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Aux États-Unis, plus de 80 prêtres depuis janvier ont été démis de tout ministère sacerdotal pour s’être rendus coupables d’abus sexuels de mineurs. En Pologne, un archevêque remet sa démission en réaction aux accusations d’attentats à la pudeur de séminaristes. En Irlande, un évêque quitte son poste sous la pression de fidèles qui lui reprochent sa complaisance dans le cas d’un prêtre pédophile, qui s’est donné la mort pour éviter la justice. Au Canada, les Oblats de Marie Immaculée de l’Alberta et du Manitoba envisagent de se prévaloir de la loi de la faillite pour faire face à quelque 3700 plaintes d’abus sexuels et de sévices corporels dans les pensionnats amérindiens. Au Québec, des personnes présumément abusées par des mem­bres du clergé mettent sur pied une association de victimes qui devrait éventuellement intenter des poursuites en recours collectif contre l’Église de chez nous.

Le cardinal Marc Ouellet, préfet de la Congrégation des évêques, a célébré au Vatican le 7 février dernier, une vigile pénitentielle en réparation pour les abus sexuels du clergé (photo CNS/Robert Duncan).

 

Et j’en passe! La liste est loin d’être exhaustive. L’on peut craindre que de nouveaux scandales, tous plus troublants les uns que les autres, éclateront encore prochainement en pleine face de l’Église catholique. On ne serait qu’au début de la révélation au grand jour de l’infection. Une peste qui s’est sournoisement propagée dans l’ombre. Depuis des lustres! On ne l’a pas encore assez dit et cru: une Église de pécheurs. Jusqu’à la nausée! Depuis le premier pape jusqu’à l’humble fidèle d’aujourd’hui.

Les plaies qui affligent le peuple de Dieu ne datent pas d’hier. Elles sont au nombre de sept. Aujourd’hui, la luxure semble y faire plus de ravages que les autres péchés capitaux. C’est que les scandales sexuels sont une pâture de choix pour un monde qui est lui-même esclave de la chair.

À la croisée des mystères

Que faire? Comment réagir? Quelle devrait être l’attitude du chrétien fidèle devant ce déferlement scabreux? Un passage de la récente lettre de Jean-Paul II aux prêtres à l’occasion du Jeudi saint propose une piste.

«Nous sommes ces temps-ci personnellement frappés au plus profond de notre être de prêtres par les péchés de certains de nos frères qui ont trahi la grâce reçue par l’ordination, cédant jusqu’aux pires manifestations du “mysterium iniquitatis” qui est à l’oeuvre dans le monde. De graves scandales naissent ainsi, ayant pour conséquence de jeter une ombre accablante de suspicion sur tous les autres prêtres méritants, qui exercent leur ministère avec honnêteté et cohérence, et parfois avec une charité héroïque. Tandis que l’Église exprime sa sollicitude pour les victimes et s’efforce de répondre en toute vérité et justice à chaque situation pénible, nous tous —conscients de la faiblesse humaine, mais confiants dans la puissance restauratrice de la grâce divine— sommes appelés à embrasser le “mysterium Crucis” et à nous engager plus intensément dans la recherche de la sainteté».


Et voilà! Au «mystère d’iniquité» (mysterium iniquitatis) , nous sommes invités à répondre par le «mystère de la croix» (mysterium Crucis). Aux scandales, opposer une démarche encore plus décisive vers la sainteté.

Accusations fausses

«L’Église et le sacerdoce passent par une incroyable purification», s’exclamait le cardinal Roger Mahoney de Los Angeles lors de la messe chrismale du 25 mars dernier. Quelques jours plus tard, il était lui-même mis sur la sellette par les médias. Une femme de 61 ans l’accusait de l’avoir assommée et violée… il y a dix ans. L’accusation donne toutes les indications du délire et ne semble pas avoir été prise au sérieux. Mais la diffamation du prélat, elle, a bel et bien été réelle.

L’incident permet de saisir sur le vif une autre forme du «mystère d’iniquité». Il y a des gens prêts à mentir horriblement pour faire un coup d’argent ou assouvir leur hargne contre l’Église. Il y a quelque années, un autre ecclésiastique, feu le cardinal Bernardin, était accusé d’abus sexuel alors qu’il était en phase terminale de cancer. Le jeune homme, qui avait largement profité de sa charité, a par la suite avoué avoir menti.

Derrière la scène des accusations actuelles, l’on peut aussi apercevoir les attaques du démon qui a tout intérêt à faire perdre la confiance en l’Église de manière à détourner le plus d’âmes possible du salut.

La complicité du silence

De telles accusations non fondées ne doivent pas toutefois faire oublier que la déplorable plaie des abus sexuels de jeunes par des prêtres est bien réelle. Il y en a eu dans le passé et il y en aura sans doute encore dans l’avenir.

L’Église le sait parce qu’elle connaît l’hom­me. Même en resserrant au maximum ses exigences et les conditions d’ordination, elle sait qu’il se glissera toujours, parmi les candidats au sacerdoce, quelques prêtres qui ne parviendront pas à sublimer leur sexualité durant toute leur vie.

Mais la réaction de l’Institution dans le passé a été d’entourer de silence les méfaits sexuels de son clergé. La sexualité, a fortiori celle des prê­tres, était un sujet tabou, il n’y a pas si longtemps encore! Une telle discrétion aujourd’hui risque grandement d’être prise pour de la complicité.

Dans l’avenir, l’Église devra se montrer plus ouverte. Face à l’avalanche des poursuites et la valse des centaines de millions de dollars à l’enjeu, elle devra réviser son approche du problème et, plutôt que de prétendre régler toute seule les cas litigieux dans le secret du confessionnal ou sur le sofa du psychologue, elle devra les adresser aussi au système de justice de la société.

Les réformes de procédure enclenchées par les cas d’inconduite sexuelle dans l’Église américaine vont clairement dans ce sens. Certains diocèses, après avoir démis les prêtres délinquants de leur fonction, ont remis les dossiers litigieux aux procureurs de la justice pour permettre à l’État d’intenter des poursuites lorsqu’il y a lieu. On n’a pas fini d’en entendre parler.

L’Église se doit de reconnaître que les attentats à la pudeur d’enfants ne sont pas simplement des péchés épouvantables. Ce sont aussi des actes illégaux que la justice réprouve sévèrement, proportionnellement aux graves dommages psychiques et sociaux causés par de tels comportements.

Lorsque les travailleurs de la santé, les psychologues, les travailleurs sociaux, les policiers sont confrontés dans le cadre de leur travail à de telles déviations, ils sont tenus par la loi de les rapporter à la justice. Il serait tout à fait normal et acceptable qu’une telle obligation s’applique aussi à l’Église, comme d’ailleurs de plus en plus de diocèses américains et canadiens le souhaitent.

De sorte que les prêtres déséquilibrés au plan de la sexualité ne pourront plus se cacher derrière l’immunité de l’Église pour donner libre recours à leur frustration sexuelle. Ils devront en rendre compte à la justice.

L’Église alors ne pourra plus être tenue responsable de la dépravation de ses clercs. Il ne sera même plus nécessaire qu’elle sévisse mollement les contrevenants en leur imposant un traitement psychologique ou en les suspendant pendant un certain temps de leur fonction… pour ensuite les réinstaller éventuellement à des postes où ils seront encore en contact avec des jeunes, comme cela a trop souvent, hélas, été le cas dans le passé.

 Note
*Cet article est paru dans Le NIC, le 28 avril 2006.

Une réponse à L’Église catholique dans la tourmente*

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