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Un groupe d’islamistes appartenant au Front des défenseurs de l’islam (FPI) a attaqué un lieu de culte chrétien lors de l’office dominical sous le prétexte que la construction était illégale et non souhaitée par les habitants.

indonesieDimanche 1er décembre, des islamistes ont interrompu à Binjai city, dans la province de Nord- Sumatra, la célébration qui avait lieu dans une église protestante, la Tandemn Huria Kristen Batak Protestant Community Church (HKBP). Des centaines de chrétiens ont dû fuir précipitamment, abandonnant le lieu de culte, et regagner leurs domiciles, sous escorte de la police anti-émeute.

Les témoins ont rapporté que l’attaque de l’église avait été menée par plusieurs centaines de membres du FPI, auxquels s’étaient joints des groupes islamistes locaux. Les représentants de ces mouvements ont argué du fait que « des activités religieuses avaient lieu dans le bâtiment sans autorisation », les autorités locales n’ayant toujours pas statué sur la légitimité d’une « occupation chrétienne » des lieux.

Ce type d’affaire – celle-ci est pendante devant la justice depuis plus de cinq ans – est devenue très courant en Indonésie où le permis de construire (et parfois la simple utilisation de locaux pour le culte) est particulièrement difficile à obtenir pour les non-musulmans, qui doivent entre autres obtenir, à l’issue de procédures complexes, que l’ensemble du voisinage donne explicitement son accord (1). Dans le cas où les communautés chrétiennes parviennent à franchir les obstacles administratifs et à obtenir un permis de construire, les militants islamistes, souvent avec la complicité des autorités et de la police locales, font pression par des menaces et des attaques récurrentes, afin d’empêcher les fidèles de se rendre dans le lieu de culte pourtant autorisé officiellement.

Dans le cas de l’église de Binjai, qui avait obtenu toutes les autorisations demandées par la loi, il semble que l’émeute avait pour but d’orienter la décision des juges par une démonstration de force des islamistes de la région. Nasir Ahmad, coordinateur du FPI, a affirmé que cette attaque avait été organisée avec le soutien du gouvernement local, qui aurait planifié l’opération avec les membres du mouvement islamiste le 27 novembre dernier.

Le FPI est responsable de la plupart des violences et menaces qui touchent les chrétiens de cette région de l’Indonésie. Prônant l’instauration de la charia dans le système législatif et judiciaire, ainsi que l’islamisation de la société, ses militants effectuent régulièrement des ‘raids’ afin d’interdire l’alcool et les « attitudes indécentes » auprès des populations, surtout dans les lieux publics où ils se sont particulièrement illustrés pour leur violence ces dix dernières années.

Il est à souligner que cette agression de l’Église de Binjai, perpétrée avec « le soutien des autorités locales », s’est produite quelques jours seulement après la reconduction par le Parlement indonésien de l’article de loi limitant à six possibilités le choix de l’appartenance religieuse sur la carte d’identité (musulman, protestant, catholique, hindou, bouddhiste, confucianiste (2). Le 26 novembre dernier, la Chambre des représentants a en effet entériné, malgré les revendications des populations discriminées par cet article, le maintien de l’article 64 de cette loi controversée.

« Même si cette politique date des années 1950, le vote de cet amendement de la Loi sur l’administration civile de 2004 se produit dans un contexte où l’intolérance religieuse est à la hausse », prévenait pourtant le rédacteur en chef du Jakarta Post, Endy Bayuni, à l’annonce de la décision des parlementaires, prédisant que les « pratiques discriminatoires qui étaient montées d’un cran [ces dernières années] » s’en trouveraient augmentées, et « bon nombre de minorités religieuses » davantage persécutées.

Les faits semblent avoir donné rapidement raison à l’éditorialiste, l’« accord » entre le FPI et les autorités de la ville de Binjai étant survenu, si l’on en croit les islamistes, le lendemain du vote, soit le 27 novembre dernier.

Chrétiens protestants et catholiques, fidèles d’autres minorités religieuses se cachent pas leur inquiétude face à la monté de l’intolérance religieuse dans le pays. « Nous ne sommes pas autorisés à construire les lieux de culte dont nous avons besoin. C’est pourquoi nous nous réunissions pour prier là où nous le pouvons, et bien souvent dans des circonstances qui sont loin d’être idéales car même cela nous n’avons pas le droit de le faire », rappelait ainsi le 25 décembre 2012 l’archevêque catholique de Djakarta, Mgr Ignatius Suharyo.

Les fêtes de Noël 2012 avaient en effet été particulièrement difficiles pour les chrétiens, et ponctuées d’attaques des islamistes, toujours sur la base d’accusations d’« utilisation illégale de lieux de culte ». Afin de faire se faire entendre du gouvernement, les deux communautés qui avaient subi le plus grand nombre d’agressions et de violences, l’Église protestante de Bekasi (HKPP) et celle de Bogor, dans la province de Java-Ouest (Église chrétienne d’Indonésie, GKI), avaient célébré la veillée de Noël en plein air devant le palais présidentiel, demandant au gouvernement de faire respecter la liberté de culte dans le pays.

Ce mouvement de protestation (qui est souvent pratiqué par les Églises protestante en Indonésie) avait été malheureusement dispersé par les islamistes qui avaient attaqué les fidèles présents. Des faits devenus habituels pour ces communautés, en particulier celle de Bekasi qui réunit près de 2 000 fidèles dans la banlieue de Djakarta et subit depuis des années les attaques continues des islamistes parallèlement à l’opposition des autorités locales qui refusent de lui délivrer un permis de construire.

Comme l’église de Binjai, elle appartient, sous le nom d’Église de Philadelphie, à l’Église Huria Kristen Batak Community Church (HKBP), l’une des dénominations protestantes les plus importantes du pays. La situation à Bekasi est d’autant plus tendue que cette localité abrite le quartier général du FPI qui se sert de cette banlieue de Djakarta comme centre d’entrainement de ses forces paramilitaires ainsi que les locaux du Forum pour la fraternité islamique (FUI), dont la violence est dénoncée régulièrement aussi bien par les minorités religieuses que par la majorité des responsables musulmans d’Indonésie.

L’Indonésie est le premier pays musulman au monde (240 millions d’habitants dont plus de 85 % appartiennent à l’islam). La minorité chrétienne y représente environ 10 % de la population.

Notes

(1) Le décret de 2006 autorise la construction de lieux de culte pour les six religions reconnues par le gouvernement (islam, protestantisme, catholicisme, hindouisme, bouddhisme, confucianisme), mais permet cependant l’interdiction ou la fermeture des édifices, même si ceux-ci ont déjà bénéficié d’’autorisation et sont utilisés depuis longtemps pour le culte, si la communauté locale fait part de son opposition.

(2) Une septième ‘possibilité’ est proposée aux citoyens indonésiens en cochant une case « autre » dans la catégorie des appartenances religieuses. Cette possibilité se révèle cependant encore plus discriminatoire, les personnes ayant coché cette case se voyant exclus de la plupart des services publics et ne pouvant obtenir qu’avec de grandes difficultés l’enregistrement d’un mariage ou d’une succession. La plupart de ceux qui suivent une autre religion, cochent donc une des six cases « autorisées ».

(3) L’Église de Bekasi (ou Église de Philadelphie, affiliée à l’HKBP) avait demandé un permis de construire en 2007, après avoir franchi toutes les étapes de la procédure, dont l’agrément du voisinage. Mais en 2009, les autorités du district interdisaient tout rassemblement religieux sur l’emplacement choisi par l’Église pour la construction. Les responsables protestants avaient alors porté plainte devant la Cour suprême et s’étaient vu accorder raison en 2011. Mais la communauté locale continue d’empêcher la construction et de menacer les fidèles qui se réunissent pour le culte devant le terrain où devait s’édifier l’église.

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