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Des lecteurs nous ont demandé ce que nous pensions d’une pétition qui a circulé dans certaines paroisses. Elle s’intitule: «Pétition des vrais catholiques». Il s’agit en substance d’un acte d’adhésion à l’enseignement du Magistère de l’Église. Une initiative de l’organisme Vie Humaine Inter­nationale.

Pour bien com­pren­dre le sens de cette pro­tes­ta­tion de fidé­li­té, l’on se doit de la ­situer dans le contex­te d’une autre péti­tion qui a actuel­le­ment cours et fait la une des jour­naux, sur­tout chez nos com­pa­trio­tes anglo­pho­nes. Celle de Vision catho­li­que-Canada (en ­anglais: «Catholics of ­vision-Canada»). L’initiative de VHI se veut une réac­tion aux reven­di­ca­tions de cette der­niè­re qui récla­me ni plus ni moins ­qu’une réfor­me de fond en com­ble de l’Église catho­li­que.

Le contex­te géné­ral

L’on se sou­vien­dra de la péti­tion ger­ma­no-autri­chien­ne ache­­mi­née au Vatican en 1995. Deux ­millions et demi de catho­li­ques y récla­maient des chan­ge­ments radi­caux à la mora­le et à la dis­ci­pli­ne de l’Église. Des mou­ve­ments simi­lai­res, qui repren­nent exac­te­ment les ­points sou­le­vés par la péti­tion alle­man­de mais en les adap­tant au contex­te des Églises loca­les, ont ­depuis gagné la plu­part des pays d’Europe, l’Australie et les trois Amériques.

Aux États-Unis, le mou­ve­ment est iden­ti­fié par «We are the Church» (Nous som­mes l’É­glise) —sans pré­ten­tion au­cu­ne!!! La péti­tion se veut une «cam­pa­gne réfé­ren­dai­re catho­­li­que — une ­action inter­na­tio­na­le sans pré­cé­dent pour réfor­mer l’Église catho­li­que». Rien de moins!

L’initiative amé­ri­cai­ne est par­rai­née par «Call to Action», un orga­nis­me qui cha­peau­te ­divers mou­ve­ments dis­si­dents, comme «Women’s Ordination Confe­ren­ce», les asso­cia­tions homo­sexuel­les «Dignity» et «New Ways Minitry», des regrou­pe­ments qui mili­tent pour le maria­ge des prê­tres tels «Corpus», «Priests for Equality» et «Federation for Christian Ministry», etc.

La stra­té­gie de ces diver­ses péti­tions, ici au pays et ­ailleurs dans le monde, est de ­recueillir le plus pos­si­ble de signa­tures qui ­seront pré­sen­tées Place St-Pierre à Rome lors d’une gran­de mani­fes­ta­tion inter­na­tio­na­le pré­vue le 11 octo­bre de ­l’année cou­ran­te (1997) pour sou­li­gner le 30e anni­ver­sai­re du lan­ce­ment de Vatican II.

Les pré­ten­tions

Ce mou­ve­ment se veut ­l’expression d’une nou­vel­le Pentecôte qui se répan­drait à la vites­se de ­l’éclair dans l’Église uni­ver­sel­le. Il ­s’ins­crirait dans la fou­lée de Vati­can II, un conci­le dont ­l’élan ­aurait été frei­né par ­l’autorité romai­ne actuel­le, ainsi res­pon­sa­ble de ­l’étouffement du vent de réfor­me lancé par Jean XXIII. Les initia­teurs ­n’hésitent pas à récla­mer un nou­veau conci­le oecu­mé­ni­que dont la péti­tion ­serait en quel­que sorte le linea­men­ta, c’est-à-dire le docu­ment de réfé­ren­ce des dis­cus­sions à ­l’ordre du jour de Vatican III.

Le conte­nu

Quels sont donc les ­points sou­le­vés par la péti­tion? À tout le moins pou­vons-nous qua­li­fier son conte­nu ­d’ambigu à plus d’un titre, pour ne pas dire intel­lec­tuel­le­ment mal­hon­nê­te. Car s’y ­côtoient indis­tinc­te­ment des ­options socia­les tout à fait confor­mes à ­l’o­rien­tation pas­to­ra­le de l’Église actuel­le, des ­sujets dis­ci­pli­nai­res légi­ti­me­ment ­ou­verts à la dis­cus­sion et des ques­tions mo­ra­les qui relè­vent de ­l’ensei­gne­ment irré­for­ma­ble de l’Église fon­dée par Jésus-Christ. Le tout lancé en vrac comme une bombe sur la place publique.

À titre ­d’exemple, l’on peut être tout à fait en ­accord avec la ­vision d’«une Église qui reflè­te la com­pas­sion de Jésus… spé­cia­le­ment ­envers ceux qui sont bri­sés et alié­nés». Il n’y a éga­le­ment aucu­ne faute pour un catho­li­que à tenir ­l’opinion que la dis­ci­pli­ne de l’Église pour­rait per­met­tre d’une façon plus géné­ra­le ­l’ordination ­d’hommes ­mariés, comme elle le fait actuel­le­ment pour des cas ­d’exception et pour les catho­li­ques de rite byzan­tin. Mais l’on pour­ra expri­mer de sérieu­ses réser­ves face à la reven­di­ca­tion ­d’ex­emp­tion «de dis­cri­mi­na­tion basée sur ­l’orientation se­xuel­le».

Qu’est-ce que cette for­mu­le (inten­tion­nel­le­ment vague, selon ­l’aveu même des orga­ni­sa­teurs) signi­fie? Pour le ­savoir, il faut consul­ter la lit­té­ra­ture qui entou­re la péti­tion, véri­fi­ca­tion que ne pour­ront évi­dem­ment pas entre­pren­dre la très gran­de majo­ri­té des signa­tai­res. Elle impli­que entre autre que soit recon­nue la mora­li­té des actes homo­sexuels, le maria­ge et ­l’adop­tion ­d’enfants par les cou­ples de gais et de les­bien­nes et, évi­dem­ment, leur accès au sacer­do­ce.

Autre exem­ple. Le point numé­ro qua­tre récla­me une «vaste consul­ta­tion du peu­ple catho­li­que pour déve­lop­per ­l’enseignement catho­li­que sur la sexua­li­té humai­ne». Outre le fait que la mora­le sexuel­len’est pas et ne pour­ra ­jamais dépen­dre d’une consul­ta­tion réfé­ren­dai­re ­vi­sant à enté­ri­ner les pra­ti­ques aber­ran­tes de cer­tains mem­bres de l’Église, il y a le fait que cette clau­se, si l’on consul­te la docu­men­ta­tion qui entou­re la péti­tion, impli­que la béné­dic­tion de la contra­cep­tion arti­fi­ciel­le et de ­l’avor­te­ment.

Et je pour­rais rele­ver plu­sieurs ­autres pro­po­si­tions qui, der­riè­re un voca­bu­lai­re soi­gneu­se­ment choi­si pour ne pas trop ­effrayer les éven­tuels signa­tai­res et ­cacher ­l’ivraie sous ­l’apparence du bon grain, contes­tent non seu­le­ment les doc­tri­nes mora­les les plus cer­tai­nes ensei­gnées ­depuis tou­jours par l’Église mais aussi la struc­ture hié­rar­chi­que de ­l’autorité dans l’Église.

Pétition à ven­dre

L’honnêteté de ­l’entreprise peut enco­re être mise en cause au ­niveau de son finan­ce­ment. Aux États-Unis, par exem­ple, on deman­de aux signa­tai­res un don de un dol­lar pour finan­cer cette vaste cam­pa­gne. Ce qui ­n’aurait rien de trop scan­da­leux en soi si les ­auteurs de ­l’initiative ­n’avaient pas eu le coup de génie de faire appel aux ­agents de pas­to­ra­le des éco­les catho­li­ques pour impli­quer les étu­diants dans la sol­li­ci­ta­tion de signa­tures en leur per­met­tant de rete­nir 60 cents sur cha­que dol­lar reçu pour leurs acti­vi­tés para-sco­lai­res. C’est ainsi qu’un peu par­tout dans les lieux ­publics aux USA, les éco­liers ven­dent, à la place des sem­pi­ter­nel­les tablet­tes de cho­co­lat, des signa­tures de la péti­tion.

Et la réac­tion…

Devrais-je ­m’attarder long­temps pour faire res­sor­tir le côté que je vou­drais qua­li­fier de far­fe­lu de ­l’entreprise… si elle ­n’était pas assu­rée ­d’au­dience enthou­sias­te des ­médias pro­fa­nes et si elle ­n’était pas une occa­sion déplo­ra­ble de chute pour plu­sieurs catho­li­ques?

En ce qui concer­ne les retom­bées de ces péti­tions sur la doc­tri­ne et la mora­le catho­li­ques, il ne faut pas se leur­rer. Elles ­n’auront stric­te­ment au­cun effet, dus­sent-elles obte­nir les signa­tures du monde ­entier. Faut-il rap­pe­ler que l’Église n’est pas une démo­cra­tie et que son ensei­gne­ment n’est ni sujet aux fluc­tua­tions du con­sen­sus popu­lai­re ni déter­mi­né démo­cra­ti­que­ment par le vote majo­ri­tai­re?

Aussi, ­j’estime exa­gé­rée la réac­tion de Vie Humaine In­ter­nationale qui y voit «un com­­plot pour détrui­re l’Égli­se» et ne ména­ge aucu­ne insul­te pour qua­li­fier ­l’initia­tive. Dans sa lit­té­ra­ture, VHI tombe dans des excès de lan­ga­ge qui fri­sent la para­noïa apo­ca­lyp­ti­que. L’on fait ainsi le jeu des extré­mis­tes de gau­che en tom­bant dans un extré­mis­me de droi­te.

Je crois ­qu’une réac­tion plus modé­rée et plus serei­ne ­serait de mise. Et à ce pro­pos, l’on peut à bon droit se deman­der si la ­contre-péti­tion de VHI est une répon­se adé­qua­te aux ­visées des pseu­do-réfor­ma­teurs. Surtout lors­­que cette ­con­tre-péti­tion se pré­sen­te com­me celle des «vrais (sou­li­gné dans le texte de la péti­tion) catho­li­ques».

Là vrai­ment, le choix des mots n’est ni très bien inspi­ré ni inspi­rant. Il prend ­l’initia­tive de la divi­sion et de ­l’ex­com­munication ipso facto à ­l’heu­re où il fau­drait consa­crer tou­tes les éner­gies pour créer un cli­mat de conver­sion, de réconci­lia­tion, de dia­lo­gue en vue de ­l’unité dans le Corps du Christ.

«Nous, on est du bon bord», fait-on ­savoir par cette for­mu­le. Tandis que ceux de Vision catho­li­que, aux­quels on fait direc­te­ment allu­sion dans le texte de la ­contre-péti­tion, sont voués à ­l’enfer, lais­sent-on enten­dre. Les Pharisiens aussi se ­croyaient du bon bord.

Souvenons-nous que les ­grands fac­teurs de divi­sion dans ­l’histoire de l’Église (et cela vaut pour les dis­si­dents ­actuels) se ­situent sur­tout au ­niveau des idées. Mais ce n’est pas sur nos idées que nous ­allons tous être jugés mais sur notre cha­ri­té.

De cha­ri­té, la péti­tion de VHI n’en démon­tre guère. Elle fait plu­tôt ­l’effet de «réac­tion» d’un «parti» mena­cé qui fait bien mal-à-droi­te­ment (c’est le cas de le dire) et mal­gré lui la publi­ci­té de ses adver­sai­res «poli­ti­ques». VHI va même ­jusqu’à recom­man­der à ses mem­bres de se pro­cu­rer le plus pos­si­ble de trous­ses de la péti­tion de Vision catho­li­que dans le but de les faire dépen­ser inuti­le­ment et ainsi les rui­ner au plan finan­cier. Quand même! Ça se passe de com­men­tai­res!

Quoi faire?

Est-ce à dire que ­devant la mon­tée de ­l’activité contes­ta­tai­re de Vision catho­li­que il ­faille bais­ser les bras? La pre­miè­re chose à faire est cer­tai­ne­ment de prier pour notre conver­sion à tous, mem­bres de l’Église. Car nous avons tous, et non seu­le­ment ceux qui ne pen­sent pas comme nous, à faire notre bout de che­min par la conver­sion, même lors­que nous nous vou­lons incondi­tion­nel­le­ment fidè­les à ­l’enseignement de l’Église, pour tra­vailler à nous unir comme des frè­res dans la même foi et le même Seigneur.

J’estime ensui­te que ­l’initia­tive de la réac­tion ­devrait reve­nir prio­ri­tai­re­ment à nos pas­teurs qui ont la char­ge ­d’af­fermir leur trou­peau dans la foi des Apôtres. Et effec­ti­ve­ment, plu­sieurs évê­ques au pays et aux USA ont déjà réagi à la péti­tion de Vision catho­li­que pour en inter­di­re la pro­mo­tion dans leurs dio­cè­ses.

L’archevêque de Vancouver, mon­sei­gneur Adam Exner, «conseille et exhor­te de ne pas coopé­rer avec Vision catho­li­que, de ne pas les sou­te­nir et de ne pas ­signer la péti­tion». À ­l’autre bout du pays, mon­sei­gneur Edward Troy de Saint John a signé dans un jour­nal local un arti­cle dans ­lequel il émet des dou­tes sur ­l’hon­nê­teté de Vision catho­li­que qu’il accu­se de vou­loir «étri­per» l’Église catho­li­que de ­l’ensei­gne­ment magis­té­riel de «l’Évê­que de Rome, le suc­ces­seur de Pierre, qui, avec le Collège des évê­ques, guide et gou­ver­ne la com­mu­nau­té de foi».

Aux États-Unis, la réac­tion de cer­tains évê­ques n’a pas non plus tar­dée. Dans un com­mu­ni­qué de pres­se, ­l’arche­vêque de Denver entre ­autres a émis ­l’opinion que la péti­tion était «anti-ecclé­sia­le dans son ori­gi­ne et son ­esprit. Elle est une créa­ture de la cul­ture poli­ti­que contem­po­rai­ne. Elle tra­vaille ­contre ­l’unité de l’Église et mécon­naît fon­da­men­ta­le­ment la ­nature de l’Église».

Que je sache, la péti­tion de Vision catho­li­que ne sem­ble pas pour ­l’heure très répan­due chez nous (la ­contre-péti­tion de VHI a davan­tage le vent dans les voi­les). Le maga­zi­ne Pré­sence édité par l’Ordre domi­ni­cain a pour­tant pris offi­ciel­le­ment posi­tion en sa ­faveur ­l’automne der­nier (1996) et s’est mê­me pro­po­sé comme inter­mé­diai­re pour sa dif­fu­sion.

Il ­serait donc impor­tant que nos évê­ques se mani­fes­tent aussi chez nous. Et si nous ­de­vions recom­man­der un mou­ve­ment pro­ve­nant de la base des fidè­les pour ­contrer la péti­tion, ­j’estime qu’il fau­drait ­d’abord et avant tout favo­ri­ser de res­pec­tueu­ses pres­sions ­au­près de nos instan­ces pour ­qu’elles se pro­non­cent.

L’archevêque d’Ottawa, mon­sei­gneur Marcel Gervais, a pour sa part déci­dé ­d’interdire dans son dio­cè­se les deux péti­tions. Ce qui n’est pas bête. Histoire de met­tre un frein aux les extré­mis­mes de tous bords!

(Article tiré de la revue LE NIC, 7 avril 1997)

 

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