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À la suite d’une guerre de huit jours à Gaza, une trêve était conclue entre Israël et le Hamas le mercredi 21 novembre à 19h. Depuis, malgré la fragilité de cette trêve, la vie a repris son cours en Terre Sainte. Robert Lalonde, responsable de l’information pour l’Aide à l’Église en Détresse Canada, a interviewé Mgr William Shomali, évêque auxiliaire de Jérusalem, pour l’émission « Vues d’ailleurs » qui sera diffusée sur les ondes de Radio Ville-Marie (RVM), le mercredi 5 décembre prochain à 19h – en rediffusion le vendredi suivant à 12h30 -.

Le 7 septembre dernier, dans son allocution pour conclure le congrès sur Jérusalem, à Varese en Italie, votre patriarche, Mgr Fouad Boutros Ibrahim Twal, en qualifiant le rôle de Jérusalem a dit : «  La ville où le Ciel a touché la Terre. » Qu’est-ce que cela signifie pour vous?

Mgr William Shomali, évêque auxiliaire de Jérusalem

Chez nous, l’histoire du Salut et la géographie du Salut se rencontrent, car Dieu s’est fait homme à Nazareth. Dieu a prêché, s’est fait voir, a fait des miracles. En tant qu’homme, Il a souffert, Il est mort, a été enseveli et a ressuscité à Jérusalem. On peut donc dire qu’ici, Dieu a touché l’humanité, Dieu a épousé l’humanité. C’est la même signification que le Ciel a touché la Terre.

À la mi-septembre, on sait que Sa Sainteté le Pape Benoît XVI a fait un voyage au Liban. Croyez-vous que ce voyage a eu des retombées en Terre Sainte?

La retombée directe est la remise de l’exhortation post-synodale aux évêques du Moyen-Orient. Les fruits de cette exhortation seront les mêmes que ceux de la visite. Ça dépend de nous maintenant de relire ce document avec tous les points importants tels que comment faire grandir la foi des fidèles, comment pratiquer le dialogue œcuménique et interreligieux, comment convaincre les chrétiens de rester sur leurs terres, comment dialoguer avec les musulmans et les juifs, comment les chrétiens doivent être des citoyens à part entière avec les autres.

Ce document contient des points pratiques adressés non seulement aux chrétiens, mais aussi aux non-chrétiens dont certains ont assurément déjà lu des passages, puisqu’on commence à entendre dans le discours des musulmans des expressions comme « citoyenneté égale ». Même si cette citoyenneté n’a pas toujours été égale dans le monde arabe, il reste que l’idée fait son chemin. D’ailleurs, si les chrétiens deviennent effectivement égaux, je pense que 80% de nos problèmes seront résolus.

On sait que le mois de novembre a été pour le moins tumultueux en Palestine, avec entre autres cette guerre de huit jours qui s’est conclue de façon ardue, et pendant laquelle 150 Palestiniens et 3 Israéliens ont perdu la vie. Mais aujourd’hui, comment est le moral des chrétiens de votre diocèse?

Ça dépend de quelle partie du diocèse, car notre diocèse couvre la Palestine, la Jordanie, Israël et Chypre. Je vais vous parler de ceux de la Palestine et d’Israël. Les chrétiens palestiniens ont des passeports et sont soumis au même régime que tous les Palestiniens, donc, ils ont tous les mêmes problèmes : le manque de travail, l’obtention de permis pour aller à Jérusalem, etc.

À Bethléem, les gens souffrent du chômage. Il y a 30% des jeunes qui n’ont pas de travail. Toutefois, plus il y a de pèlerinages, plus l’industrie touristique fonctionne et plus il y a du travail. Le mois dernier, par exemple, il a eu plusieurs milliers de pèlerins. Pendant la guerre de huit jours, nous avions peur que ça ne se prolonge et que ça détruise l’économie palestinienne. Israël a aussi souffert avec toutes ces roquettes, en provenance du Hamas, qui ont frappé Bethléem.

Heureusement qu’il y a eu le cessez-le-feu, car la guerre est l’expérience la plus négative que l’on puisse vivre.

Quelles sont les ententes contenues dans ce cessez-le-feu du 21 novembre dont vous parlez et quel effet peut avoir cette trêve sur les communautés chrétiennes?

Parmi les conditions, il  y a celle disant que les Palestiniens ne fassent plus parvenir des armes à Gaza et qu’ils ne tirent pas de roquettes sur Israël. En contrepartie, Israël doit cesser de cibler des personnalités du Hamas pour les tuer comme ils l’ont fait ces derniers jours; Israël doit aussi ouvrir des points de passage pour faciliter les déplacements de personnes et les transferts de produits; et enfin, mettre un terme à l’embargo contre Gaza qui ne peut faire entrer que certaines marchandises et en quantité limitée, ce qui empêche l’évolution de certains projets. Espérons maintenant que cette entente sera respectée de parts et d’autres.

 

Selon vous, comment est-il possible d’arrêter l’exode des chrétiens de la Terre Sainte?

Il y a plusieurs moyens, mais il faut d’abord obtenir la paix, car la paix crée une atmosphère très positive, sans quoi il y a de l’insécurité ainsi qu’une situation économique précaire. Ensuite, il faut créer du travail, mais il faut surtout un encouragement spirituel et avoir la foi. Car être chrétien en Terre Sainte ne relève pas d’une simple coïncidence, il s’agit d’une vocation. Si les chrétiens considèrent comme un privilège que d’être nés en Terre Sainte et d’avoir un témoignage de foi à faire, il sera motivé et cette motivation spirituelle vaut plus que toutes les motivations matérielles. Si les gens riches et ayant un travail que j’ai vus émigrer avaient eu un attachement au témoignage spirituel, je pense que cette raison spirituelle les aurait dissuadés de partir et de choisir le chemin de la diaspora.

En cette année de la foi justement, quel espoir entretenez-vous quant à une résolution du conflit israélo-palestinien?

Nous avons invité nos fidèles à lire plus la Bible, à prier en famille à la maison, à participer à des rencontres de catéchèse, à faire des pèlerinages en Terre Sainte. Nous avons entamé l’année de la foi par une belle célébration au Sanctuaire Notre-Dame-de-la Palestine et nous irons visiter le Jourdain des deux côtés pour renouveler les promesses de baptêmes.

Ainsi la foi sera plus fructueuse en œuvres de charité. Je pense que la foi est liée à la prière et que c’est seulement la prière qui peut mettre fin à ce conflit, car le don de Dieu s’obtient par la prière. Je continue de dire à mes pèlerins qu’humainement il n’y a pas de solution pour le problème israélo-palestinien, car la nature du problème est idéologique. Or, en cette année de la foi, nous devons savoir que rien n’est impossible à Dieu, non, rien n’est impossible à Dieu.

Comment la prière peut-elle être agissante dans un tel conflit?

Nous prions en général quand nous ne pouvons nous-mêmes faire des choses que nous voudrions faire. Par exemple, si je suis atteint d’une maladie incurable, je demande à Dieu de m’aider et je sais que Dieu peut faire des miracles. Or, ce conflit est incurable et c’est pourquoi nous devons croire que la prière peut obtenir la paix. Il faut espérer au-delà de toute espérance, malgré toutes les apparences, car Dieu peut nous surprendre comme il nous a souvent surpris dans l’histoire de l’Église et dans l’histoire de l’humanité.

À quel exemple pensez-vous quand vous dites que Dieu nous a souvent surpris?

Quand Anouar Sadate, le président égyptien, a décidé, malgré l’avis contraire de ses conseillers, de venir à Jérusalem faire un discours alors qu’il n’y avait pas encore de traité de paix. Il a alors proposé aux Israéliens une paix totale, intégrale en échange des territoires occupés. Pour moi, l’attitude de Sadate était impensable. Je pense qu’il a été inspiré par Dieu pour cet acte de courage.

Alors, je me dis qu’un jour peut-être Dieu suscitera un Sadate israélien qui proposera la même chose aux Arabes. Il y a des histoires dans la vie des hommes qui sont surprenantes comme la chute du mur de Berlin, comme la fin du communisme en Europe de l’Est sans déversement de sang. Ce sont des miracles d’ordre moral qui peuvent arriver grâce à la prière. C’est pourquoi je lie la foi et la prière.

Enfin, comment est-il possible pour les chrétiens d’ici d’aider?

Déjà les chrétiens de chez vous nous aident de plusieurs façons. Il y a l’Ordre du Saint-Sépulcre de Jérusalem de Montréal, Québec et Toronto, un Ordre pontifical reconnu par Rome qui compte près de 20 000 membres au monde, dont quelques centaines au Canada. Ces membres donnent des contributions annuelles pour maintenir des œuvres de charité en Terre Sainte comme des écoles, par exemple. On peut donc aider par le biais de cet Ordre et même devenir membre.

Il y a aussi des paroisses au Canada qui ont adopté de petits projets, comme fournir des bourses d’études à des étudiants, aider des Palestiniens à se construire une maison, participer à des projets sociaux et éducatifs. Nous leur en sommes d’ailleurs très reconnaissants.

Par Robert Lalonde, AED Canada

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