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Dans une lettre ouverte adressée à Abu Bakr Al-Baghdadi et ses suiveurs, les signataires désavouent leurs motivations une à une, versets coraniques à l’appui.

La mobilisation du monde musulman contre la barbarie islamiste s’intensifie. Après la campagne #NotInMyName lancée le mois dernier par des musulmans britanniques pour rejeter en bloc le pseudo-califat implanté en Irak et en Syrie, c’est une réaction d’une autre ampleur qui vient de se manifester sur Internet.

© AL-Furqan MEDIA / AFP

© AL-Furqan MEDIA / AFP

Cette fois, c’est au tour de 126 intellectuels musulmans de s’emparer de l’épineux dossier de l’Etat islamique. De confession sunnite comme les djihadistes de l’EI, les signataires de la lettre datée du 19 septembre formulent en une vingtaine de pages une âpre critique théologique de leurs exactions, développée en 24 points. Ces 24 points résument toutes les violations des lois coraniques commises pour le compte de l’EI et que les auteurs de la lettre dénoncent, citant pour chaque point les versets qui s’y rapportent.

Cette approche théologique se veut également un rappel à l’ordre à l’égard de tous ceux qui seraient tentés de poursuivre aveuglément une cause sans connaître avec précision les racines dont celle-ci se réclame. La lettre souligne en effet d’emblée l’importance capitale de « maîtriser la langue arabe, sa grammaire, sa syntaxe, sa morphologie, sa rhétorique, sa poésie, son étymologie et l’exégèse du Coran », pour se prémunir des interprétations hasardeuses. De même, le document met en garde contre la tendance, dangereuse, à vouloir « sursimplifier » le texte, faisant fi du contexte et des clés d’interprétation. Une référence à la vidéo récente d’Abu al-Baraa’ al-Hindi, dans laquelle il conseillait aux fidèles une interprétation littérale du Coran, notamment sur la guerre sainte, le jihad.

Tout en rappelant avec force l’interdiction stricte en islam de tuer des innocents ou de se livrer à des actes de torture ou à l’esclavage, les auteurs n’oublient pas de mentionner les assassinats des journalistes James Foley et Steven Sotloff, ainsi que de l’humanitaire David Haines. « Ce que vous avez fait est incontestablement interdit (haraam)», écrivent-ils, précisant que ces derniers étaient des émissaires, un statut inviolable d’après laSunna.

La charge se fait plus rude encore pour qualifier les atrocités perpétrées à l’encontre des chrétiens et des Yézidis, cibles privilégiées des islamistes de l’EI, depuis l’instauration du califat. Les « chrétiens arabes » ou « gens du Livre » sont selon eux des « amis, des voisins et des citoyens », protégés par un accord vieux de 1400 ans, et en vertu duquel le jihad ne peut légalement pas s’appliquer à eux. «Vous leur avez donné trois choix: la jizah (le paiement d’une taxe), l’épée ou la conversion à l’islam. Vous avez peint leurs maisons en rouge, détruit leurs églises, et dans certains cas, pillés leurs maisons et leurs biens. Vous avez tué certains d’entre eux, et forcé beaucoup d’autres à fuir leurs demeures avec rien d’autre que la vie sauve et les vêtements qu’ils portaient.»

Les signataires dénoncent les « crimes abominables » commis contre les Yézidis, actuellement menacés de génocide, et que les djihadistes considèrent comme des satanistes. Ils rappellent que les Yézidis possèdent le statut légal de Mages dans la Sharia, qui prévoit pour eux le même traitement que les « gens du Livre » juifs et chrétiens.

Enfin, c’est l’existence même du califat et du statut d’Abu Bakr Al-Baghdadi que la lettre incrimine, d’un point de vue strictement théologique : aucun califat ne peut être instauré « dans un petit coin du monde » en s’exonérant du consensus de tous les musulmans, faute de quoi la proclamation devient un acte de « sédition » (fitnah).

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