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…et auteur malgré lui
Ses livres font un tabac! En quelques semaines, la première édition était épuisée. Léandre Lachance, un chef d’entreprise aux abords de la retraite, transiterait-il du milieu des affaires à celui des auteurs de best-sellers? Le titre de son oeuvre: Pour le bonheur des Miens, Mes choisis —Jésus ne laisse toutefois aucun espace à la spéculation sur le genre littéraire adopté. Il s’agirait d’un recueil de “messages” présumés de Jésus captés au fil des méditations quotidiennes de l’auteur. Rien de moins!
Léandre Lachance n’est pourtant pas tombé sur la tête. J’ai pu m’en rendre compte à l’occasion de l’interview qu’il m’accordait dans son confortable condo, avec vue bucolique splendide en plein terrain de golf de Sherbrooke.
Un homme posé, serein, pratique qui, au sommet de sa carrière, dirigeait diverses entreprises, dont une maison de courtage en assurances de plus de cent employés et une vingtaine de bureaux. Le personnage a donc les pieds bien solidement ancrés sur terre. Et il ne présente aucun symptôme de délire mystique.
Dictée ou inspiration?
Je lui ai quand même demandé comment un homme comme lui, habitué à brasser bien des affaires matérielles et financières, pouvait en venir à recevoir des “messages” du Seigneur? Et tout de suite, il me corrige.
«Je ne prétends pas recevoir des messages du Seigneur. Je crois plutôt avoir été inspiré pour écrire.»
La nuance est importante. Une analogie tirée du contexte professionnel de monsieur Lachance permet de s’en rendre compte. Dans les communications prophétiques, la situation des «instruments» divins pourrait se comparer soit au sténographe qui prend une dictée, soit au collaborateur à qui son patron confie la rédaction d’un rapport quelconque.
Dans le premier cas, le travail du secrétaire consiste à reproduire textuellment un discours. Dans le deuxième, le collaborateur devra composer lui-même un texte qui reflète fidèlement la pensée de son patron.
Il va de soi que l’apport de ce dernier au texte final est considérable par rapport à la reproduction mécanique du sténographe. Transposé en termes mystiques, ce type de prophétisme requiert plus d’avancement dans la vie spirituelle et, corollairement, implique plus de responsabilité de l’auteur tant dans la forme littéraire de son écrit qu’en regard des possibilités d’erreurs.
De toute évidence, les colloques célestes de monsieur Lachance s’apparentent au deuxième type. Mais notre auteur est modeste. Tout en admettant l’importance de sa contribution à la composition de son œuvre, il refuse de s’en attribuer un mérite quelconque qui lui viendrait d’une relation privilégiée avec le Seigneur.
Ses livres, soutient-il, sont issus d’un «cœur à cœur. J’ai la conviction que les communications que j’ai pu avoir avec le Seigneur sont possibles à toute personne qui prie et se place à Son écoute.»
Une œuvre de l’Esprit
Mais qu’est-ce qui vous assure qu’il s’agit bien du Seigneur, lui ai-je demandé?
«J’avoue que j’ai eu des doutes au début. Entre l’imagination et l’inspiration divine, la marge peut être mince.
«Ce qui m’a amené à croire à l’inspiration, c’est la paix indescriptible que je ressens à chaque fois que je me place devant le Seigneur pour me mettre à Son écoute. Et puis, quand je relis mon texte, parfois même des années plus tard, je retrouve la même paix que je ressens lorsque j’écris. Je n’ai jamais entendu une voix parler à mon oreille physique. C’est dans la foi pure, comme le Seigneur me l’a dit, qu’Il veut me conduire.
«Un autre signe qui m’a indiqué que je pouvais faire confiance à l’inspiration que j’éprouve, c’est le fait qu’écrire ait toujours été pour moi une expérience difficile. Normalement, je fais beaucoup de ratures et je recommence plusieurs fois. Mais mes livres ont été entièrement écrits sans ratures, d’un premier jet.»
Tout de même, ai-je objecté, lorsque vous écrivez sous l’inspiration, vous parlez au nom de Dieu. Ne trouvez-vous pas ça un peu beaucoup audacieux?
«C’est dans la foi que je le fais. Que ce soit au nom de Jésus ou de Marie, je me laisse simplement guider pour exprimer ce que l’Esprit m’inspire dans le cœur. La clef de cette inspiration, c’est l’Esprit Saint.
«L’Esprit veut prendre de plus en plus d’espace en nous. Je pense que ça fait partie des signes des temps dans lesquels nous sommes. Nous sommes dans un temps où la grâce surabonde en toute personne qui se met à l’écoute de l’Esprit Saint.»
Le fruit de la constance
Une telle docilité à l’Esprit ne s’est pas réalisée du jour au lendemain. L’homme d’affaires de Sherbrooke évoque rapidement à ma demande les grandes étapes de son cheminement.
«Toute ma vie, j’ai été croyant. La pratique religieuse a toujours eu beaucoup d’importance pour moi. Dans les années soixante, j’étais impliqué dans les mouvements d’Action catholique.»
Le chef d’entreprise souffre alors beaucoup, confie-t-il, «de l’écroulement des valeurs sociales et religieuses». Il se désole d’observer un effritement dramatique des structures, tant dans l’Église dans la foulée du Concile Vatican II que dans la société québécoise alors en pleine «révolution tranquille».
Dans l’Église, il voit avec angoisse les prêtres abandonner leur sacerdoce, les religieuses sortir de communauté, les couples se séparer. Mais le laïc engagé se garde bien d’associer ces défections au Concile lui-même.
«J’ai toujours bien vécu avec Vatican II. La transformation qui s’est faite dans l’Église, je n’ai pas eu de misère avec ça. Là où j’ai eu plus de difficultés sous ce rapport dans les années soixante, c’est plutôt du côté de notre société où on s’est appliqué —et on continue de le faire— à attaquer l’Église sur tous les fronts. Pour moi, c’est une injustice flagrante, par exemple, que des hommes et des femmes d’Église qui ont consacré toute leur vie à l’éducation sans recevoir une vraie rémunération se fassent accuser de tenir le peuple dans l’ignorance.»
Amour de l’Église
Mais monsieur Lachance ne fait pas que poser un regard complaisant sur l’Église d’ici. Il estime qu’avant Vatican II, elle se tenait trop à distance de notre peuple. Et il croit que pour s’inscrire dans la ligne d’orientation imprimée par le Concile, elle se devait d’amorcer un sérieux virage «pour se rapprocher du monde».
Il déplore toutefois qu’on soit allé à l’autre extrême dans le mouvement de balancier de sorte qu’on a «laissé les pensées du monde envahir l’Église. Et notre Église ne doit pas être là pour plaire au monde. Elle est là pour plaire à Dieu. Elle est là pour conduire ses enfants à Dieu et non faire la volonté du monde. Si j’ai une souffrance à exprimer à l’intérieur de mon Église, c’est celle là.»
Ceci dit, l’auteur du best-seller religieux s’empresse aussitôt d’affirmer sans équivoque possible son entière soumission à l’Institution fondée par le Christ.
«Je veux être très fidèle à mon Église et je l’aime beaucoup. Je suis bien conscient que nous vivons en Église une période difficile. Nos prêtres et nos évêques, ce sont les piliers de notre Église. Et je pense que lorsque les piliers sont affaiblis, ce n’est pas le temps de frapper dessus. On doit plutôt les aimer et leur témoigner de l’appréciation.»
Église nouvelle
Dans votre livre, vous évoquez assez souvent l’avènement d’une Église nouvelle. Est-ce à dire que notre Église actuelle est destinée à être remplacée un jour par une nouvelle structure ecclésiale, lui ai-je demandé?
«Quand je parle d’une Église nouvelle, il est bien important de comprendre qu’il ne s’agit d’aucune façon d’une Église parallèle ou d’une Église en marge de notre Église actuelle. Il s’agit d’une Église renouvelée, comme elle a été renouvelée à plusieurs époques dans l’histoire. Ce renouveau est très présent actuellement dans l’Église.
«Il y a quelque 25 ans, j’ai assisté à une conférence de Marcel Clément au cours de laquelle il a prophétisé que le Seigneur allait refaire tous les tissus de son Église par des micros chrétientés. Je constate que c’est vraiment ce qui se passe actuellement. Tous ces groupes de prière qui sont radicalement engagés dans une démarche de foi, c’est notre espérance. C’est ça l’Église nouvelle!»
Un renouveau qui commence à se manifester pour lui à la fin des années soixante au plus fort de sa déprime spirituelle. Sa désolation se mue en joie de voir surgir un peu partout des petits groupes de prière. C’est le début du Renouveau charismatique.
«Je n’ai pas participé directement à ce mouvement, précise-t-il, mais, par la suite, j’ai eu l’occasion de vivre certaines expériences que l’on peut relier à ce renouveau, surtout dans le mouvement catholique des hommes d’affaires, ACTE (Association des Chrétiens Témoins dans leur Entreprise).»
Monsieur Lachance expérimente alors un éveil plus profond de sa foi. À plusieurs occasions, il constate que le Seigneur est présent dans sa vie. «J’ai toujours cherché à me situer dans la volonté du Seigneur même si je n’ai pas la certitude d’avoir toujours fait ce qu’Il voulait», s’esclaffe-t-il.
Un choix décisif
Mais la décision qui a été déterminante dans sa vie spirituelle remonte à une dizaine d’années. Son épouse et lui cheminent alors dans la foi avec un groupe de prière. Parmi eux, certains sont interpellés pour consacrer toute une journée de la semaine, le mercredi, à la prière.
Léandre est invité par un homme à la retraite à participer à ce mouvement. L’esprit de la démarche était de compenser le Seigneur pour les violations du repos sabbatique. Le mercredi avait été choisi précisément parce que ça dérange plus, en plein milieu de la semaine de travail.
«Ma première réaction a été de répondre non, en raison de mes obligations professionnelles. Mais par la suite, un autre homme, qui n’était pas à la retraite celui-là, me fait la même invitation.
«Je me suis alors demandé si c’était possible que le Seigneur me demande ça! Je Lui disais souvent: “Demande-moi ce que Tu voudras et je le ferai”. Et là, se pouvait-il que ma première réaction, quand Il me demandait effectivement une chose, était de répondre non?»
Léandre tend alors la toison de Gédéon (cf. Jug 6.36-40). Il demande au Seigneur un signe que c’est vraiment Lui qui lui fait cet appel, «pas une “confirmette” mais une confirmation solide, pas à peu près, s’exclame-t-il.
«À ce moment-là, j’étais PDG de mon entreprise. Je ne voyais vraiment pas comment je pourrais consacrer une journée à la prière au milieu de la semaine, en plein cœur d’activités débordantes. J’ai tout de même dit au Seigneur que s’Il voulait mon mercredi, il fallait qu’Il s’arrange pour que personne ne me demande de rendez-vous pour le mercredi suivant et, deuxième chose, que je n’aie plus aucun dossier en suspens le mardi soir.»
Piégé
«Le mardi suivant, je constate que mon bureau est net. Je vérifie mon agenda et je n’ai aucun rendez-vous le lendemain. Je venais d’avoir ma réponse, j’étais piégé!»
Qu’à cela ne tienne! Joignons l’utile à l’agréable, se dit-il. Il pourra en profiter pour prendre une journée de congé à la campagne avec Élisabeth, son épouse. Ils pourront se joindre au groupe de prière durant l’après-midi et prendre un bon repas en tête-à-tête au restaurant durant la soirée.
Mais lorsqu’il propose ce joli programme à Élisabeth, elle lui répond qu’elle n’avait pas besoin de faire une heure et demie d’autoroute pour prier et qu’elle pouvait très bien prier chez elle. Il lui raconte ce qui c’était passé et lui fait comprendre qu’il n’avait plus le choix. Elle lui répond: «Mais vas-y».
«Alors, par un beau mercredi ensoleillé du mois d’août, je me suis payé une heure et demie d’autoroute pour aller prier. Je ne sais pas si vous pouvez vous douter de ce qui s’est passé dans ma tête durant le trajet! Je croyais être devenu fou. Je pensais à tout ce que j’aurais pu faire si j’étais resté au bureau. Finalement, ça été une très belle journée. Et ça c’est passé comme ça trois mercredis consécutifs.
«Alors, j’ai compris. Depuis ce temps, je donne au Seigneur tous mes mercredis. Je pense que ça été une décision importante pour ma vie spirituelle. Ça été aussi une excellente chose pour ma santé et pour préparer ma retraite.»
Le «oui» total
Dans votre livre, vous revenez souvent sur l’importance de donner un OUI inconditionnel et irrévocable au Seigneur pour progresser dans la vie spirituelle. Quand on lit votre livre, ça semble facile. Vous-même, vous semblez répondre oui invariablement au Seigneur. Est-ce que c’est vraiment si facile de toujours dire oui?
«La partie la plus difficile, je pense, c’est qu’il faut aussi dire non. On ne peut pas dire oui au Seigneur et ne pas dire non aux choses qui sont contraires à l’Amour. On ne peut pas dire oui au Seigneur et dire oui en même temps à tous les courants de pensée du monde.
«Pour dire oui, il faut d’abord accepter de dire non, et c’est ce qui est le plus difficile. Si on veut vivre une vie plus intime avec le Seigneur, il faut décider, par exemple, de ne pas se laisser déranger par la télévision. Mais après qu’on a pris la décision de se contenter de regarder les nouvelles, on se rend compte que ce n’est pas si difficile que ça. On s’en trouve même très bien.»
Comment discerner la volonté de Dieu, une fois qu’on a exclu les fautes morales, ai-je objecté? Comment comprendre Son plan sur nous dans les détails de la vie quotidienne?
«En plusieurs occasions, j’ai pu vérifier que le Seigneur nous parle. Il s’agit d’être attentif dans la prière et attentif aux événements. Et il faut être prêt à accueillir la réponse. Quand on est prêt à accueillir la réponse, peu importe la direction, que ce soit oui ou que ce soit non, on peut capter Sa volonté.»
Le plan de Dieu
Mais c’est quoi l’affaire, me suis-je alors exclamé! Qu’est-ce que le Seigneur veut de nous? Est-Il vraiment en train de nous fabriquer? N’a-t-Il pas un gros boulot devant Lui pour parvenir à nous façonner à Son image?
«Ce que je comprends, c’est que le Seigneur veut nous transformer pour que nous devenions des êtres d’amour. Je pense que c’est là le véritable plan du Seigneur.
«Jésus nous a enseigné à prier Dieu Notre Père en lui disant: “Que ton Règne vienne, que ta volonté soit faite sur la terre”. Son règne et sa volonté pour nous aujourd’hui, c’est que l’amour règne sur la terre. Et on est tout près de ce temps où l’amour va régner sur terre.
«Mais pour que l’amour règne, il faut accepter de se laisser transformer par Lui. Chacun en particulier. Il n’y a pas d’autre chemin pour transformer le monde que la transformation des cœurs.
«Il y a plus de vingt ans, nous faisions, un collaborateur et moi, le constat que s’il n’y a pas la conversion des cœurs, la société est foutue. Il n’y a pas de moyens humains capables de replacer la situation. On en est de plus en plus témoin à l’heure actuelle. Je parle de tout ce qui se passe dans le monde.
«Le vingtième siècle a été un siècle où on a mis l’emphase sur la puissance de l’homme. On a cru en la puissance de l’homme et on a mis toute sa confiance dans la puissance de l’homme. Pour se rendre compte à l’aube du troisième millénaire qu’on n’y arrive pas.
«Alors, ça urge qu’on prenne conscience que ça ne fonctionne pas. Et ça urge qu’on se décide à mettre sa confiance en Dieu. Et lorsque nous aurons mis notre confiance en notre Créateur, Il pourra changer nos cœurs. Il pourra achever Sa création et réaliser enfin Son plan d’amour qui passe nécessairement par le cœur de l’homme.»