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Mon très cher fils.

Dimanche dernier, je suis allé à la messe à notre paroisse. Durant la soirée, j’ai suivi le reportage de l’horrible attentat de Québec. Je désire te partager ma réflexion à la suite de ces évènements.

L’évangile proclamé lors de la célébration eucharistique portait sur les Béatitudes. Tu sais : « heureux les pauvres… heureux ceux qui pleurent… heureux les artisans de paix… heureux les doux… heureux les persécutés… etc. »  À première vue, on peut penser que Jésus n’a pas la même conception du bonheur que la plupart des gens. Il est bien difficile de comprendre qu’il puisse qualifier d’heureux ce que les gens normaux considèrent malheureux. Personne ne souhaite être pauvre ou persécuté.

Photo afp/Alice Chiche.

Photo afp/Alice Chiche.

Mais Jésus n’est pas masochiste. Notons qu’il ne dit pas “heureuse la pauvreté… heureuses les larmes… heureuse la persécution…” Plutôt, il s’adresse à des gens réels qui sont déjà des victimes de l’injustice et de la violence du monde dans lequel nous sommes tous plongés. Ce sont les « pauvres » auxquels il promet le Royaume de Dieu, les « doux » qui « recevront la terre en héritage ». En d’autres mots, Jésus qualifie ceux-là d’heureux parce qu’en dépit de leurs malheurs, ce sont eux les gagnants, en définitive, ce sont eux qui finiront par l’emporter sur l’injustice et la violence, ce sont eux les artisans du «monde nouveau» à venir.

Ainsi, Jésus proclame la victoire éventuelle du bien sur les forces du mal dans l’humanité. Car il fait confiance à son Père qui lui a confié la mission d’établir le Règne de Dieu SUR LA TERRE. Ici, je tiens à souligner fortement que c’est bien sur la Terre qu’il s’agit d’établir ce «monde nouveau» et non au Ciel.

Pourtant, Jésus a bien déclaré à Pilate : «Mon royaume n’est pas de ce monde ». Mais le monde dont il parlait, c’est le monde politique qui exerce un pouvoir de domination sur les masses humaines. « Si mon royaume était de ce monde, mes gens auraient combattus pour que je ne sois pas livré aux Juifs. » Jésus affirme ainsi qu’il n’a pas l’intention d’établir le Règne de Dieu sur la terre par la force d’un pouvoir basé sur la violence des armes et la coercition. Il sait que le mal dans le monde ne pourra pas être extirpé aussi longtemps que ne sera détrônée la valeur sur laquelle le système politique de l’humanité se fonde.

Cette structure de base, c’est la poursuite de l’intérêt. L’intérêt personnel des individus aussi bien que l’intérêt collectif des diverses sociétés particulières de la planète. Actuellement, le pouvoir politique dans chaque État vise invariablement la poursuite des intérêts de sa société. Ce qui semble en soi un objectif valable et positif.

Récemment, j’ai visionné en vidéo une conférence de presse accordée à des journalistes américains par Vladimir Poutine. Avant de critiquer vertement les politiques occidentales concernant la Russie, il a commencé par affirmer qu’il était au service des intérêts de sa nation. À notre bout du monde, Justin Trudeau aussi bien que Donald Trump se sont fait élire en promettant de gouverner en fonction des intérêts des Canadiens et des Américains. Et il en est de même pour les autres pays : Israël, Iran, Syrie, etc. Tous les États cherchent à maximiser le bien-être de leurs citoyens en mettant les intérêts de la nation au-dessus de toutes les valeurs et en prenant les meilleures décisions possibles en regard de ces intérêts.

On peut comprendre que les intérêts des nations, qui sont toutes établies dans des contextes socio-économiques différents et inégaux, puissent en venir à s’opposer. Ce qui fait l’intérêt d’un État peut nuire à l’intérêt de l’autre. De là naissent rivalités, conflits, agressions, guerres. Une escalade qui finit par gagner et affecter le monde entier.

Le cas de Jésus, l’innocence-même, est un bel exemple de sacrifié au nom de la valeur absolue de l’intérêt. Bien qu’il l’ait su innocent, Pilate l’a quand même condamné à mort au nom des intérêts supérieurs de l’Empire romain.

On peut trouver un exemple de conflit social déclenché par l’intérêt dans la Syrie moderne. Le problème a commencé dans ce pays lorsque le président actuel a projeté la construction d’un pipeline sur son territoire jusqu’à la Méditerranée pour écouler l’huile iranienne dans les pays occidentaux. Ce projet desservait bien les intérêts de la société syrienne mais ne faisait l’affaire ni de la Turquie ni de l’Arabie saoudite. Ces pays n’ont pas tardé à fomenter et subventionner la rébellion à l’intérieur de la Syrie. Par la suite, les réactions violentes de Bachar el Assad ont à leur tour déclenché l’indignation des pays occidentaux à son égard et l’appel à sa destitution au nom du traitement anti-démocratique et inhumain qu’il a réservé à son opposition politique.

Ainsi, en dépit d’une certaine bonne volonté manifestée par la plupart des dirigeants du monde, on voit qu’il est inévitable que la course des nations au mieux être, tant qu’elle est propulsée par l’intérêt national, aboutisse à une guerre de plus en plus étendue, de plus en plus violente et cruelle. Il y a là un problème de structure sociale. À toutes les époques, l’humanité retombe dans ce même sillon fatal, un cercle vicieux dont elle ne pourra pas se libérer tant qu’elle n’aura pas appliqué la “révolution” de Jésus. C’est pourtant simple. Il s’agirait de substituer, à l’intérêt égocentrique et social, la valeur absolue de l’amour, du service et du partage entre les personnes et les nations pour faire advenir le «monde nouveau» que Jésus a promis d’établir.

Tu me diras que ce n’est pas demain la veille que cela pourra se faire. Tu as raison. Ça peut sembler utopique de croire à ce « monde nouveau ». Et pourtant, j’ai vu dans les réactions publiques au drame du meurtre des musulmans en prière un signe éloquent que c’est possible. Plusieurs intervenants ont déploré le manque d’amour que de tels horreurs manifestent. Et l’appel à la solidarité et à l’appréciation de la contribution qu’apportent à notre société ceux qui choisissent de vivre chez nous m’ont touché profondément et sont pour moi un signe avant-coureur que le « monde nouveau » est proche.

Il demeure vrai, cependant, que nous ne pourrons pas l’établir en nous appuyant uniquement sur nos propres forces. Mais si nous sommes animés par une foi sincère, nous savons que nous pouvons compter avec l’aide de Jésus. Il ne faut pas oublier qu’il doit revenir pour établir son règne.

Je crois qu’aujourd’hui, enfin, le retour du Ressuscité est à nos portes. Si bien que la démarche la plus efficace que nous puissions adopter au niveau de notre engagement social, c’est de nous préparer le plus intensément possible à l’accueillir lorsqu’il reviendra pour introduire le bon ordre des valeurs sur notre planète.

En toute affection. N’oublie jamais que je t’aime et te respecte dans ta démarche.

Papa

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