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…en matière de droits de la personne?*

Le Canada est probablement le seul pays au monde qui n’a aucune législation en vigueur sur l’avortement. C’est le vide juridique depuis que la Cour suprême du Canada, en 1988, a aboli les clauses du Code criminel l’interdisant. En pratique, cela signifie que tout est permis. N‘importe qui peut tuer n’importe quel enfant à naître pour n’importe quelle raison, de la conception à la naissance. Aux yeux de la loi canadienne, l’enfant à naître n’existe tout simplement pas. Point à la ligne!

Olivia Talbot et son enfant, assassinés alors que la mère en était à la 27e semaine de grossesse.

Ce qu’il y a de plus scandaleux, si c’était possible, c’est que tous les partis politiques actuels repoussent com­me la peste toute velléité de législation qui voudrait subrepticement pointer le nez et obligerait nos députés à se prononcer ouvertement sur la question. On craint les répercussions d’un débat dans l’électorat.

Le gouvernement conservateur ne se démarque nullement des administrations antérieures à ce propos. Avant son élection, Stephen Harper avait pourtant d’abord laissé entendre qu’il corrigerait cette anomalie. Mais confronté à une virulente levée de boucliers, il promettait finalement de ne pas la mettre sur le tapis de la Chambre des communes.

Face au NPD et au Bloc québécois qui détiennent la balance du pouvoir et dont la position pro-avortement a pour seul mérite d’être claire, son gouvernement minoritaire ne ferait d’ailleurs pas long feu. Quant au parti libéral, on se souvient que c’est le très catholique Pierre Elliott Trudeau, avec son fameux Bill Omnibus de 1967, qui a ouvert la boîte de Pandore. Un dérapage juridique qui a abouti au “droit” sans aucune restriction, actuellement en vigueur, à l’avortement libre et gratuit. Il s’en pratique plus de 100 000 par année au Canada (quel­que 30 000 au Québec) dont les coûts sont défrayés par nos taxes. Un génocide qui ne fait pas de bruit en dépit des cris vite étouffés de quelques pro-vie, stigmatisés par les médias d’épithètes malveillantes, comme “fanati­ques” ou “intégristes d’extrême droite”.

Un cas patent

Que je sache, la dernière fois que la question a été abordée par la bande au Parlement fédéral remonte au printemps 2006. Le député conservateur Léon Benoît y présentait le projet de loi C-291 visant à faire reconnaître comme un crime distinct de tuer ou blesser un enfant non encore né lors de la perpétration d’un acte violent contre la mère.

La législation proposée faisait suite à deux cas de meurtres de femmes enceintes d’Edmonton. Il s’agit de Liana White et Olivia Talbot. Cette dernière, 19 ans, a été assassinée alors qu’elle en était à sa 27e semaine de grossesse. Dans les deux cas, les assaillants ne se sont pas contentés de tuer les mères mais ont visé explicitement les enfants qu’elles portaient. L’enfant d’Olivia, nommée Lane, a eu droit à trois coups de feu tirés dans l’abdomen de sa mère, déjà morte d’une balle dans la tête.

Mais le projet de loi du député Benoît ne faisait pas long feu. Selon le «National Post», qui a obtenu copie des documents en vertu du libre accès à l’information, le ministre Vic Toews était averti par une directive non signée provenant des bureaucrates du gouvernement que «tout changement de la définition d’un “être humain” dans le Code criminel pourrait avoir l’effet de criminaliser l’avortement». La note précise que «le gouvernement ne planifie pas de proposer de réforme dans cette zone de la loi». Une politique qu’on peut rapprocher de la déclaration du 17 janvier 2006 de Stephen Harper avant son élection: «Je vais utiliser toute l’influence dont je dispose au Parlement pour m’assurer qu’un tel sujet ne passera pas au vote».

Bien que la question de l’avortement soit le vrai motif pour lequel le gouvernement fédéral a tué dans l’œuf le projet de loi du député Benoît, le Comité parlementaire formé par le ministre Toews pour l’étudier le rejetait sous le vague prétexte qu’il violait la Constitution et la Charte des droits et liberté. Mais le Comité se gardait bien de préciser en quoi.

L’hypocrisie gouvernementale allait jusqu’à refuser d’entendre Mary Talbot, la mère d’Olivia, qui avait fait le trajet d’Edmonton à Ottawa expressément pour plaider la cause de sa petite-fille assassinée avant de naître. Le comité parlementaire n’a pas voulu non plus visionner la photo qu’elle leur apportait. On peut y voir ensemble dans un cercueil Olivia et son enfant qui a tous les traits d’un bébé humain parfaitement formé, n’en déplaise à nos chers parlementaires plus aveuglés par les intérêts électoraux qu’inspirés par la justice. Une cécité qui a eu pour conséquence, lors des procès contre les meurtriers, que les deux bébés tués crapuleusement ont été ignorés, comme s’ils n’avaient jamais existé.

Voilà un bel exemple de justice au Canada, un pays qui se targe pourtant d’avant-gardisme sur la scène internationale en regard de la justice et des droits de la personne.

*Article publié dans Le NIC, 10 février 2008

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