à l’occasion du lancement, reconnaît «la légitime autonomie de la science et son appréciation de cette forme éminente de connaissance». Le président du Conseil pontifical pour la culture, qui a été le coordonnateur du projet, a du même souffle souligné le changement d’attitude des scientifiques à l’égard de la religion. «Les progrès scientifiques ont permis à la science de prendre mieux conscience de ses limites et insuffisances et a fracassé l’image de la toute puissante science qu’elle s’est donnée.»

La religion a besoin de se purifier de l’erreur et de la superstition, a-t-il poursuivi, et la science a besoin de la religion pour lui rappeler son impuissance à répondre aux grandes questions qui hantent la vie humaine, spécialement celles qui concernent l’esprit et le sens ultime de l’existence.

Le père Gianfranco Basti, l’un des initiateurs du projet, estime que la nouvelle formation offerte par les universités pontificales aura des effets multiplicateurs dans toute l’Église. Outre le fait qu’environ 60 % des cardinaux et 40 % des évêques ont étudié dans l’une ou l’autre de ces universités, les étudiants qui les fréquentent sont originaires de tous les continents et plusieurs retournent dans leur pays comme professeurs et enseignants dans les séminaires et universités catholiques.

Des enjeux capitaux

«Y’a rien là», pourra-t-on réagir! Pas la peine de créer tout un suspense pour mettre le sujet sur le tapis, un simple fait divers dans la vie de l’Église catholique.

Mais attention! Je maintiens qu’il s’agit là d’un événement majeur. Tant pour l’avenir du monde que pour le devenir du Peuple de Dieu.

Pour s’en convaincre, on n’a qu’à imaginer une société entièrement contrôlée par la science. Les auteurs de scénarios d’anticipation n’ont d’ailleurs pas manqué de projeter sur film divers types de cauchemars qu’un esprit scientifique débridé pourrait inventer pour l’humanité.

Sans aucune attache morale, la science est inhumaine. Entre les mains du pouvoir politique, elle est prio­ritai­rement orientée vers la recherche d’ar­mes de destruction massive plutôt que vers le service de l’humanité et la résolution des problèmes planétaires. Il vaudrait mieux, pour le bien supérieur de l’humanité, que la science, tout en gardant son autonomie, revienne au giron maternel de la religion pour y puiser la sagesse évangélique.

Quant à l’Église, on peut anticiper quel antre de superstitions, de préjugés et d’obscurantisme elle pourrait devenir si elle cessait de servir la vérité! Je veux dire toute la vérité… incluant les connais­sances scientifiques! Pour la faire disparaître, on ne pourrait trouver meilleur moyen que de l’écarter du parcours historique du monde et, particulièrement, de l’aliéner de la vérité objective.

Église incarnée

Jésus a voulu une Église «dans le monde». Non pas à côté ou en dehors, mais dedans. Il l’a voulu ainsi pour qu’elle parvienne à annoncer son Évangile éternel dans toutes les circonstances historiques que traverse le monde temporel.

Une Église qui cesserait de proclamer l’Évangile au monde ne serait plus l’Église du Christ. Une Église qui n’aurait plus rien à dire au monde serait une église morte.
La Parole de Dieu, c’est le principe vital de l’Église. Sa survie dépend donc du dialogue qu’elle établit avec un monde avide d’entendre la proclamation du salut.

C’est pourquoi son ouverture au monde de la connaissance scientifique est capitale. Car la science, c’est le langage de pointe de nos sociétés modernes.

En ce début du troisième millénaire de l’ère chrétienne, l’Église ne peut espérer être écoutée si elle se contente d’exprimer la vérité révélée en termes d’hier. Son message ne pourra passer que si elle fait l’effort d’adopter le langage d’aujourd’hui.

Mais comment cela peut-il se faire, pourrions-nous répliquer en paraphrasant la Vierge Marie lors de l’annonciation?

Il ne s’agit pas d’exposer la foi en maquillant les vérités religieuses sous l’artifice de mots soi-disant modernes. L’inculturation de la foi réclame bien davantage qu’un simple ajustement de terminologie.

Il faut que la vision de foi intègre les vérités dites scientifiques de manière à l’enrichir et la lancer sur une voie d’évolution parallèle au progrès de la connaissance dans l’humanité. Pour annoncer efficacement l’Évangile au monde d’aujourd’hui, il faut pouvoir démontrer que chaque vérité partielle, obtenue entre autres par les sciences exactes, s’ajuste formidablement —un peu comme un morceau à sa place dans un casse-tête ou une petite pierre dans une mosaïque— à la vision globale et universelle de la réalité dont l’Église témoigne.

L’évolution biologique

Prenons la connaissance d’origine scientifique de l’évolution biologique, par exemple. Qui est «plus qu’une hypothèse», comme l’a déclaré Jean-Paul II à l’Académie pontificale des sciences, laissant entendre par là que la théorie scientifique était suffisamment démontrée pour être reconnue comme une véritable connaissance.

De nos jours encore, certains chrétiens montent aux barricades pour combattre cette vérité scientifique sous la fausse représentation qu’elle contredit la vérité révélée. Un tel combat est aux antipodes de l’inculturation de la foi. Il ne peut que faire du tort au Peuple de Dieu en projetant une image anti-scientifique du message qu’il veut communiquer au monde. Et c’est pourquoi il va radicalement à l’encontre d’une authentique démarche d’évan­géli­sa­tion.

L’exigence d’inculturation réclame, dans un premier temps, qu’on doive démontrer que cette hypothèse scien­tifique n’est absolument pas incompatible avec la foi. Une relecture de la Bible dans cette optique peut d’ailleurs permettre de constater que les récits de la Genèse sont plus proches de la thèse de l’évolution que de la conception d’une création «ex nihilo» appliquée aux réalités contingentes.

Dans un deuxième temps, il s’agit d’intégrer les vérités démontrées à la synthèse religieuse qui peut seule mettre le doigt sur le sens ultime de la réalité et exposer la vérité dernière sur l’homme.

Et il y a moyen d’aller plus loin encore. Tant la science que la foi peuvent sortir gagnants de leur intégration au paysage universel de la philosophie. Après avoir été enrichie par la connaissance scientifique, la foi peut à son tour enrichir la science en lui proposant un gabarit pour analyser la réalité objective… même strictement scientifique. En fournissant des réponses à des questions que la science ne peut pas résoudre par elle-même, la foi peut donner un nouvel élan à la connaissance et la lancer sur des pistes qu’elle n’aurait pu découvrir par les seules facultés limitées de l’homme.

Une cause de joie

C’est ce que modestement je tente de faire par ma recherche philosophique publiée à chaque édition du Nic. En dépit de ma très grande ignorance et non sans l’aide de l’Esprit!

Voilà la cause de la jubilation évoquée au début de cet article. Ma joie ressort de ce qu’en suivant pas à pas le chemin de l’évolution biologique, je parviendrai à dévoiler le Corps du Christ triomphal**. Pour ceux qui cherchent vraiment la vérité, et toute la Vérité. Oh! que ma joie est im­mense!

Notes

*Cet article a été publié dans Le NIC, le 15 juin 2003.

**Cette oeuvre, L’évolution de l’Alpha à l’Oméga, est maintenant disponible en format papier et électronique (fichier Epub ou pdf) sous l’onglet boutique.

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