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Une polémique est en train d’éclater au Bangladesh alors que deux pasteurs sont en passe d’être jugés pour conversion abusive de plusieurs villageois musulmans du district de Lalmonirhat, situé dans le nord-ouest du pays. Sur cette affaire qui a débuté il y a quatre mois, circulent deux versions totalement contradictoires.

Les chrétiens arrêtés le 9 novembre 2014 à Banbhasa (photo DR).

Les chrétiens arrêtés le 9 novembre 2014 à Banbhasa (photo DR).

La première, relayée par l’agence Ucanews le 5 février dernier, rapporte qu’un couple marié de pasteurs protestants, Ariful et Mousumi Mondol de la Church of God, a été arrêté le 9 novembre 2014 dans le village de Banbhasa alors qu’il s’apprêtait à célébrer une cérémonie de conversion collective. « Ils tentaient de convertir un groupe de 40 musulmans et cela a mis les autres villageois en colère », a expliqué à l’agence catholique Mahfuzur Rahman, l’un des policiers en charge de l’enquête.

Ce dernier affirme que le sentiment anti-chrétien ne fait que croître dans la région depuis cette affaire, semant la peur chez les nouveaux convertis, y compris ceux qui maintiennent s’être « convertis pour l’Évangile et absolument pas contre de l’argent ». Des parents musulmans commencent à retirer leurs enfants des écoles chrétiennes, pourtant très bien considérées dans le pays jusqu’alors.

« Je me sens tellement en colère lorsque j’entends qu’ils ont voulu convertir 40 musulmans en échange d’argent ; ils iront brûler en enfer pour ce qu’ils ont fait !, déclare également Shafiqul Islam, vendeur de thé au village. Si la police n’était pas venue les arrêter, les gens les auraient passés à tabac. »

D’autres témoignages cités par l’agence laissent à penser que les accusations de prosélytisme par « séduction », un crime passible de deux ans de prison au regard de l’article 295/A du Code pénal bangladais (1), sont clairement avérées.

Ainsi Rafiq Bhuiyan, raconte qu’il s’est converti au christianisme en 2008 avec toute sa famille, en échange d’une maison et d’un travail au sein de la House Church of Bangladesh. Il déclare avoir converti lui-même 300 personnes.« A Keshobpur, environ 700 musulmans sont devenus chrétiens ces trois dernières années, rapporte-t-il encore. Plusieurs d’entre eux ont été baptisés plusieurs fois ; [pour les Eglises], plus il y a de convertis, plus elles reçoivent d’argent des donateurs étrangers. »

Bien que John Jipu Roy, qui dirige la House Church of Bangladesh, réfute vigoureusement ces accusations, les entretiens avec les habitants de la région semblent bien confirmer l’existence d’un « business de la conversion », rapporte encore Ucanews.

L’agence cite ensuite deux habitués de ces « conversions intéressées » : Selina Akter, 40 ans, qui aurait été baptisée quatre fois en échange de la somme de 500 takas (5,60 euros), d’un déjeuner et de « photos pour les donateurs étrangers », et Jiten Sarker, baptisé six fois selon ses dires, pour 1 000 à 1 500 takas à chacune de ses « conversions ». « Et si je peux amener quelqu’un à se convertir, alors là, je peux me faire encore plus d’argent », ajoute-t-il.

Une version des faits totalement réfutée par les Eglises protestantes et certains médias qui dénoncent une nouvelle campagne de calomnie antichrétienne menée par les islamistes. Cela fait des années que des rumeurs lancées par des extrémistes conduisent à des arrestations arbitraires pour « conversions illicites, rappelle ainsi le Rév. James Saberio Karmoker, secrétaire général de la National Christian Fellowship of Bangladesh. Jamais les missionnaires chrétiens ne convertissent les gens de force ! La conversion est un cheminement personnel et le résultat d’un long processus ; il faut que la foi ait grandi et mûri, après un lent travail d’évangélisation, pour que l’on puisse seulement commencer à parler de conversion. »

Selon le Morning Star News, qui rendait compte de l’affaire le 24 novembre dernier, ce serait le Jamaat-e-Islami, parti islamique qui accuse régulièrement les chrétiens de mener des conversions abusives, qui aurait rassemblé une foule de près de 200 personnes et lancé celle-ci sur le rassemblement du 9 novembre, les incitant à frapper les pasteurs et les participants, avant que la police ne vienne interrompre l’affrontement.

Les chrétiens tenaient ce jour-là un rassemblement de prière au cours duquel devait avoir lieu un baptême, et non une conversion collective, rapportent plusieurs sources protestantes, dont Portes Ouvertes. Selon elles, les deux chrétiens incarcérés ne seraient d’ailleurs pas un couple marié mais deux pasteurs, mariés tous deux, dont l’un serait père de deux enfants. Seul l’un d’entre eux serait à la tête d’une petite communauté locale d’une trentaine de personnes, dénommée Faith Bible Church of God (FBCD), l’autre pasteur ayant seulement été invité pour la cérémonie.

Des faits également confirmés par l’agence catholique AsiaNews, qui rapporte que les deux pasteurs sont des musulmans convertis au christianisme, ce qui aurait attisé la colère des islamistes et en particulier des imams locaux. Ces derniers ont porté plainte contre les leaders protestants, les accusant de pratiquer des « conversions forcées » et sommant les fidèles de la FBCD de quitter immédiatemnt la région ou de devoir en « payer les funestes conséquences ».

Quant au World Watch Monitor, il rapporte différents témoignages qui infirment les accusations de « conversions par pression et par séduction » portées contre les deux protestants. Parmi eux, un leader chrétien de la région explique que les informations qui ont été rendues publiques dans cette affaire ont été filtrées : « Ici, la plupart des membres de l’administration et de la police sont musulmans et [les chrétiens] n’ont aucun poids face à eux. »

Des propos qui rejoignent les conclusions du dernier rapport de la World Watch List de Portes Ouvertes, lequel signale qu’au Bangladesh « le comportement des imams et des musulmans locaux influents envers les chrétiens, et spécialement les nouveaux convertis, est à la limite de la persécution ».

Le gouvernement du Bangladesh a cependant réaffirmé sa position avec fermeté. « Nous avons entendu parler de tentatives de conversion en échange d’argent et d’autres « moyens de séduction » ; nous allons prendre des mesures contre ces exactions avant que les choses ne s’aggravent », a notamment déclaré Hasan Jahangir Alam, secrétaire adjoint au ministère des Affaires religieuses. (eda/msb)

Notes

(1) L’article 295A du Code pénal bangladais condamne à la prison toute personne ayant tenté « de façon délibérée » de porter atteinte « aux sentiments religieux ». Cet article, proche dans sa formulation d’une loi anti-conversion, est cependant tempéré par le caractère « laïque » de l’Etat, caractère inscrit dans la Constitution du pays

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