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Sur le site Internet du journal Le Devoir, je prends connaissance d’un article. Une éventuelle référence, peut-être? J’imprime. Pendant que mon imprimante se dandine sur sa table bringuebalante, je décide de faire une pause. Un petit café, ça vous relance au boulot, n’est-ce pas? De retour au poste, je suis surpris de constater que mon imprimante, elle, n’a pas arrêté de travailler. Toutes les feuilles de son bac sont épuisées et elle en réclame de nouvelles. Qu’est-ce qui peut bien expliquer une telle pléthore d’impression? Je vous le donne en mille! C’est le niqab d’une Égyptienne, possiblement trop jolie pour montrer son visage, qui a provoqué un tel tsunami de commentaires!

Des policiers de l’Inde rendent hommage à Gandhi. Les humains véritablement spiri­tuels, quelle que soit la tradition religieuse dont ils sont issus, sont des sources d’inspiration pour l’humanisation de la société (photo CNS/Punit Paranjpe, Reuters).

J’ai estimé le phénomè­ne tellement surprenant que je me suis tapé plus de 107 pages de commentaires imprimées en petits caractères faisant suite au relativement court article. Histoire d’examiner sous toutes ses coutures le fameux “voile” —ne devrait-on pas plutôt parler de masque?— qui a tant fait réagir!
Après une telle corvée, je ne peux pas dire que je suis très édifié. Le dialogue de sourds de ce forum improvisé, qui portait en fin de compte sur la place que peut ou non occuper la religion musulmane dans l’espace public, ne m’a pas semblé résoudre quoi que ce soit. Ni pour les laïcistes à tout crin qui en ont profité pour sauter à pieds joints sur toutes les religions —vouées sans distinctions aux gémonies—, ni pour les tenants de l’islam qui se sont évertués à slalomer autour des questions en gommant les vrais problèmes.

La vérité qui rend libre

Bizarrement, parmi plus d’une centaine de commentaires, je n’en n’ai pas trouvé un seul représentant un point de vue chrétien. Comme si subitement, “la belle province” —et Le Devoir, en particulier— s’était muée en repaire de laïcistes athées et de musulmans agressifs accusant d’“islamophobie” tout questionnement des dogmes islamiques.
Le Québec se préparait-il à la guerre? Plusieurs pays en Europe sont déjà sur le qui-vive. Après le traumatisme infligé au monde entier un 11 septembre de douloureuse mémoire, on anticipe l’escalade des bombes humaines.
Et on peut effectivement déceler au travers des réactions à cet article une inquiétude lancinante! Une peur qui s’amplifie à mesure que se radicalise le discours. Y a-t-il un réel danger? Notre culture est-elle menacée? Sommes-nous vraiment sous le coup d’un “envahisseur islamique”?
Ma réponse à cette question, c’est que tout dépend… Sommes-nous en mesure de discerner et témoigner de la vérité? Sommes-nous encore capables, tout en reconnaissant la valeur des autres cultures et religions, de nous situer honnêtement face à ce que nous devrions être et que nous avons trahi?
Ce qui peut nous libérer de la peur, c’est la vérité. La vérité nous rendra libres, dit l’Évangile!
La vérité, je dis bien, et non ces mesquines opinions opportunistes —prétendument fondées sur les sciences et la rationalité— qui lénifient les discours à la solde de la pensée magique et de la rectitude politique. La vérité qui sauve l’être humain de la mêlée assassine d’un monde qui défigure l’humanité!
Le savez-vous? Vous en souvenez-vous? Cette vérité, c’est que nous sommes TOUS aimés de Dieu. Que nous soyons athées ou musulmans, animistes ou bouddhistes, Noirs, Jaunes, Rouges ou Blancs, Dieu nous aime! Il veut nous combler de tous les biens possibles et inimaginables qu’Il a créés pour chacun de nous en particulier et que nous sommes conviés à partager tous ensembles.

L’amour sans frontières

Le premier effet de cet amour universel de Dieu, c’est de nous rendre universels. Alors tombent les frontières et les obstacles qui nous divisent les uns des autres. Avant d’assumer nos spécificités, ne sommes-nous pas, d’abord et avant tout, des êtres humains?

Cette peinture représente Socrate condamné à boire la ciguë en présence de Platon et d’Aristote. Les philosophes grecs ont été les premiers à démontrer rationnellement l’existence de l’âme immortelle, une connaissance jusque-là reconnue universellement dans sa forme intuitive par toutes les cultures de la préhistoire.

Parce que nous sommes tous aimés d’un amour infini, il y a dans notre nature, fussions-nous le plus dépravé des humains, une dignité inaliénable qui commande le respect et l’admiration. Au milieu des animaux —qui ont aussi droit au respect à leur niveau propre— nous, les humains, nous sommes des êtres sacrés, des princes de la vie établis au sommet de la création visible pour la cultiver et lui faire produire le fruit de VIE auquel l’univers tout entier aspire depuis l’origine.
Avant donc de se définir d’une manière ou d’une autre, soyons donc tous humains. Croyons en nous-mêmes avant même de croire en Dieu, oserai-je même ajouter. Soyons d’abord des humanistes, car alors, il nous sera facile de nous respecter les uns et les autres pour ce que nous sommes dans le fin fond de notre être. Ensuite, nous pourrons en rendre grâce à Dieu, si nous voulons être des humains jusqu’au bout, jusqu’à l’héroïsme même.
Nous sommes des êtres rationnels émergés des forces aveugles et sans âme de la matière, plongés que nous avons été à l’origine dans une nature sauvage. N’est-ce pas étonnant de constater ce que nous sommes devenus, n’est-ce pas merveille? Et depuis les centaines de milliers d’années de notre préhistoire jusqu’à nos jours, nous avons compris que cette faculté nous donnant accès à la conscience et l’intelligence de la réalité s’explique par l’élément spirituel qui nous habite. Depuis l’Antiquité, les philosophes ont nommé “âme” cette étincelle qu’ils ont considérée comme le germe d’une vie sans fin. Nous sommes des êtres appelés à vivre toujours. Peut-il y avoir révélation plus sublime et exaltante de notre destin?
Cette âme immortelle est le principe même de notre vie. Et c’est pourquoi, nous plongeons en notre intériorité pour entrer en contact avec le fondement de notre être. Nous sommes certes immergés dans la matière et devons travailler pour harnacher ce monde afin qu’il nous assure un milieu pacifique apte à favoriser notre croissance. Mais une fois cette responsabilité assurée, la priorité de notre évolution ne devrait-elle pas nous enclencher sur la voie de la quête spirituelle?

La clef de l’évolution

Ici, je tiens à m’adresser à ceux qui se veulent athées et condamnent sans nuances toutes les religions avant même de les avoir évaluées. J’estime absolument aberrant et aux antipodes de la vérité, par exemple, qu’on prétende dénoncer comme un produit du christianisme ce qui en a été l’ennemi même dans sa plus virulente manifestation: le nazisme et le communisme totalitaire. Combien faudrait-il de victimes chrétiennes, en plus des millions déjà assassinés par ces régimes, pour les faire voir plutôt comme de purs produits de l’athéisme et de l’apostasie, au nom même d’une laïcité intolérante?
Pour ma part, je soutiens qu’il n’est pas fatal que la dimension religieuse de l’humanité se pose en bout de ligne comme un obstacle à l’évolution humaine. Bien au contraire, notre croissance ne peut absolument pas faire l’économie de la quête spirituelle si nous ne voulons pas d’un développement tronqué de sa dimension la plus importante, la plus noble, la plus féconde. Parce que l’intériorité, c’est la clef de l’évolution. Oui, l’évolution biologique et humaine. C’est le giron de la civilisation, le milieu de gestation des œuvres les plus sublimes qu’il ait été donné à l’humanité d’accomplir.
À toutes les époques et dans toutes les cultures, il y a eu, il y a, et il y aura encore des hommes et des femmes qui cherchent dans la profondeur de leur intériorité un chemin de coïncidence entre la conscience et l’essence constitutive de l’être humain: l’âme. Et pour accomplir ce difficile périple, ils s’appuient sur les croyan­ces de leur milieu qui codifient l’évolution spirituelle de l’humanité sous la forme d’une tradition religieuse léguée par les générations précédentes.
Voilà ce qui explique et justifie les religions. Ce sont des structures institutionnelles, des projections objectives mises en place pour aider les personnes individuelles à cheminer efficacement dans leur quête de développement transcendant. La religion est distincte de la foi en ce sens que c’est le rôle de toute institution religieuse de proposer des balises sur le chemin de foi de ses adeptes, des voies de croissance et d’épanouissement dans leur approche du “Milieu divin”, pour employer l’expression de Teilhard de Chardin.

Considérer l’expert

On peut comprendre que toutes les religions ne remplissent pas cette fonction de la même manière, justement parce qu’elles s’appuient sur diverses traditions. En fait, dans la tradition spirituelle de l’humanité, il y a une évolution au même titre et parallèle à la connaissance dans l’humanité, incluant évidemment les connaissances scientifiques.

Au travers de l’oeuvre du pasteur Martin Luther King, on peut voir l’effet social bénéfique d’une vie spirituelle authentique qui fait fi des barrières confessionnelles. Plusieurs catholiques, dont des prêtres, se sont joints à la croisa de qu’il a enclenchée pour les droits civils des Noirs en Amérique. Notre photo montre une petite fille d’une école catholique arborrant fièrement un portrait de l’homme motivé par une vie spiri­tuelle intense (photo CNS/John Healy).

La dimension religieuse de l’humanité n’est nullement figée dans des croyances archaïques du passé. Elle demeure en évolution dans une recherche constante de la vérité. C’est pourquoi on ne devrait pas reprocher à la religion les superstitions du passé pas plus qu’on dénigrerait aujourd’hui les progrès des sciences en raison des conceptions de l’Antiquité ou à cause de la recherche de la pierre philosophale par les premiers scientifiques, les alchimistes du Moyen-âge.
On ne peut non plus prendre prétexte de la faiblesse des adhérents à une tradition religieuse donnée pour stigmatiser la religion tout entière. Si on veut apprendre à jouer au hockey, on ne va pas demander comment faire à celui qui ne sait pas patiner. On consulte le professionnel du jeu, l’expert dans ce domaine.
De même, si vous voulez savoir ce que vaut une religion, allez voir ce qu’elle peut produire de meilleur. Vous voulez savoir ce que vaut le bouddhisme tibétain? Considérez le Dalaï Lama. L’hindouisme? Gandhi en est l’une des plus hautes figures. Le protestantisme? Rappelez-vous de Martin Luther King. Le catholicisme? Voyez son étonnante fécondité dans la multitude des saints d’hier et d’aujourd’hui, tous des modèles chacun en son temps pour ceux qui veulent suivre la voie proposée à l’humanité par le Christ.

Le relatif dans les religions

Il demeure que les diverses religions parviennent inégalement à remplir leur rôle de soutien de la démarche spirituelle. Les structures extérieures —que sont entre autres les diverses doctrines— ne se justifient donc pas comme des fins en soi. Elles ne priment pas sur le développement vital des personnes.
Car elles subissent l’usure du temps et peuvent être déphasées. Elles peuvent parfois devenir des coquilles vides lorsqu’elles n’édifient plus personne. Elles peuvent aussi dévier et conduire ses adeptes dans le cul-de-sac de la régression aux frontières de l’absurde. Elles peuvent être récupérées par des objectifs de domination et être instrumentalisées par le pouvoir politique. Parce que l’être humain est faillible, sa religion comme lui peut s’égarer et se pervertir.
Il faut donc user d’un grand discernement pour identifier les conceptions religieuses à la fine pointe du progrès spirituel de l’humanité dans son ensemble. Car la religion n’a pas de raison d’être si elle ne sauve pas l’homme. Elle ne peut prétendre servir Dieu si elle n’est pas au service de l’humanité.
C’est à la lumière de cette réflexion que je me propose dans un prochain article d’en appliquer les principes à l’islam, puisque c’est précisément autour de la foi musulmane que la controverse a été amorcée par la sans doute très séduisante Égyptienne que l’on sait.
Voir la suite, 2e article

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