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« Dieu créa l’homme à son image, à l’image de Dieu il le créa,
homme et femme il les créa…
Soyez féconds, multipliez, emplissez la terre et soumettez-la »
(Gn 1, 27-28).

Dans mon article précédent, j’ai soulevé le problème du pluriel utilisé par le rédacteur de la Genèse pour dire Dieu à l’heure de la création de l’humanité. « FAISONS l’homme à NOTRE image, comme NOTRE ressemblance » (Gn 1, 26). Dieu serait-il plusieurs, ai-je demandé ? Cette pluralité serait confirmée plus loin dans le deuxième récit de la création : « Voilà que l’homme est devenu comme l’un de NOUS pour connaître le bien et le mal » (Gn 3, 22). N’est-il pas étrange, ce pluriel dans l’Écriture Sainte d’un peuple qui insiste tant par ailleurs sur un seul Dieu, créateur de tout ce qui existe ? D’autant plus qu’il ne peut s’agir ici d’un nous “de majesté” ou “d’excellence” puisque son usage à la place du “je” par les personnes en autorité (rois, papes, dignitaires, etc.) remonte au moyen-âge seulement. 

Dieu créa l'être humain à son image, homme et femme il les créa.

Dieu créa l’être humain à son image, homme et femme il les créa.

J’ai exploré une voie de résolution de la difficulté en commençant par faire valoir que c’est du genre humain tout entier qu’il est question lorsque Dieu déclare : « FAISONS l’homme… et qu’ils dominent… ». Une humanité en évolution, rappelons-le, engagée depuis la préhistoire sur la voie d’un accomplissement encore à venir. Notons cependant que cette « image » est évoquée sous l’angle du couple fertile : « Dieu créa l’homme à son image, à l’image de Dieu il le créa, HOMME et FEMME il les créa. Dieu les bénit et leur dit : “Soyez FÉCONDS…” » (v. 27-28).

Se pourrait-il donc que la conjugalité manifeste, dans le flou de l’énigme, le mystère de la Vie divine ? L’« image » révélerait alors que l’unicité en Dieu n’est pas solitude. Plutôt relation d’amour apte à produire le fruit d’une humanité, sertie comme une pierre précieuse dans l’immense univers ! « Faisons l’homme » ! Ne peut-on pas pressentir ici la “connivence” de l’Amour créateur : Père, Fils et Esprit ?

Lecture rationnelle

D’aucuns pourront estimer osés de tels sous-entendus théologiques calqués sur l’union conjugale. Ils anticiperaient lourdement sur des révélations qui devront attendre quelques siècles pour se fixer en dogme trinitaire et servir à exposer, par  analogie, le rapport intime entre Yahvé et son peuple, et encore, la relation nuptiale entre le Christ et son épouse, l’Église. Plutôt que de s’en remettre à de telles interprétations subjectives, les érudits chercheront des explications rationnelles à cette pluralité divine en se basant sur l’étude objective du texte biblique.

Au départ, on doit comprendre que la plupart des livres de la Bible ne sont pas l’œuvre d’un seul auteur dans le sens que nous entendons aujourd’hui. Selon la tradition juive et chrétienne, pourtant, Moïse serait l’auteur des cinq premiers livres de la Bible (le Pentateuque pour les chrétiens, la Torah pour les juifs comprenant la Genèse, l’Exode, le Lévitique, les Nombres et le Deutéronome). Mais l’exégèse relève de nombreuses indications à l’intérieur même de ces livres qui démontrent l’invraisemblance de cette attribution.

Par exemple, Moïse n’a pas pu écrire lui-même les circonstances de sa mort, décrites au chapitre 34 du Deutéronome. De plus, il ne subsiste à ce jour aucune évidence archéologique de la pérégrination du peuple hébreu pendant quatre décennies, entre l’Égypte et la Terre promise. Si bien que certains auteurs mettent en doute un tel exode ainsi que l’existence même du personnage qui l’aurait suscité. Toutefois, la plupart des biblistes reconnaissent qu’il n’y a pas de fumée sans feu et que l’exigeante sagesse du judaïsme, chèrement acquise par tout un peuple, n’aurait pu advenir dans l’histoire en l’absence de la figure charismatique de son prophète. On estime que Moïse a vécu autour du XIVe siècle avant J.-C. Or, le premier livre de la Bible aurait été compilé à partir d’un ensemble de textes écrits entre le VIIIe et IIe siècle avant J.-C. Il y aurait donc quelque chose comme un millénaire de distance dans le temps entre la vie de Moïse et la rédaction de la Genèse.

Interprétation exégétique

La recherche scientifique met de plus en relief le fait que certains récits bibliques ressortent de traditions transmises oralement de génération en génération pendant plusieurs siècles au cours desquels, inévitablement, ils ont adopté la forme légendaire. Même après avoir été mis par écrit dans un premier temps, ils ont subi par la suite des transformations qui portent encore la trace des divers milieux culturels, linguistiques,  géographiques, politiques qu’ils ont traversés. Des biblistes décèlent cinq strates de rédaction de la Genèse. Se pourrait-il alors que le pluriel divin constitue un reliquat d’un contexte culturel pour lequel le concept d’un seul Dieu créateur n’était peut-être pas encore clairement acquis ?

Le terme en hébreu que la version française du premier récit de la création traduit par Dieu, Élohim, confirmerait possiblement cette interprétation.  Car dans la langue hébraïque, Élohim est la forme plurielle de Éloah. Traduit littéralement, Élohim signifierait ceux du ciel. Pour la Kabbale (une tradition ésotérique du judaïsme), les Élohim sont au nombre de sept. Selon cette mystique, ce ne sont pas à proprement parler des dieux mais des “émanations” de Dieu, des “puissances” célestes, créatrices de formes, provenant de l’Unique. Le sens réel d’Élohim s’apparenterait alors à des expressions que nous utilisons parfois pour désigner l’ensemble des réalités d’En-haut : le Ciel ou les Cieux. Ainsi, « Élohim dit… » ferait allusion à  Dieu et aux Anges, qui, selon une certaine tradition, participent, en tant qu’intermédiaires, à la création de notre niveau terrestre de réalités.

Évolution conceptuelle

Cette explication rassurante ne devrait cependant pas gommer le fait que la foi en un seul Dieu ne s’est imposée que très graduellement dans l’histoire du peuple hébreu. Shaddaï a d’abord été adoré par un clan de nomades du désert. C’était un dieu particulier au milieu du polythéisme ambiant qui s’était révélé à Abraham en lui promettant un pays et une innombrable postérité. Le peuple « issu des reins d’Abraham » (Hé 7, 5), dans la fierté de sa proximité au Seigneur Adonaï (un autre pluriel), a commencé à croire que le Dieu des patriarches, le Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob, était supérieur aux dieux des autres peuples. Finalement, ce serait Moïse qui aurait révélé le nom de Yahvé et institué le culte au seul et unique Dieu véritable. Une croyance que le peuple israélite a mis plusieurs siècles à intégrer à sa culture. Dans les moments difficiles, il demeurait enclin à s’en remettre aux conceptions polythéistes du milieu culturel dans lequel il se trouvait.

Ces considérations font ressortir le fait que le monothéisme a été acquis dans l’humanité dans la foulée d’une évolution parallèle aux autres observées jusqu’ici. Dans les articles précédents, j’ai signalé que le peuplement de notre planète selon l’ordre du créateur – multipliez, emplissez la terre… – ainsi que le harnachement de la matérialité terrestre – …soumettez-là – se sont concrétisés graduellement dans l’histoire et demeurent en route vers une pleine réalisation. J’ai aussi fait allusion à l’évolution culturelle de l’humanité depuis la préhistoire, une évolution dont nous sommes les héritiers et que nous sommes appelés à prolonger, sous la conduite du Créateur, vers une destination dont nous ignorons les paramètres et la forme concrète. J’ai encore évoqué l’évolution biologique des espèces, dont l’humanité a émergé, évolution  implicite à la création du sixième jour : «Que la TERRE PRODUISE des êtres vivants ». Finalement, j’ai déroulé sommairement le scénario du déploiement de la matière cosmique qui poursuit son expansion dans l’espace et le temps : « Que la lumière soit ! ».

Depuis l’éclatement de “l’atome primitif”, dont la conception relève du savant chanoine Georges Lemaître, il n’existe absolument rien, RIEN DU TOUT, qui ne soit le résultat d’une évolution. Dans l’univers visible, rien ne survient instantanément à partir de rien. Tout est mouvance, croissance, développement, progression, gradualité. Tout se transforme en évoluant vers une réalité non encore existante. Cela vaut pour la matière dont a surgi la vie terrestre. Cela vaut pour le règne animal qui a donné le genre humain. Cela vaut pour l’humanité qui engendre une “créature nouvelle”, un « Fils de l’homme », que la pensée chrétienne parvient certes à discerner mais comme dans le brouillard du devenir. « Nous voyons, à présent, dans un miroir, en énigme, mais alors ce sera face à face. À présent, je connais d’une manière partielle; mais alors, je connaitrai comme je suis connu » (1 Co 13, 12).

La Bible témoigne de cette évolution universelle. Faut-il se scandaliser du fait qu’elle reflète comme en un miroir l’acquisition graduelle de la connaissance de Dieu ? C’est même cette démarche évolutive que l’Esprit Saint propulse actuellement en lançant les humains d’aujourd’hui sur un chemin de conversion dans lequel ils sont appelés à être purifiés et sanctifiés par la grâce divine. Notre Dieu nous aime et veut nous épouser tous et chacun. C’est pourquoi nous avançons dans l’espace et le temps pour être conformés de plus en plus à la Pensée créatrice. Nous évoluons pour devenir, dans l’éternité, des extensions de l’adorable Substance divine, des “cellules” du Corps de Dieu.

Quelle Parole ?

Mais alors, pourrait-on objecter, l’hypothèse de l’évolution biblique ne jette-t-elle pas par terre la croyance en l’Écriture sainte ? Si le livre de la Genèse est constitué d’un nombre de strates rédactionnelles, laquelle de ces couches est authentiquement inspirée ? Et puisque le texte a pu être transformé maintes fois, adapté à des contextes et des intérêts particuliers, comment considérer encore la Bible comme étant la Parole de Dieu ?

C’est un fait que les conclusions de l’exégèse peuvent semer le doute, chez certains esprits superficiels, quant à la signature divine de la collection de livres antiques que constitue le Premier Testament. Ces nouvelles connaissances devraient, à tout le moins, remettre en question une lecture fondamentaliste ou littérale qui ne s’enfargerait pas de bien discerner entre ce qui relève des limites culturelles humaines et ce qui ressort de l’inspiration divine. Une telle distinction est pourtant d’une importance capitale. Car elle justifie le débroussaillage de la recherche rationnelle de la vérité et permet ainsi à l’esprit humain de déboucher sur le sens résiduel du texte, véritablement inspiré par l’Esprit Saint.

Le magistère de l’Église approuve et encourage cette recherche. Bien loin de remettre la foi en question, elle suscite en définitive son approfondissement. L’Église sait que la vérité recherchée par la raison ne peut pas contredire la vérité révélée par Dieu. « La vérité ne peut pas contredire la vérité », a écrit lapidairement le pape Léon XIII (encyclique Providentissimus Deus).  Jean-Paul II lui faisait écho à l’occasion d’un discours adressé à des étudiants de Cologne. « Il ne peut y avoir de conflit fondamental entre la raison qui, en conformité de sa propre nature qui vient de Dieu, est axée sur la vérité et est ordonnée à la connaissance de la vérité, et une foi, qui réfère à cette même source divine de toutes les vérités. La foi confirme en fait les droits spécifiques de la raison naturelle » (5 novembre 1980). Lors d’un symposium organisé par l’Académie pontificale des sciences, le saint pape revenait sur ce thème. « Lorsqu’elles suivent leurs propres méthodes respectives, la religion et la science sont des éléments constitutifs de la culture… et plutôt que de s’opposer, elles sont marquées par la complémentarité » (4 octobre 1991).

Lecture spirituelle

En ce qui concerne la fiabilité du texte biblique, l’Église, techniquement parlant, ne reconnaît comme étant sujet de foi en l’inspiration divine que les manuscrits d’origine. Elle ne se porte pas garante de l’inerrance (sans erreur) des copies, des interprétations et des traductions qui en ont été faites au cours des siècles et qui peuvent contenir des erreurs.

Le problème qu’il y a à ce sujet, c’est qu’il ne subsiste aucun texte d’origine, tant du Nouveau que de l’Ancien testament. Les chercheurs n’ont accès qu’à des copies et des fragments de copies remontant à l’Antiquité. La problématique est encore décuplée du fait des strates de rédaction dont nous avons parlé. Faudrait-il ne se fier qu’à la plus ancienne couche, celle d’origine ? Que restera-t-il du texte lorsqu’on l’aura expurgé des ajouts, modifications, interprétations qui s’y sont greffés au cours des siècles ? Une telle démystification des saintes Écritures ne risque-t-elle pas d’éteindre la foi ? À force d’émonder les branches de l’arbre, on fini par le tuer.

Orientée dans cette direction, la démarche objective me semble sans issue. La recherche scientifique se heurte ici à une impasse. Bien qu’elle puisse contribuer à ouvrir plus largement l’esprit à la vérité universelle, l’anthropologie biblique demeure stérile en ce sens qu’elle ne peut étancher la soif de connaissances religieuses ni occasionner de croissance spirituelle. Cette limite est cependant opportune. Car la méthodologie rationnelle qu’elle préconise peut et doit être dépassée.

Il s’agit d’effectuer une volte-face pour considérer la question d’une perspective subjective. Celle de la foi. Celle du simple croyant, sans “savantissime” compétence, en quête de croissance spirituelle. Il n’a à sa disposition que le texte biblique préservé jusqu’à nous. Qu’il se l’approprie donc avec confiance ! Car il peut légitimement croire que l’Esprit Saint l’a inspiré à toutes les étapes de son évolution. Il n’y a pas que le premier rédacteur qui ait été inspiré mais aussi ceux qui ont adapté le texte au contexte culturel qui était le leur afin d’en actualiser pour eux le sens. De sorte que l’inspiration divine ne coïncide pas nécessairement avec l’écriture la plus archaïque. Au contraire, elle s’étale de plus en plus clairement dans le temps au travers de l’évolution du texte. C’est donc dans les replis de cette évolution que s’insinue la Parole divine.

À propos des anthropomorphismes

On se doit pourtant de reconnaître qu’il n’est pas toujours facile de faire la part des choses entre l’humain et le divin de cette Écriture. D’autant plus que certains récits bibliques attribuent directement à Dieu des paroles et des oracles marqués par des sentiments, des attitudes, des agissements très humains. Ces anthropomorphismes, qui reflètent une méconnaissance des attributs de Dieu, faisait dire à Voltaire : « Si Dieu nous a fait à son image, nous le lui avons bien rendu ».

Parmi les nombreuses projections anthropomorphiques de la Genèse, j’en tire une du récit du déluge qui est particulièrement pertinente pour notre propos. « Yahvé vit que la méchanceté de l’homme était grande sur la terre et que son cœur ne formait que de mauvais desseins à longueur de journée. Yahvé SE REPENTIT d’avoir fait l’homme sur la terre et il s’affligea dans son cœur. Et Yahvé dit : “Je vais effacer de la surface du sol les hommes que j’ai créés – et avec les hommes, les bestiaux, les bestioles et les oiseaux du ciel  – CAR JE ME REPENS de les avoir faits” » (Gn 6, 6-7).

Bien entendu, Dieu n’a pas pu se repentir d’avoir créé les humains pour ensuite les détruire – et détruire du même souffle tous les animaux terrestres – à cause de leur méchanceté. Car le repentir fait suite à un péché ou une erreur, ce qui est incompatible avec la perfection divine. Le scribe qui a écrit ce récit ne savait pas que Dieu ne pourrait pas se rétracter dans son Acte créateur sans remettre en cause sa Bonté, sa Transcendance, sa Toute-puissance, sa Miséricorde. Toutefois, pour exposer l’inspiration spirituelle qui le sollicitait, il ne disposait pas d’un autre moyen de communication que la réinterprétation, dans le cadre spécifique du monothéisme, d’un  mythe issu du polythéisme ambiant.

Quelle était la teneur de cette inspiration ? Quelle vérité voulait-il communiquer par la transcription de cette fable ? Un message écologique avant terme démontrant le lien entre la vie morale et les lois de la nature ; si bien que le désordre moral de la collectivité humaine peut  avoir pour conséquence des cataclysmes dévastateurs pour la vie terrestre ? Pour décrypter plus précisément le sens du récit, il me faudrait entreprendre une analyse de l’ensemble, ce qui nous éloignerait considérablement de mon propos[1]. Le point que je veux faire valoir ici, c’est que le premier livre de Samuel corrige l’anthropomorphisme du REPENTIR DE DIEU, ce qui démontre un progrès de la culture religieuse du judaïsme.

Un exemple d’évolution

Le prophète Samuel, qui avait consacré Saül comme premier roi d’Israël, en vint à le destituer pour avoir partiellement désobéi à son oracle, lui ordonnant d’exterminer les Amalécites : «Maintenant, va, frappe Amaleq, voue-le à l’anathème avec tout ce qu’il possède, sois sans pitié pour lui, tue hommes et femmes, enfants et nourrissons, bœufs et brebis, chameaux et ânes » (1 Sa 15, 3).

Saül avait exécuté le mandat d’exterminer le peuple – les génocides ne datent pas d’aujourd’hui, n’est-ce pas ? – mais les combattants avaient pris comme butin les meilleures bêtes des troupeaux de l’ennemi. Un accroc à l’injonction prophétique qui remplissait le prophète de fureur. « Samuel s’enflamma et cria vers Yahvé pendant toute la nuit. » Au matin, « la parole de Yahvé fut adressée à Samuel en ces termes : “Je me REPENS d’avoir donné la royauté à Saül, car il s’est détourné de moi et n’a pas exécuté mes ordres” » (1 Sa 15, 10-11). Même lorsque le roi tentera de justifier la « désobéissance » du « peuple » par l’intention d’offrir les bêtes en holocauste à Yahvé, Samuel ne lui pardonnera pas. « Aujourd’hui, Yahvé t’a arraché la royauté sur Israël et l’a donné à ton voisin, qui est meilleur que toi » (v. 28).

Et c’est immédiatement après cette condamnation sans appel qu’un verset est inséré entre parenthèses dans le texte : « (Pourtant, la Gloire d’Israël ne ment pas, NE SE REPENS PAS, car il n’est PAS UN HOMME POUR SE REPENTIR) » (v. 29). À l’origine, ce commentaire a pu être écrit par un scribe dans la marge. Il se retrouve aujourd’hui entre parenthèses dans le corps du texte sans doute parce qu’un copiste, dans la foulée de la culture subséquente, a estimé la glose justifiée en ramenant l’oracle sanguinaire en perspective au risque de faire planer le doute sur l’intransigeance du prophétisme de Samuel. Une radicalité que nous jugerions aujourd’hui abusive, à mettre sur le compte de la rivalité pour la primauté entre le pouvoir religieux et le pouvoir politique[2].

Aujourd’hui, nous pouvons reconnaître que l’auteur de cette glose critique a été inspiré par l’Esprit saint plus précisément que certains autres passages anthropomorphiques des Écritures. En corrigeant les conceptions d’une époque révolue, son intervention témoigne d’une évolution culturelle impliquant tant la rationalité que la religion. C’est même la complémentarité de ces deux facettes de la conscience humaine[3] qui porte la véritable signature de l’Esprit.

Conclusion

Cette adaptation de l’Écriture à la culture ponctuelle des scribes représente pour nous aujourd’hui un modèle de relecture de la Parole de Dieu. Nous pouvons croire que l’Esprit, qui a inspiré jadis les intervenants bibliques successifs, peut encore instruire notre intelligence et notre cœur en toute cohérence avec notre perception actuelle de la réalité. Car c’est ce même Esprit qui nous incite à transposer ces écrits antiques dans la culture d’aujourd’hui pour que nous puissions nous syntoniser à l’inspiration divine qu’ils contiennent.

De sorte qu’après avoir exploré le vaste panorama du questionnement amorcé avec le « Faisons l’homme », nous bouclerons notre propos en interprétant légitimement sous le pluriel, une anticipation de la révélation de la Trinité, évoquée encore sous la forme des trois mystérieux visiteurs apparus à Abraham au Chêne de Mambré, que la Genèse décrit tantôt comme des humains, tantôt comme la divinité Elle-même (cf Gn 18 +).

À suivre

[1] Voir dans L’évolution de l’Alpha à l’Oméga, mon interprétation du mythe disséminée dans le 5e, le 28e et, surtout, le 42e entretien, pages 507 et +. Cet ouvrage est disponible sur ce site www@ac3m.org dans les formats papier et numérique.

[2] On peut trouver un autre exemple de cette rivalité dans le livre des Nombres (chapitres 22-24) entre Balaq, roi de Moab, et Balaam, un prophète païen qui bénit les Israélites plutôt que de les maudire à la demande du roi. La source scripturaire de la parenthèse en Samuel se retrouve dans l’un des oracles du “voyant” étranger, ce qui est particulièrement significatif dans l’optique de l’acquisition progressive des connaissances religieuses par le peuple hébreu puisque c’est d’un païen d’abord que provient la conscience de la Transcendance divine : « Dieu n’est pas un homme pour qu’il mente, ni fils d’Adam pour qu’il se rétracte » (Nb 23, 19).

[3] Cette complémentarité duale ramène au rapport entre raison et foi, science et religion, comme le précise Jean-Paul II dans la citation ci-haut.

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5 réponses à 11- La Genèse revisitée – La “pluralité” divine

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