Recherche par date
avril 2024
D L M M J V S
 123456
78910111213
14151617181920
21222324252627
282930  
Archives

J’étais de passage à la résidence d’un ami. On y prenait plaisir à se réunir en groupe pour discuter du coq à l’âne, sans formalités, de tout et de rien ! On cherchait le sens… surtout de ce qui semblait ne pas en avoir : la vie en société, les injustices, la guerre, l’oppression, les systèmes politiques. Et on oubliait joyeusement les affres de la condition humaine avec un verre d’alcool ou un joint de marijuana. C’était l’époque du « peace and love » à l’apogée du slogan « fais l’amour, pas la guerre » !

Le “big bang”, combiné à l’hypothèse de l’évolution, tire le tapis sous les conceptions purement matérialistes de l’univers. Car ce qui a commencé à exister dans le temps n’a pas pu se donner les paramètres qui conditionnent son existence.

Le “big bang”, combiné à l’hypothèse de l’évolution, tire le tapis sous les conceptions purement matérialistes de l’univers. Car ce qui a commencé à exister dans le temps n’a pas pu se donner les paramètres qui conditionnent son existence.

Une énigme à résoudre

Ce soir-là, quelqu’un met la problématique des religions sur le tapis. Bien évidemment, personne d’entre nous n’en pratique une. Même que la plupart se veulent athées. Ce qui ne réduit nullement l’intérêt pour le sujet et les discours passionnés qui s’ensuivent… Pour ou contre ! Les uns prônent l’abolition des contraintes imposées par toutes les religions, question de stimuler la créativité générée par la libre pensée. D’autres, dans la foulée du mouvement anti-matérialiste de la génération hippie, vantent les mérites du Nouvel âge, présenté comme la spiritualité la plus évoluée et la mieux adaptée au monde moderne.

Sans doute pour concilier les divergences de vues, une jeune femme avance que toutes les religions se valent puisqu’elles visent toutes le même but, soit favoriser l’essor spirituel de l’humanité. Lorsqu’il est bien compris, explique-t-elle, cet objectif impose une prise de distance des superstitions stériles qui creusent un abîme d’incohérence entre les pratiques propres à chaque religion et la recherche légitime d’un mieux être pour l’humanité.

J’interviens pour dire mon appréciation de la distinction entre les cultes et l’aspiration à un monde meilleur, mais je ne peux taire mon opposition à l’idée de fourrer toutes les religions dans le même sac. Car j’estime le christianisme fondamentalement différent des autres grandes religions de la planète. Ce qui le distingue, argué-je, c’est sa conception de la réalité. Et j’explique que le judéo-christianisme est caractérisé par le dynamisme d’un univers qui a une histoire et se déploie vers un devenir dans lequel chacun porte une part de responsabilité. Tandis que la quête de sagesse qui a généré les autres doctrines – orientales et occidentales – s’est effectuée dans le cadre philosophique de “l’éternel retour”. Ce qui implique la conception d’un univers refermé en boucle sur lui-même dans lequel le salut consiste à s’en évader pour se libérer des cycles incessants.

Mon bref exposé intrigue. On me demande d’élaborer. Je ne sais trop quoi ajouter pour illustrer ma perception. Une idée saugrenue me passe alors par la tête. Je propose à tout hasard que l’on devine le premier et le dernier mot de la Bible. Sur le coup, je n’ai aucune idée de la réponse mais j’ai l’intuition que là se trouve la preuve de ce que j’avance. Devant le silence qui se prolonge, je finis par dire : « Ben voyons ! le premier mot, ce doit être “au commencement”. Et le dernier mot…? »

J’attends en vain les réactions tandis que je vois mentalement dans un flash s’effeuiller les pages du Livre jusqu’à la dernière. Ces pages  sont vivantes. Ce qui défile, c’est l’histoire de la vie, depuis le début jusqu’à…

« …Amen! », m’exclamai-je. Le mot a jailli de ma bouche avec un accent de jubilation triomphale. Non pas tant parce que je croyais être parvenu à relever mon propre défi mais parce j’avais contemplé dans un éclair l’issue heureuse de la mouvance universelle. Cet “amen” impliquait que tout finira par réussir et qu’en dépit de son parcours tragique, le déploiement de l’univers parviendra à l’épanouissement d’une fin heureuse.

Pour mes interlocuteurs, toutefois, ma joyeuse découverte est dérangeante. Elle suscite chez certains de l’hostilité. D’autres veulent des preuves. On finit par trouver une Bible qui confirme l’intuition à la lettre. Tous en sont fort étonnés ! Les sceptiques croient que je me suis payé leur tête. En dépit de l’assurance que je n’ai pas ouvert la Bible depuis des lustres, ils ne sont pas convaincus de ma bonne foi.

Je suis demeuré longtemps remué par cet épisode. Je n’arrivais pas à identifier ce qui m’avait poussé à proposer une telle énigme et, surtout, à en trouver la réponse contre mes propres attentes. Se pouvait-il que mon inconscient ait été responsable d’un tel scénario ? Toujours est-il que j’en suis venu à croire vaguement qu’une intelligence supérieure – un esprit ? – m’avait influencé. Et ce qu’il y avait encore de plus étonnant dans ce constat, c’est que cet esprit avait aussi inspiré de la même manière, à des millénaires de distance dans l’espace et le temps, les rédacteurs de cultures très différentes du premier et du dernier livre de la Bible : le scribe de la Genèse et l’auteur de l’Apocalypse. Se pouvait-il que cet esprit ait été le même que celui qui, à l’origine selon la Genèse, « planait à la surface des eaux » ? L’Esprit du Créateur ? J’étais perplexe.

Perspective scientifique

Avec le recul, je témoigne que ce questionnement a amorcé ma conversion. Il a fait tomber en moi un mur tenace de résistance à la grâce de la foi. Depuis mon adolescence, en effet, je justifiais mon agnosticisme par la prise en considération des découvertes scientifiques – notamment de l’évolution biologique – que je considérais plus crédibles que le récit de la création de la Genèse.

Et voilà que je découvrais inopinément que non seulement la foi en la création est compatible avec le concept d’évolution mais que c’est la Bible qui en est la révélation initiale. L’évolution, ai-je compris, c’est simplement tout ce qui se produit entre le “au commencement” et le “amen ” de la fin. L’observation scientifique de l’évolution biologique et humaine ne venait en fait qu’illustrer une partie du parcours d’un univers lancé par le Créateur sur un chemin progressif d’accomplissement. « Je suis l’Alpha et l’Oméga, le Premier et le Dernier, le Principe et la Fin », proclame le Christ à trois reprises dans l’Apocalypse (Ap 1, 8.17; 2, 8; 22, 13). Je réalisais donc qu’avant de devenir une théorie scientifique, l’évolution a d’abord été une révélation biblique.

On peut mieux le comprendre si l’on tient compte du fait que la plupart des scientifiques et des philosophes de l’Antiquité, avant que soit démontré un commencement à l’univers avec la théorie du “big bang”, postulaient que le tissu de base de la réalité avait toujours existé, fut-ce sous la forme d’atomes ou de particules. Ce que la loi de conservation de la matière formulée par Lavoisier au 18e siècle – rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme – semble entériner. C’est pourquoi certains savants pouvaient être réfractaires au concept de création. Et pour être conséquent avec le postulat d’un univers qui est à lui-même sa propre cause, ils allaient jusqu’à juger sans finalité et dues au hasard les incessantes transformations que subissent les réalités observables.

Mais depuis que l’observation a contraint les astrophysiciens à constater un commencement, l’opinion philosophique voulant que l’univers ne relève pas d’une intention et ne vise pas une finalité ne tient plus la route. Le “big bang”, combiné à l’hypothèse de l’évolution, tire le tapis sous les conceptions purement matérialistes de l’univers. Car ce qui a commencé à exister dans le temps n’a pas pu se donner les paramètres qui conditionnent son existence. C’est pourquoi les lois, qui président à l’émergence de la réalité spatio-temporelle et la déterminent, relèvent d’une intention que l’intelligence peut reconnaître. Une intention qui non seulement initialise le commencement mais oriente le mouvement amorcé par ce début absolu vers une finalité.

Tout geste, tout mouvement quelconque appelle nécessairement une finalité, dans le sens philosophique du terme. Dans un monde physique mouvant où tout se transforme incessamment, il n’existe que des réalités sur la route de la finalité du seul fait qu’elles sont toutes transitoires, et donc, dans un état permanent de transition vers une fin intrinsèque qui en précise la nature.

C’est d’ailleurs la finalité qui rend intelligible ce qui existe. Sans elle, l’intelligence ne pourrait pas pénétrer quoi que ce soit par la connaissance. L’identification de la finalité au milieu de la mouvance tous azimuts de la réalité permet à l’intelligence de connaître l’être des choses et leur donner un nom. Un univers sans finalité serait absurde, impénétrable par la raison, inexprimable par des mots. On ne pourrait pas en connaître ni en dire quelque chose. Je ne serais pas en mesure de juger qu’un marteau est un marteau si je n’ai aucun moyen de savoir à quoi il sert. Un marteau est un marteau parce que sa finalité, sa raison d’être, le but de sa fabrication est de servir à cogner des clous. De même, l’univers ne pourrait pas être connu par l’intelligence s’il n’était pas, depuis son commencement il y a 13,7 milliards d’années, en mouvance vers une finalité. Laquelle ? Là n’est pas la question. Pour le moment, du moins ! (Pour un approfondissement du sujet, je recommande la lecture du 11e entretien, titré Complexité et finalité (page 139) de L’évolution de l’Alpha à l’Oméga, disponible en édition papier ou numérique sur ce site.)

Perspective de foi

La question de savoir si cette finalité universelle se concrétisera ou non dans l’espace et le temps n’est pas non plus sujet au débat scientifique ou philosophique. C’est une opinion qui interpelle la croyance ou l’incroyance. La foi chrétienne affirme qu’elle s’accomplira par la grâce de la Toute-puissance du Créateur. L’athée rejette l’existence d’un Créateur et refuse conséquemment la finalité pour en venir à conclure qu’il revient à l’homme de profiter de la construction aléatoire de l’univers pour se diviniser lui-même.

Pendant mes jeunes années, j’étais de ces derniers. Et voilà que ma conscience basculait vers ceux qui ne se contentent pas de constater l’évolution mais vivent sous son axe. Bien qu’ils ne soient pas toujours conscients de ce qu’ils deviennent, les croyants sont en fait propulsés par le dynamisme de l’évolution. Car sous la démarche de la foi, ils sont graduellement transformés jusqu’à l’épanouissement final auquel ils n’ont certes pas encore accès mais qu’ils anticipent et espèrent. L’Écriture affirme que « la foi est la garantie des biens que l’on espère, la preuve des réalités qu’on ne voit pas » (Hé 11, 1). C’est pourquoi ils font confiance au Maître de l’évolution et de l’histoire qui sculpte la forme que doit prendre le devenir pour épouser Son dessein créateur et boucler, en toute cohérence avec l’intelligence du réel, le parcours universel.

Cette révélation est bouleversante ! Elle renverse les conceptions étriquées d’une création toute donnée et achevée au début de l’espace et du temps par une création qui se bâtit continuellement, à chaque moment spatio-temporel, depuis le commencement jusqu’à l’accomplissement final. L’idée que le monde a été créé une fois pour toutes à l’origine pour ensuite se développer de lui-même est dépassée et ne rend pas compte adéquatement du fait que l’univers demeure perpétuellement dans l’Acte d’être créé. Car un Dieu éternel qui transcende notre univers ne crée pas par une série d’actes spatio-temporels successifs. Mais depuis son éternité, un Dieu parfait n’accomplit qu’un seul Acte parfait : celui de faire surgir de rien par sa Parole une création qui embrasse la totalité du contenu passé, présent et à venir de l’espace et du temps.

Nos existences terrestres se déroulent donc à un moment séquentiel de la Parole créatrice. De sorte que l’imperfection que nous pouvons observer en ce monde ressort de ce qu’il n’est pas achevé. Il en est de même pour nous. L’Acte par lequel nous recevons l’être de l’Être Suprême n’est pas terminé et c’est pourquoi nous sommes tous personnellement lancés sur la route d’une perfection encore à venir.

Toutefois, notre conscience tributaire de l’espace et du temps nous entretient dans l’illusion d’avoir été créés au passé. Nous pensons alors que les transformations visibles et invisibles que nous avons subies depuis notre conception et celles que nous subirons encore dans l’avenir sont imputables au développement de notre nature, contrainte de croître au milieu des contingences. S’il en était réellement ainsi, nos existences, de la conception jusqu’à la mort, échapperaient à l’Acte créateur.

Mais le grand mystère de nos existences fait qu’au présent, ce présent de nos vies qui coïncide au Présent de Dieu, nous vivons dans l’Acte d’être créés. Tant que nous demeurons en sa Présence, le Créateur poursuit notre création à la condition que nous consentions à ce qu’Il nous travaille. Car Il nous a donné la liberté pour nous permettre de contribuer à son Œuvre. Nous avons toujours la possibilité de refuser de collaborer. Mais si nous aimons sa Présence dans nos vies, Il nous sculpte « à son image, comme sa ressemblance » (Gn 1, 26). Il nous transforme jusqu’à ce que nous parvenions à épouser la perfection de l’Acte parfaitement achevé d’un Dieu infiniment aimable et tout-puissant.

Voilà pourquoi saint Paul a pu écrire. « La création en attente aspire à la révélation des fils de Dieu… Nous le savons en effet, toute la création jusqu’à ce jour gémit en travail d’enfantement » (Ro 8, 19.22).

Cliquer sur le lien pour accéder à l’article suivant : Ciel et terre

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *