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Huit Tibétains dans la province chinoise du Sichuan ont été condamnés à des peines de prison allant de 3 à 5 ans, pour leur implication présumée dans le suicide par le feu d’un opposant, a rapporté le service tibétain de Radio Free Asia le 6 novembre. Cette condamnation intervient alors que s’effectue actuellement une tournée d’inspection de la Commission de discipline du Parti communiste visant à « remettre au pas la Région autonome du Tibet (RAT) », en menaçant de sanctionner « les fonctionnaires laxistes et pro-dalai lama ».

La surveillance des forces de l'ordre est constante pour empêcher les immolations au Tibet (photo DR).

La surveillance des forces de l’ordre est constante pour empêcher les immolations au Tibet (photo DR).

Le Tribunal de Ngaba (Aba), préfecture autonome tibétaine de Ngaba dans la province chinoise du Sichuan, a fait condamner, lundi 3 novembre dernier, huit Tibétains pour leur « participation au meurtre » de Konchok Tséten, qui s’est immolé par le feu en décembre dernier.

Konchok Tséten, âgé de 30 ans et père de deux enfants, est décédé de ses blessures le 3 décembre 2013, après son auto-immolation à Meruma, dans la préfecture autonome tibétaine de Ngaba, épicentre des immolations en protestation à l’occupation du Tibet par la Chine (1).

Comme ses prédécesseurs, dont le nombre ne cesse de croître malgré la surveillance accrue des forces de l’ordre (2), le jeune Tibétain avait crié des slogans anti-Pékin et appelé au retour du dalai lama, avant de mettre le feu à ses vêtements imbibés d’essence. Le corps en flammes, il avait réussi à courir quelques mètres le long de la rue principale avant de s’effondrer.

Les habitants avaient alors affrontés la police chinoise pour tenter, en vain, de l’empêcher d’emmener de force le corps calciné de Tséten. La confiscation du corps des suicidés par le feu a été instaurée par Pékin afin de dissuader les candidats à l’immolation, en privant leur dépouille des rituels funéraires qui traditionnellement doivent être effectués par les familles.

C’est depuis Dharamsala, siège du gouvernement tibétain en exil en Inde, qu’une association d’anciens prisonniers politiques tibétains, Gu-Chu-Sum, a révélé cette information lors d’une conférence de presse donnée le 5 novembre dernier par le frère de l’une des condamnées, Dolma Tso.

« Ma sœur a été condamnée à une peine de 3 ans pour implication indirecte dans l’auto-immolation de Konchok Tséten », a déclaré son frère Kungyam. « Dolma Tso a essayé d’aider à placer le corps carbonisé de Tséten dans un véhicule, et c’est pour cet acte de compassion que la police chinoise l’a arrêtée », a t-il poursuivi, ajoutant que sa sœur avait été « battue et torturée sévèrement » durant sa détention de 11 mois afin de lui faire « avouer sa participation à l’acte de rébellion contre la Chine ».

Toujours selon le groupe Gu-Chu-Sum, deux autres personnes, Konme et Gephel, ont été condamnées respectivement à 3 et 2 ans de prison. Cinq autres Tibétains, dont l’identité pour le moment reste non confirmée, ont été jugés pour les mêmes faits et emprisonnés pour 5 ans.

Au total, depuis le 3 décembre 2013, quelque 20 Tibétains auraient été arrêtés en représailles à l’auto-immolation de Konchog Tséten. Les autorités chinoises tentent en effet d’enrayer la vague des immolations en opposition à Pékin, en arrêtant toute personne soupçonnée « d’implication dans les suicides » et en encourageant les délations.

Deux moines de Kirti, à Ngaba, ont été de leur côté condamnés à 2 et 3 ans de prison pour « activités séparatistes et complot contre la nation » par la cour de Barkham, toujours dans la province autonome tibétaine de Ngaba, a rapporté, dimanche 10 novembre, le site Phayul, tenu par le gouvernement tibétain en exil.

Lobsang Tenpa, âgé de 19 ans et moine à Kirti depuis son enfance, a été reconnu coupable d’avoir défilé en avril dernier dans la rues principale de Ngaba, le drapeau national tibétain autour du front et une grande photo du dalai lama portée à bout de bras. Il avait eu le temps de lancer des slogans dénonçant la violente répression chinoise qui sévit au Tibet depuis mars dernier avant d’être arrêté par la police quelques minutes plus tard. Il vient d’être condamné à 2 ans de prison par le tribunal de Barkham, ce 7 novembre, sans avoir eu droit à un avocat.

Un autre moine de Kirti, Lobsang Gyatso, âgé de 20 ans, a été condamné à 3 ans d’emprisonnement pour avoir lui aussi défilé dans les rues de Ngaba le 2 avril dernier avec le drapeau tibétain, en appelant à la libération du Tibet et au retour du dalai Lama.

La « rébellion tibétaine » ne montrant pas de signe d’affaiblissement, Pékin vient de donner de nouvelles consignes aux responsables des régions dites « sensibles », mesures destinées cette fois-ci aux fonctionnaires locaux eux-mêmes. « Certains fonctionnaires ne sont pas montrés assez fermes politiquement, et d’autres ont été signalés comme étant fortement corrompus », a déclaré le 5 novembre, peu après la condamnation des huit Tibétains, Ye Dongsong, responsable de l’équipe d’inspection de la Commission de discipline du Parti dans la Région autonome du Tibet et les provinces de peuplement tibétain.

Chen Quanguo, chef du Parti Communiste dans la RAT, a confirmé le 6 novembre que les coupables « seraient sévèrement sanctionnés », soulignant que « la Région autonome du Tibet ne serait pas épargnée par la campagne anti-corruption » et que le pays devait être débarrassé  des « fonctionnaires sympathisants du dalai lama » qui participent au soulèvement contre Pékin et à la tentative d’« expulsion du peuple Han, la plus grande ethnie de Chine ».

Car, malgré les rumeurs et effets d’annonces, les relations entre Pékin et le dalai lama semblent s’être encore détériorées. La Chine a en effet très peu apprécié les deux annonces inédites faites récemment par le leader religieux des Tibétains.

Le 7 septembre, ce dernier a tout d’abord annoncé qu’il serait le dernier représentant de l’institution séculaire des dalai lama. Une déclaration qui empêche de fait la « reconnaissance » de son successeur après sa mort, la fonction devenant inexistante et donc illégitime après lui. Le XIVe dalai lama coupe ainsi l’herbe sous le pied du Parti communiste chinois qui espérait agir comme pour le panchen lama (2) en désignant un tulku (maître spirituel réincarné) choisi par lui, pour succéder au leader tibétain, et mettre ainsi fait à la « rébellion de Lhassa ».

Une dernière et très récente déclaration du dalai lama a également fait couler beaucoup d’encre en octobre dernier. Après des décennies d’exil tout à la fois forcé et volontaire, le chef religieux des Tibétains a surpris Pékin en déclarant vouloir se rendre en Chine, à Wutaishan, montagne sacrée du bouddhisme. Mais ce qui se chuchote dans les couloirs de la diplomatie sino-tibétaine – officiellement interrompue –,  est que le XIVe dalai lama « aimerait retourner au Tibet pour y vivre ses dernières années ».

Le 9 octobre, un porte-parole de Pékin, a réagi vigoureusement en déclarant que le dalai lama « ferait mieux de cesser de parler d’un soi-disant retour au Tibet ». A moins, a-t-il ajouté, qu’il renonce à son titre de chef spirituel (il n’est plus à la tête du gouvernement en exil depuis 2011), pour « arrêter de diviser le pays ».

(eda/msb)

Notes

(1) Le 16 mars 2011, jour anniversaire de la répression des émeutes de 2008, l’auto-immolation de Phuntsog, moine de Kirti, lançait le phénomène des suicides par le feu qui depuis, ne cessent de croître. Le monastère de Kirti est aujourd’hui sous étroite surveillance : des dizaines de moines ont été arrêtés et des centaines d’autres envoyés en « rééducation patriotique ».

(2) En 1995, le jeune Gendhun, âgé de 6 ans, disparaît mystérieusement alors qu’il vient d’être désigné par le dalai lama comme la réincarnation du panchen lama. Depuis que Pékin a reconnu, un an plus tard, « détenir l’enfant afin de veiller à sa sécurité », aucune nouvelle n’a filtrée sur le sort du « plus jeune prisonnier politique du monde ».

 

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