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Or, la terre était vide et vague, les ténèbres couvraient l’abîme,
un vent de Dieu tournoyait sur les eaux. Dieu dit…
(Gn 1, 2-3).

Nous avons vu précédemment que l’expression « le ciel et la terre » du premier verset de la Genèse désigne une double face de l’univers. Inévitablement, nous exprimons cette bipolarité, par des termes antinomiques. Ces concepts aux antipodes, toutefois, ne devraient pas être considérés inconciliables. Au contraire, ils doivent être reçus comme l’expression d’une incontournable complémentarité qui se répercute tous azimuts dans la construction de l’univers, quelle que soit l’angle sous lequel le réel est abordé.

« ...l'Esprit de Dieu tournoyait sur les eaux... »

« …l’Esprit de Dieu tournoyait sur les eaux… »

Voici illustrés schématiquement quelques termes de cette “dualité positive”. La liste non exhaustive ci-dessous – nous aurons l’occasion d’y faire de nombreux ajouts tout au cours de cette recherche – sera de grande utilité pour décrypter le véritable sens de la Genèse.

iiiii    UNIVERS
iiiii     =

      TERRESTRE – CÉLESTE
iiiiiiiii      VISIBLE – INVISIBLE
iiii      EXTÉRIORITÉ – INTÉRIORITÉ
MATIÈRE – VIE
iiii       CONCRET – ABSTRAIT
iiiii      SENSORIEL – RATIONNEL
i       QUANTITÉ – QUALITÉ
iii         OBJET – SUJET.

Création terrestre
Dès l’abordage de sa narration, l’auteur du premier récit de la création fait allusion à notre planète avant même que Dieu ait énoncé quelque parole créatrice que ce soit. On pourrait penser qu’il laisse entendre par là que Dieu a créé toutes choses à partir d’une terre préexistante. Cette hypothèse serait renforcée du fait que Dieu crée les astres le quatrième jour sans que la création de la terre soit mentionnée ce jour-là ni, d’ailleurs, lors des cinq autres jours.

Mais ce qui infirme cette supposition, ce sont les termes utilisés pour décrire l’état de cette terre comme pour en effacer toute image mentale. Dans la culture du scribe, le concept de néant n’était sans doute pas connu. Alors, il décrit ce qui s’en approche le plus : « Or, la terre était vide et vague, les ténèbres couvraient l’abîme ». Le vide, le vague, les ténèbres, l’abîme… Cette succession d’images n’évoque-t-elle pas le néant d’existence ? Voyons de plus près !

« Or, la terre… ». Il ne dit pas au départ – ni plus loin dans le récit – “Or, le ciel…”. Que doit-on comprendre ? C’est que son propos ne concerne pas le volet céleste de la création mais le terrestre. Il aborde son discours en partant d’un point de vue objectif qui touche à la matérialité de l’univers visible. Son vocabulaire s’apparente donc principalement à la liste de gauche ci-dessus.

« …était vide et vague… » On trouve ici l’envers d’une bipolarité qui renvoie par la négative à ce qui fait la réalité.

Le « vague », c’est l’indéfini, l’absence de FORME. Tout ce qui existe, de quelque nature que ce soit, possède en effet une FORME, soit une structure qui fait l’UNITÉ de la chose à partir d’une MULTIPLICITÉ d’éléments. (NOTE : Ici, une précision s’impose ! La FORME à laquelle je fais allusion ne doit pas être associée aux seules apparences extérieures. Elle comprend tout ce qui fait le côté physique de la réalité, par exemple, tant les organes internes qu’externes du corps ou les molécules et les atomes de l’objet.) Le monde physique ne peut exister sans être FORMELLEMENT organisé à tous les niveaux, du microcosme au macrocosme. Cette exigence de la réalité s’applique indistinctement aux organismes vivants et aux objets inanimés puisque tout ce qui se tient du côté de l’univers visible est fait d’une même substance, nommée MATIÈRE.

Mais, étrangement, la matière pure est une vue de l’esprit. Car même avec les instruments scientifiques les plus sophistiqués, elle ne peut être saisie dans son fond. Au-delà des atomes, des électrons, des particules élémentaires, les scientifiques se heurtent au mystère de la genèse de la matière au point que certains en viennent à douter de son existence même. (Note : cf. le 5e entretien, La genèse de la matière, dans L’évolution de l’Alpha à l’Oméga, ouvrage disponible sur ce site en format papier ou numérique.) La raison en est que la matière n’est accessible à nos investigations que lorsqu’elle est structurée dans une forme, fut-elle infinitésimale. C’est pourquoi, en l’absence de forme, elle perd les attributs du visible et bascule dans l’invisible énergie pure, prégnante de virtualités.

Quelques exemples : les protons, les neutrons et les électrons ne pourraient pas former d’atomes si la structure atomique ne s’imposait pas à ces particules ; le soleil s’évanouirait dans un hypothétique plasma chaotique originel – « le vague » biblique ? – si les éléments qui le constituent n’étaient pas unifiés par la FORME qui le fait soleil ; les astres comme les objets terrestres ne pourraient pas exister comme tels s’ils n’étaient pas dotés d’une FORME spécifique qui fait qu’ils SONT.

Une vérité de La Palisse, pourrait-on commenter ! Elle découle pourtant d’une profonde prise de conscience de la réalité. (NOTE : Les physiciens s’interrogent sur le fait que tout objet matériel conserve sa forme en dépit de conditions qui devraient logiquement leur imposer une déstructuration. Par exemple, ils se demandent comment il se fait qu’un disque, qui tournerait à grande vitesse, ne se déforme pas. Vu l’immense espace de vide qui existe entre les atomes, ceux-ci devraient être modifiés dans leur position ou même expulsés par la force excentrique de la rotation. Puisqu’il n’en est rien, ils induisent qu’une force, indétectable comme telle, dénommée « champs ou invariance de jauge » maintien la cohésion des atomes entre eux.) L’apparente lapalissade peut servir d’entrée en matière pour l’autre caractère fondamental de la réalité physique, évoquée négativement par le verset biblique : le « vide ».

Le « vide », c’est l’absence de contenu. Il ne suffit pas qu’une chose possède une FORME pour exister. Il faut obligatoirement que cette FORME contienne quelque chose. Il ne peut exister de FORME sans contenu. Si bien que contenant et contenu sont inséparables ! L’un ne va pas sans l’autre ! Ce contenu, c’est ce qui donne à la FORME visible sa signification invisible. Peut-être que nous ne savons pas ce que signifie une réalité particulière mais notre ignorance ne permet pas d’induire qu’elle serait « vide » de SENS. Je dis SENS dans toutes les acceptions du terme, incluant celle de réaliser une fin, cette fin, ultimement, étant d’ÊTRE. Toutes les réalités possèdent une forme visible et jouissent invisiblement d’ÊTRE au présent. Dans l’ESPACE-TEMPS, dans un monde en mouvance incessante du passé vers le devenir, l’ÊTRE s’affirme stablement au PRÉSENT. ÊTRE est ESSENTIELLEMENT positif. Il n’existe aucune faille dans l’ÊTRE par laquelle la moindre considération négative puisse s’insinuer. L’ÊTRE se moque du néant ! Il s’ensuit que tout ce qui jouit de l’ÊTRE, de quelque forme que ce soit, est bon et bien. Les réalités ont toutes leur raison d’ÊTRE dans une forme pour exister telles qu’elles SONT, qu’elles soient vivantes ou inanimées. Ce qui distingue ces catégories, c’est, secondairement, le genre d’unité qu’elles manifestent. Chez l’inanimée, l’unité est ACCIDENTELLE, c’est-à-dire que les éléments qui la constitue se retrouvent ensemble comme par hasard et sont interchangeables. Tandis que chez la réalité vivante, l’unité qu’elle manifeste est ESSENTIELLE, c’est-à-dire que les éléments qui la composent sont strictement ordonnés et absolument nécessaires l’un à l’autre.

« …les ténèbres couvraient l’abîme… » Comme si le « vague » et le « vide » ne suffisaient pas pour souligner à quel point, il n’y a rien avant que le Créateur décide « au commencement » de créer l’univers, l’auteur en rajoute. « Les ténèbres », c’est l’absence de cette lumière qui révèle à l’esprit le SENS des choses. Sans elle, il n’y a rien à connaître, rien à comprendre. Et d’autant plus si les ténèbres couvrent tout… ou plutôt  RIEN ! Car peut-il y avoir une image qui évoque plus le néant que l’inquiétante connotation émotive de « l’abîme » : l’appel du vide, le vertige, l’angoisse, la chute dans le non-sens ?

Ce néant, toutefois, est comme une porte ouverte sur d’incalculables possibilités. Car « …un vent de Dieu tournoyait sur les eaux… ». Et quoi encore ? « Les eaux » aussi préexisteraient à la création ?

L’eau n’a pas de forme. En même temps, c’est un milieu fécond car l’eau épouse tous les contenants et peut remplir toutes les formes qui lui sont données. « Les eaux », c’est le liquide amniotique de l’utérus terrestre dont toutes sortes de formes peuvent émerger par le pouvoir du «vent de Dieu» (des versions différentes de la Bible de Jérusalem traduisent « l’esprit de Dieu ») qui transcende toutes les potentialités. Ce vent qui tournoie, c’est l’appel contraire à celui du «vide» : l’aspiration de l’Esprit qui donne SENS et existence en attirant graduellement tout ce qui voudra faire son chemin hors du chaos primordial de l’indéfini.

« …Dieu dit :… » C’est ici que tout commence véritablement. Rien n’a pu exister avant que Dieu ne dise. C’est par sa Parole que le visible et l’invisible parviennent à l’existence. Sa Parole est l’expression de ce que Dieu est en lui-même. Par sa Parole, Dieu projette ce qu’il est. Il s’extériorise dans sa création comme le peintre s’extériorise dans le tableau ou le sculpteur dans la statue. Ainsi, la création est l’expression de Dieu. Ce qui fait dire à saint Paul que « ce qu’on peut connaître de Dieu est… manifeste… Ce qu’il a d’invisible depuis la création du monde se laisse voir à l’intelligence à travers ses œuvres… » (Ro 1, 19-20).

À cet égard, une chose remarquable est à souligner. Dès les trois premiers versets de la Bible, le mystère de la Sainte Trinité est implicitement évoqué. Il y a le Dieu du « commencement » que la révélation biblique, et particulièrement Jésus, appelle Père, dont la volonté est de créer l’univers visible et invisible. Cette volonté se réalise au travers de sa Parole créatrice, le Verbe de Dieu, tel que le définit le prologue de l’évangile de saint Jean. «Au commencement était le Verbe et le Verbe était avec Dieu et le Verbe était Dieu. Il était au commencement avec Dieu et tout fut par lui, et sans lui rien ne fut » (Jn 1, 1-3). Finalement, on peut apercevoir dans le « vent de Dieu » l’Esprit divin qui plane au-dessus de l’espace et du temps comme un aimant pour attirer et aspirer graduellement la création jusqu’à ce qu’elle épouse librement et parfaitement le dessein de Dieu. « Le vent souffle où il veut et tu entends sa voix, mais tu ne sais pas d’où il vient et où il va. Ainsi en est-il de quiconque est né de l’Esprit » (Jn 3, 8).

Rendons grâce au Dieu unique trois fois saint pour son étonnante œuvre de création ! Béni soit Dieu le Père créateur, Dieu le Verbe créateur et Dieu l’Esprit créateur !

Post scriptum
J’inscris de nouvelles bipolarités universelles à celles déjà listées ci-dessus :

MUTIPLICITÉ – UNITÉ
iiiiiiiiiACCIDENT – ESSENCE
iESPACE-TEMPS – PRÉSENT

Ces bipolarités, grandement utiles pour le discernement de la vérité biblique, sont déduites du présent article. J’en ajoute une autre que je conseille à chacun d’expérimenter pour en constater personnellement la pertinence :

iiiAVOIR – ÊTRE
iiiiiij’AI un corps – je SUIS vivant
iiiiiiiiiiiije POSSÈDE une FORME – j’ÉPROUVE l’ÊTRE que je suis.

L’AVOIR réfère au monde objectif et extérieur : la MATIÈRE. L’ÊTRE s’appuie sur l’intériorité et la subjectivité : l’ESPRIT. On peut PROUVER la matérialité de la forme visible tandis qu’on ÉPROUVE l’esprit vivant en soi.

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