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Trois jours après la mort atroce de deux chrétiens pakistanais, brûlés vifs dans un four de la briqueterie où ils travaillaient, des informations émergent sur le contexte dans lequel vivait ce jeune couple, parents de trois enfants. Elles jettent une lumière crue sur les conditions de vie faite aux citoyens de seconde zone que sont les chrétiens dans ce pays, le plus souvent cantonnés à des tâches d’éboueur-balayeur-vidangeur ou aux métiers réservés à ceux qui n’ont rien d’autre que leur force de travail à offrir. Dans les briqueteries, il n’est pas rare que les travailleurs et leurs proches, endettés auprès des propriétaires de celles-ci, vivent dans des conditions proches de l’esclavage.

5 novembre 2014, Kot Radha Kishan: Des proches du couple de chrétiens brûlés vifs se recueillent sur le lieu du drame (photo DR).

5 novembre 2014, Kot Radha Kishan: Des proches du couple de chrétiens brûlés vifs se recueillent sur le lieu du drame (photo DR).

Selon l’agence Fides, le ministre-président de la province du Pendjab a rendu visite aux familles des deux époux brûlés vifs le 4 novembre dernier à Kot Radha Kishan. Il leur a promis un dédommagement de dix millions de roupies (78 500 euros) et un terrain de dix hectares. Des montants considérables pour des familles qui n’avaient quasiment rien.

Selon Nadeem Anthony, de la Commission des droits de l’homme du Pakistan (HRCP), un organisme indépendant, la mort de Shahzad Masih et de son épouse Shama Bibi, enceinte de son quatrième enfant, n’est liée en aucune façon à un soi-disant délit de profanation du Coran, l’acte qui a mené une foule en colère à lyncher le jeune couple. Elle a voir au fait que Shahzad Masih était endetté auprès du propriétaire de la briqueterie où il travaillait depuis plusieurs années, une dette d’un montant approximatif de 100 000 roupies (785 euros), et que celui-ci avait peur que Shahzad Masih prenne la fuite sans rembourser son dû. La crainte du propriétaire de la briqueterie serait due au fait que le père de Shahzad venait de décéder après avoir travaillé vingt ans à son service et que ce décès aurait pu donner l’idée à son fils de partir ailleurs chercher un sort meilleur. Le jeune couple aurait alors été enfermé pour empêcher toute fuite et l’histoire de la profanation du Coran aurait été montée de toutes pièces, provoquant l’issue funeste que l’on connaît.

A l’AFP, Iqbal Masih, un frère de Shahzad Masih, a expliqué que sa famille « empruntait de l’argent au propriétaire et travaillait en retour pour lui » et que « cela durait ainsi depuis des années ». « Le 3 novembre, le propriétaire a appelé Shahzad et l’a enfermé, de peur qu’il ne s’enfuie pour sauver sa vie », a poursuivi ce proche parent en pleurs.

Au Pakistan, la pratique qui voit des pauvres s’endetter pour se trouver pieds et mains liés à leur employeur est en principe interdite par la loi, mais ce cercle vicieux est fréquent et les organisations spécialisées dénombrent entre un et cinq millions de personnes ainsi réduites à un quasi-esclavage. Le plus souvent, cet état devient héréditaire, les parents n’ayant pas les moyens d’envoyer leurs enfants à l’école. Pour changer d’employeur, les chefs de famille n’ont d’autre recours que de rembourser leur dette en empruntant auprès d’un nouvel employeur auprès duquel ils se trouvent à nouveau en situation de dépendance. Dans le pays, on les appelle « les piliers de la construction » ; ils fabriquent des briques du matin au soir pour nourrir le secteur du bâtiment et la croissance économique du pays.

Dans le quotidien Dawn, l’un des plus influents journaux anglophones du pays, la bloggeuse et avocate Rafia Zakaria a fait paraître la tribune ci-dessous. Parue sous le titre « The bloodstained bricks that build the nation », elle est datée du 7 novembre 2014. (La traduction est de la Rédaction d’Eglises d’Asie.)

 

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