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Dans mon article précédent, j’ai étayé mon propos avec une illustration tirée de mon ouvrage L’évolution de l’Alpha à l’Oméga. Ce graphique, intitulé La maison de la vie, peut enrichir notre interprétation des récits de la Genèse. Son langage visuel réclame toutefois quelques explications complémentaires pour s’ajuster au contexte théologique et culturel du présent travail [1].

Le développement du phénomène global de la vie sur la Terre est comparable à une vigne qui s’accroche aux aspérités abruptes de la matière pour s’élever de plus en plus haut afin de capter plus de lumière et de chaleur.

Les deux faces de l’univers

Le dessin représente l’évolution biologique, humaine et spirituelle. Le développement de la VIE sur la Terre n’est pas dû au hasard, quoi qu’en dise une portion minoritaire de scientifiques prônant l’athéisme ! Ce plus que mystérieux phénomène, survenant sur notre planète en marge des immenses réalités du Cosmos, ne se réduit surtout pas à l’obligatoire matérialité des réalités concrètes, qu’elles soient vivantes ou inanimées.

La VIE est en fait l’antipode de la MATIÈRE. Les lois qui régissent son développement s’opposent aux forces qui conditionnent la matérialité. Par exemple, la VIE unifie les éléments qu’elle assimile par la croissance (syntropie) tandis que la MATIÈRE disperse son énergie en se refroidissant (entropie). La VIE se déploie toujours dans l’évanescent PRÉSENT de la conscience intérieure ; la MATIÈRE suscite l’espace et le temps extérieurs.

C’est pourquoi j’utilise l’expression  SUBSTANCE VIVANTE pour marquer cette réalité globale comme l’envers du décor de la SUBSTANCE MATÉRIELLE. Car c’est la conjonction de ces deux substances qui définit le tout RÉEL. Celui d’un univers à deux faces : l’une, MATIÈRE visible, divisible, tangible ; l’autre, VIE invisible, insécable, impalpable.

La connaissance de la vie

La substance vivante peut se concevoir comme une énergie qui anime les organismes de l’intérieur, maintient leur unité et leur confère une autonomie. Les sciences, ordonnées qu’elles sont à la matérialité, ne peuvent ni détecter cette substance par les outils technologiques ni identifier les lois qui la déterminent. Pour accéder à la connaissance de la VIE, il faut être vivant, c’est-à-dire, concerné par l’ÊTRE en SOI.

Cette prise de conscience subjective est l’inverse du détachement de SOI requis par le scientifique pour accéder aux connaissances objectives. La facture de cette substance insaisissable touche donc à l’ordre moral et spirituel. C’est pourquoi les compétences requises pour l’étudier et en déduire les lois relèvent de la philosophie, de la spiritualité, de la quête religieuse : des démarches toutes concernées par la conscience intérieure et l’engagement moral des personnes.

1- Axe horizontal du parcours de la substance vivante dans le temps. 2- Axe vertical du développement qualitatif des espèces. 3- Courbe ascensionnelle de la substance vivante dans le temps. Au début, le développement de la substance vivante est lent et s’accélère au fur et à mesure de l’avancement du temps. 4- Le monde des unicellulaires est composé de micro-organismes. 5- Le monde des multicellulaires est le milieu vital d’organismes (végétaux et animaux) formés de plusieurs cellules. 6- Le monde de la conscience réfléchie est habitée par les consciences humaines. 7- Le palier de la conscience unifiée est celui du Christ Total, destiné à rassembler dans l’unité toutes les créatures intelligentes et libres de l’univers. 8- L’énergie originelle que la formation de la matière dissipe dans l’espace et le temps est reconquise par la substance vivante en quatre bonds qualitatifs. À chaque palier, la substance vivante résume dans un seul organisme les réussites de l’étage inférieur. Ainsi, un animal multicellulaire résume à lui seul le monde des unicellulaires tout entier ; chaque conscience humaine constitue la synthèse du monde des multicellulaires, et la Conscience unifiée ou christique rassemble dans l’unité toutes les consciences humaines.

Les quatre paliers

Dans le graphique, le fluide vital est représenté par une courbe s’élevant vers une Source originelle d’énergie. Cette “source” suppose l’existence d’un Dieu créateur, qui agit sur cette substance par attraction, comme un aimant. Car la VIE provient de Dieu et retourne à Dieu.

En investissant la matière pour l’animer, la substance vivante pousse les espèces à se dépasser pour inscrire leur développement à une plus haute qualité de vie. Elles sont ainsi transformées en vue du saisissement de l’Objet convoité par la quête vitale. Soit l’Organisme immortel parvenu à s’aboucher à la Source originelle de la VIE.

Quant à la mouvance de la courbe dans l’espace et le temps, elle rend compte de l’évolution, depuis les microorganismes jusqu’à la « conscience unifiée » de la VIE-à-venir, au-delà de l’humanité actuelle. Un tel périple peut se comparer à la croissance d’une plante qui se développe en s’élevant verticalement au-dessus du sol afin de capter toujours plus de lumière et de chaleur. De même, la VIE doit se distancer de plus en plus de la matière, en inscrivant sa croissance à contre-courant de l’entropie de la matière pour capter toujours plus d’Énergie originelle.

Pour parvenir au plein épanouissement, la plante passe par des stages de développement : germination, croissance de la tige et des feuilles, floraison, production et mûrissement de fruits. De même la substance vivante se développe dans le temps en envahissant graduellement les quatre étages de la Maison de la vie.

La distance qualitative entre les apogées de ces “mondes” est inestimable. Car chaque palier est acquis par un déplafonnement qualitatif faisant suite à la synthèse du “monde” précédent. Ainsi, chaque organisme végétal ou animal du monde des multicellulaires résume à lui seul les potentialités biologiques explorées dans le monde des unicellulaires tout entier. De même, le monde de la conscience réfléchie – le palier de l’humanité – synthétise par la raison toutes les possibilités sensorielles développées au niveau de la conscience animale. Quant au monde de la conscience unifiée vers lequel l’humanité est en marche, il fait suite au déplafonnement du genre humain accompli par Jésus de Nazareth, il y a deux millénaires. En finalité, le “monde nouveau” qu’il a initialisé synthétisera en un seul Corps toutes les consciences impulsées par l’Esprit divin au cours de l’Histoire de la VIE sur la Terre et dans les Cieux (le Cosmos).

Une seule substance

Observons la solution de continuité qui existe entre les divers paliers de la Maison de la vie en dépit des infranchissables ordres de grandeur physiques et spirituels qui les séparent. Il ne s’agit pas de quatre niveaux autonomes ayant un début absolu chacune à son temps. L’illustration  désigne une seule et unique substance. Elle a commencé à se manifester humblement dans la dimension microscopique des unicellulaires, il y a quelque 3,8 milliards d’années, pour finir, à brève échéance, par englober l’univers tout entier lors de « la construction du Corps… au terme de laquelle nous devons parvenir tous ensemble » à « constituer cet Homme parfait, dans la force de l’âge, qui réalise la plénitude du Christ » (Ép 4, 12-13).

Le “chantier” de la VIE ne va pas de soi. La création est une entreprise extrême, même pour un Dieu tout-puissant. Au début, la SUBSTANCE VIVANTE parvient tout juste à investir, pour un temps très court, les structures microbiologiques aptes à servir de fondation de la vie terrestre. À la fin, après le labeur de milliards d’années d’évolution, l’énergie vitale animera en permanence la matière subtile et incorruptible du Corps plénier du Christ.

Le but de la création

Voilà ! La lecture théologique de ce graphique dévoile non seulement le plan de la création en cours mais il en révèle la raison d’être. Car selon ce que l’on peut en induire, Dieu – Esprit – a créé l’univers pour se donner un Corps. Non par narcissisme mais par amour, pour partager éternellement sa VIE et sa béatitude avec une multitude humaine divinisée. Le dernier livre de la Bible chrétienne évoque cet apothéose du projet divin.

Voici la demeure de Dieu avec les hommes. Il aura sa demeure avec eux. Ils seront son peuple, et lui, Dieu avec eux, sera leur Dieu. Il essuiera toute larme de leurs yeux : de mort, il n’y en aura plus ; de pleur, de cri, de peine, il n’y en aura plus, car l’ancien monde s’en est allé.
Alors, Celui qui siège sur le trône déclara : “Voici que je fais l’univers nouveau” » (Ap 21, 3-5).

L’échec de la VIE ?

Le diagramme de la Maison de la vie fait pressentir la sublime beauté de la VIE parvenue à l’apogée de son développement. Cette vision universelle, harmonisée aux éléments de culture contemporaine, correspond au premier récit de la création. En ceci  qu’elle répond à un même objectif de présenter positivement la création, jugée « très bonne » (Gn 1, 31) par le Créateur.

L’univers n’est pas statique. La création n’a pas été toute faite au départ du temps. Elle se construit progressivement. Elle est en mouvement dans le temps et accomplit une montée, une ascension qui culmine par l’émergence d’une humanité en marche vers sa divinisation.

Mais tout comme le premier récit de la création de la Genèse passe sous silence le pourtant très réel côté négatif de la vie terrestre, de même cette présentation graphique ne révèle rien du combat que la VIE doit livrer pour s’accomplir. Si le dessin donne l’assurance que le projet du Créateur réussira parfaitement, il ne rend pas compte de la mise en échec de la substance vivante, à chaque étape de son développement progressif.

Car dans sa montée dans l’espace et le temps, la substance vivante ne triomphe de l’entropie de la matière par l’immortalité qu’à la fin de son périple. Si bien qu’entre le début et la conclusion de l’Acte créateur[2] s’insinue la mort biologique due à l’usure de la composante matérielle des organismes[3].

Le mal biologique

Toute la question est de savoir si cette fatalité ne serait pas la cause première du mal sous toutes ses formes qui sévit sur la Terre en dépit de la bonté fondamentale de la création ! Ne faudrait-il pas alors en conclure que Dieu en définitive serait responsable de la mort – et du mal qui s’ensuit – puisqu’elle découlerait de l’Acte créateur ?

Mais cette induction serait par trop hâtive. Surtout, elle tomberait dans le piège que le récit de la chute de la Genèse vise précisément à éviter. Celui tendu par le serpent mythique derrière lequel l’on peut identifier Lucifer[4].

Non ! Dieu n’est pas à l’origine de la mort mais elle découle inévitablement d’une création en route vers un achèvement. Ce qui nous apparaît comme étant un mal est en fait une bénédiction. Car la mort est un tremplin permettant à la création de gravir les échelons qualitatifs de la VIE jusqu’à ce qu’elle parvienne à atteindre une durée éternelle. Son apparente nocivité est due au fait que l’Acte créateur – qui englobe aussi bien le PRÉSENT que les temps passé et à venir – n’est pas perçu par nous dans son état ultime d’achèvement, de sorte que la création n’a pas encore atteint la perfection à laquelle le Créateur la destine avec la participation du genre humain.

Puisque notre existence se déroule à un moment ponctuel de l’Acte créateur, que notre propre création, conséquemment, n’est pas encore achevée, et vu que nous sommes des êtres libres, nous devons en effet consentir à notre propre évolution en collaborant avec notre Créateur pour parfaire notre monde humain. Pour assumer cette tâche, nous ne sommes pas laissés à nous-mêmes. Car sur le chemin de notre vie terrestre, l’Esprit divin nous guide, au-delà de la souffrance et de la mort, vers la destination glorieuse de la vie éternelle.

Ainsi, la mort et la souffrance éprouvée en ce monde participent au labeur de Dieu visant la création d’une humanité bienheureuse et immortelle. Un labeur grandiose de spiritualisation auquel chaque personne peut librement consentir, selon ce que l’Apôtre expose merveilleusement.

J’estime en effet que les souffrances du temps présent ne sont pas à comparer à la gloire qui doit se révéler en nous. Car la création en attente aspire à la révélation des fils de Dieu… Nous le savons en effet, toute la création à ce jour gémit en travail d’enfantement. Et non pas elle seule, nous-mêmes qui possédons les prémices de l’Esprit, nous gémissons nous aussi intérieurement dans l’attente de la rédemption de notre corps » (Rm 8, 18-23).

Le NON à l’évolution

Mais c’est ici qu’un discernement des plus subtils est grandement requis. On doit comprendre qu’il y a deux sources distinctes de ce que nous appelons le mal en général. Il y a notre condition vulnérable et mortelle qui  s’explique par notre incomplétude. L’autre source du mal se ramène à une résistance à la Volonté créatrice.

Le refus de collaborer au plan de création est possible en raison de la liberté[5]. Les effets ravageurs que ce rejet de la Divinité produit sont d’une telle nocivité qu’ils donnent à penser actuellement que le MONDE humain est voué pour toujours au malheur infini d’une violence extrême. Alors que le premier mal, celui de la mort, contribue à la construction de la création, cette deuxième source du mal, au contraire, est destructive de la création. Plutôt que le dépassement de la condition humaine que Dieu propose à notre liberté, c’est l’option de la jouissance immédiate de l’ÊTRE INACHEVÉ au détriment de la gloire conclusive de l’ÊTRE-À-VENIR.

Voilà la deuxième source du mal appelé péché. Fondamentalement, il constitue un détournement du dynamisme vital à des fins égocentriques par un refus du dépassement vers une vie plus haute.  En d’autres mots, c’est le refus d’évoluer.

Le “mystère d’iniquité”

J’ai déjà décrit ce refus comme une résistance à l’Acte créateur. Cette résistance découle du fait que toute création par un Dieu éternel a un inévitable commencement.

Un Dieu infini engendre l’infini (son Fils) mais ne le crée pas. Un Dieu infini ne peut que créer de la finitude. Cette contrainte ontologique fait que toute création doive s’étaler dans une dimension spatiotemporelle, que ce soit celle des anges ou celle des êtres vivants sur la Terre et ailleurs dans le Cosmos. Ce qui a pour conséquence une antériorité à la création qui fait naître inévitablement la notion de néant.

Avant la création, il n’y a pas de néant car le néant suppose l’absence d’une création existante. Avant la création, il n’y a que Dieu et Dieu est tout.

Or, l’introduction par la création de la notion du non-être exerce une sorte d’attraction du vide, un vertige qui fait dire : « J’aurais pu ne pas être ». Deux réactions contraires découlent de cette prise de conscience, l’une s’inscrit du côté de la VIE, l’autre de la MATIÈRE. Je peux dire merci au Créateur pour le don gratuit de l’ÊTRE. Ou encore, je peux  m’infatuer d’orgueil en attribuant à mon mérite mon autonomie d’être.

Voilà la base du discernement du bien et du mal dans la création. Le bien, c’est le merci à l’ÊTRE, le mal, le refus d’être créé, le rejet d’un commencement.

Le refus de la création

Et c’est ici que nous revenons au problème laissé en plan pour faire place à la longue parenthèse que constitue cet article. Dans notre relecture du récit de la chute de la Genèse, nous en étions antérieurement à procéder à l’identification du grand responsable du péché originel qui sévit dans la création. Nous y viendrons dans le prochain article.

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Notes

[1] Dans L’évolution de l’Alpha à l’Oméga (ouvrage disponible en format papier et électronique à https://www.ac3m.org/?page_id=6174), la présentation de ce graphique s’étale  sur plus de cent pages, du 10e au 20e entretien. On comprendra que son explication ici est très sommaire.  

[2] Rappelons ici l’argument déjà présenté selon lequel l’Acte créateur d’un Dieu éternel est nécessairement unique et chapeaute tous les temps de l’univers.

[3] Dans L’évolution de l’Alpha à l’Oméga, la mort biologique est présentée comme un échec de la substance vivante du fait que la VIE ne peut subsister que dans la dimension du PRÉSENT, de sorte que l’inévitable déstructuration qu’exerce l’entropie de la matière sur les organismes a pour conséquence la perte du PRÉSENT, soit la mort.

[4] Dans le prochain article, nous tâcherons de cerner précisément le rôle joué par cet Archange dans la création.

[5] Dieu a attribué la liberté à l’humanité parce qu’il ne peut y avoir d’amour sans liberté. Or, le plan de création constitue en soi une révélation de l’Amour. C’est pourquoi son rejet équivaut en définitive au refus du don de soi par amour.

À suivre: La sourcre du mal

Une réponse à 25- La Genèse revisitée – La Maison de la vie

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