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Dieu planifie-t-Il les catastrophes? Est-Il l’auteur des cataclysmes qui s’abattent un peu partout sur la planète? La question m’a été posée à plusieurs reprises. Un signe que l’inquiétude tenaille particulièrement les consciences, à l’abordage du troisième millénaire. Pour cer­tains, la tem­pê­te de ver­glas qui s’est abattue sur une partie de l’Amérique du Nord a été l’événement dé­clen­cheur du ques­tion­ne­ment.

Tempête du verglas 1998 (photo Ville de Montréal).

Chez ­d’autres, le cas est ré­glé de­puis dé­jà un bon ­bout de temps. Ils ne dou­tent pas que le si­da, les mas­sa­cres en Afrique et ailleurs, les tor­na­des, les trem­ble­ments de ter­re, les ­conflits vio­lents qui écla­tent de tou­tes ­parts ­sont des ­fléaux orchestrés par un Dieu en co­lè­re ­pour châ­tier ­l’humanité.

Par exemple, concernant les in­on­da­tions au Saguenay, le bruit a couru dans certains groupes, sans doute plus fédéralistes que charismatiques, que Dieu ­avait vou­lu pu­nir cet­te ré­gion par­ce ­qu’elle ­avait vo­té mas­si­ve­ment OUI au ré­fé­ren­dum sur la souveraineté québécoise. À croi­re que le Créateur de l’univers serait un par­ti­san du pouvoir fédéral… N’est-ce pas Le ra­pe­tis­ser un pe­tit peu ­trop en le rabaissant au niveau de nos mesquins intérêts politiques? Celui qu’on ap­pel­le «le Bon Dieu» se­rait-Il un vi­lain po­li­ti­cien as­soif­fé de ven­gean­ce qui frap­pe­rait aveu­gle­ment et ­sans dis­tinc­tion, ­bons et mé­chants, jus­tes et in­jus­tes.

Si Dieu avait voulu punir les souverainistes du Saguenay, comme on a odieusement osé l’affirmer, quelle sorte de justice exercerait-Il puiqu’Il aurait en même temps puni tout autant les fédéralistes qui s’y trouvent? Et si Dieu veut châtier les homosexuels par le sida, ne serait-Il pas terriblement injuste envers les hémophiles et les hétérosexuels qui sont aussi contaminés sans qu’ils aient eu de rapports avec des personnes du même sexe?

D’emblée, ­j’affirme ­que de tel­les re­pré­sen­ta­tions ne cor­res­pondent en ­rien au Dieu que je ­connais. Celui que Jésus Christ m’a ­fait découvrir et aimer est un Dieu de bon­té qu’aucune tra­ce ou vo­lon­té de mal, fut-el­le la ­plus in­fi­me, ne par­vient à ef­fleu­rer. Un Dieu ­d’amour et de ten­dres­se qui, ­loin ­d’infliger de cruels châ­ti­ments à sa créa­ture, a plu­tôt choi­si de se pu­nir Lui-mê­me, en ­quelque sor­te, en pre­nant sur Lui, en Son Fils unique, ­tout le mal de ­l’homme ­pour ­l’en li­bé­rer et par­ta­ger ­avec lui Sa vie et Sa ­joie.

Reste ­tout de mê­me, ­lorsque le mal­heur ­vous at­teint, ­qu’il est nor­mal et lé­gi­ti­me de se po­ser des ques­tions. Pourquoi? D’où ­vient le mal? Mais de­vrions-­nous al­ler ­jusqu’à conclu­re com­me cet hom­me à la télé­vi­sion à pro­pos du ver­glas: «Qu’est-ce ­qu’on a ­fait au Bon Dieu ­pour ­qu’un tel dés­as­tre ­nous frap­pe?»

Réaction promitive. Elle ­tient ­plus ­d’une vi­sion super­sti­tieu­se de la ré­ali­té que de la foi au­then­tique. Pour y ­voir ­plus ­clair, je tâ­che­rai, dans ce premier article, de fai­re une dis­tinc­tion fon­da­men­ta­le en­tre na­ture et sur­na­ture.

Dieu, Cause pre­miè­re de la na­ture

La na­ture est ce ­lieu de la ma­tiè­re, de ­l’espace et du ­temps ­dans le­quel se dé­ve­lop­pent les di­ver­ses for­mes de vie ani­ma­le, vé­gé­ta­le et hu­mai­ne. Elle com­prend aus­si ­bien le cos­mos, où se ba­lan­cent les ga­laxies com­me d’immenses tou­pies, que les ­plus in­fi­mes cel­lu­les au ­fond des ­mers, en pas­sant par l’homme ­dont le re­gard ­peut em­bras­ser les ­unes et les au­tres.

Derrière ce mon­de vi­si­ble, le ­croyant ­peut sai­sir la pré­sen­ce du Seigneur. La na­ture por­te la si­gna­ture du Créateur. Les phi­lo­so­phes ­païens de l’Antiquité ont pu y li­re ­l’existence de Dieu en ­tant que Cause pre­miè­re de tout ce qui existe. Dieu est le Moteur im­mua­ble qui don­ne ­l’im­pulsion fon­da­tri­ce de ­l’être à ­tout ce qui est doué d’existence. Les cho­ses exis­tent par­ce que l’Être su­prê­me ­leur don­ne l’être. C’est un ­grand mys­tè­re qui se re­nou­vel­le à ­chaque in­stant com­me la sour­ce ­d’où ­jaillit une eau tou­jours nou­vel­le.

La créa­tion n’a ­donc pas été ac­com­plie une ­fois ­pour tou­te ­dans le loin­tain pas­sé de ­l’univers. C’est à chaque in­stant que Dieu ­crée. Il est maintenant, dans son Présent perpétuel, le Créateur de tous les êtres passés, présents et à venir. Il soutient dans l’­existence toutes les créatures en­sem­ble et ­chaque ­être en par­ti­cu­lier. Sans son soutien constant et ininterrompu, rien ne pourrait subsister.

Les cau­ses se­con­des

Si tou­tes les cho­ses ont Dieu ­pour Cause pre­miè­re par­ce ­qu’elles tien­nent l’ÊTRE de Lui, el­les exis­tent en mê­me ­temps au ni­veau des contin­gen­ces. C’est-à-dire qu’elles ­sont un «ef­fet» pro­dui­t par des «cau­ses» an­té­rieu­res.

Un exem­ple: le mou­ve­ment de la pier­re que je lan­ce est un «ef­fet» «cau­sé» par ­l’impulsion que lui don­ne mon ­bras; sa vé­lo­ci­té et son al­ti­tu­de di­mi­nuent lorsqu’une au­tre «cau­se» inter­vient, ­soit la for­ce de la gra­vi­té ter­res­tre, et dé­pas­se en puis­san­ce mon im­pul­sion in­itia­le ­pour ra­me­ner la pier­re sur le sol. Autre exem­ple: mon exis­ten­ce per­son­nel­le est un ef­fet pro­duit par ­l’union gamettes de mes pa­rents, qui eux aus­si ont été en­gen­drés par ­leurs pa­rents et ain­si de sui­te.

En théo­rie, je pour­rais re­mon­ter la chaî­ne des «ef­fets» et des «cau­ses» ­jusqu’à Adam. Plus en­co­re, ­jusqu’au «Big Bang» in­itial. Selon la thè­se scien­ti­fique la plus ac­cré­di­tée, le «Big Bang» est ­l’événement cos­mique à ­l’origine de l’espace et du temps. Une for­mi­da­ble ex­plo­sion d’énergie que la Genèse semble évoquer sous la figure de la première « Parole »: «Que la lumière soit!».

Eh ­bien! le jeu de cau­ses et ­d’effets, au­quel ­rien de ce qui exis­te ­dans le contex­te du mon­de ma­té­riel ne ­peut se sous­trai­re, ­c’est ce que les phi­lo­so­phes clas­siques ap­pel­lent les «cau­ses se­con­des».

En étu­diant les cau­ses se­con­des, ­l’humanité, au fil du temps, a ap­pris peu à peu à connaî­tre de plus en plus son habitat universel. De sor­te que ­l’homme a pu éten­dre son em­pi­re sur une por­tion de ­plus en ­plus vas­te et com­plexe de la ré­ali­té, obéissant ainsi à l’injonction du Créateur: «Soyez féconds, multipliez, emplissez la terre et soumettez-la» (Gn 1, 28).

Même ­lorsqu’ils ne re­con­nais­sent pas ­l’existence de Dieu en ­tant que Cause pre­miè­re, les scien­ti­fiques ex­pli­quent donc lé­gi­ti­me­ment les condi­tions d’existence de la ma­tiè­re. En obs­er­vant les cau­ses se­con­des, ils par­vien­nent à iden­ti­fier les ­lois im­mua­bles aux­quel­les el­le est sou­mi­se.

L’autosuffisance de la na­ture

Or, ­nous devons comprendre que Dieu ­n’intervient pas DI­REC­TE­MENT —je sou­li­gne le mot— à ce ni­veau. Une in­tru­sion di­vi­ne dans le jeu des causes secondes cons­ti­tue­rait en ef­fet une brè­che ­dans ­l’ordre exis­tant. Elle opé­re­rait une ­trouée ca­tas­tro­phique qui ébran­le­rait ­l’équilibre des ­lois et com­pro­mettrait ­l’existence mê­me du tis­su ser­ré des réalités matérielles. Elle in­tro­dui­rait à la ba­se de ­l’édifice une fai­bles­se qui fi­ni­rait par cau­ser ­l’écroulement de tou­te la struc­ture.

Dans ­l’univers, ­tout se ­tient. Et ­c’est pré­ci­sé­ment cet­te co­hé­ren­ce, cet en­tre­la­ce­ment, cet­te inter­dé­pen­dan­ce de cau­ses et ­d’effets qui ma­ni­fes­te ­dans la na­ture la tou­te-puis­san­ce du Seigneur. Dieu ­n’est pas com­me ­l’homme un ­être in­cons­tant et in­consé­quent. Il ne dé­fait pas ­aujourd’hui ce qu’Il a cons­truit hier. Il ne mo­di­fie pas en ­cours de rou­te les en­jeux de Son pro­jet ­pour ­l’ac­commoder au ca­pri­ce de ­l’heure. Il ne pi­pe pas les dés qui déterminent Sa création.

Les ­lois na­tu­rel­les ne pour­raient ­être mo­di­fiées, mê­me par Dieu, ­sans pro­vo­quer la des­truc­tion de ­l’univers. Tant que ­l’univers sub­sis­te­ra, el­les ré­gle­ront le ­cours des cho­ses. Elles ­sont le prin­ci­pe, le fon­de­ment de ­l’autonomie de la na­ture. Ce ­sont el­les qui ­créent en ­quelque sor­te le mi­lieu des contin­gen­ces et four­nis­sent le contex­te né­ces­sai­re à ­l’enchaînement des ef­fets et des cau­ses se­con­des de la ré­ali­té.

Conséquemment, les ca­ta­clys­mes, de ­quelque sor­te ­qu’ils ­soient, ne ti­rent pas leur ori­gi­ne ­d’une vo­lon­té ex­pli­ci­te de Dieu. Puisqu’ils se ma­ni­fes­tent ­dans la na­ture, ils sur­vien­nent ­dans le ca­dre des ­lois qui la gou­ver­nent.

Des mé­téo­ro­lo­gues ont pu ex­pli­quer la ca­ta­strophe du ver­glas par le phé­no­mè­ne «El ni­ño». Des éco­lo­gis­tes ont ­quant à eux at­tri­bué le si­nis­tre à ­l’effet de ser­re, cau­sé par la pol­lu­tion atmos­phé­rique, qui mo­di­fie­rait le cli­mat de la pla­nè­te.

À ­l’aube de ­l’humanité, les humains ­croyaient en­ten­dre ­dans le ton­ner­re la voix de Dieu. Aujourd’hui, ­nous sa­vons que ce phé­no­mè­ne est cau­sé par la dé­char­ge élec­trique de ­l’éclair. Ceux qui ­étaient me­na­cés par une érup­tion vol­ca­nique ­croyaient que ­leur ­dieu, per­son­ni­fié par le vol­can, ­était en co­lè­re et vou­lait les ex­ter­mi­ner. Au­jourd’hui, ­nous sa­vons que ce ­sont les mou­ve­ments du mag­ma ­sous la croû­te ter­res­tre qui en ­sont la cau­se.

Attribuer à Dieu le si­nis­tre du ver­glas ou ­d’autres ca­ta­strophes na­tu­rel­les re­lè­ve ­d’une men­ta­li­té ­semblable. On ne ­fait pas hon­neur au Seigneur à Le fai­re pas­ser odieu­se­ment ­pour une cau­se de mal­heur. L’on dé­mon­tre ain­si ­qu’on ne Le ­connaît pas ou ­très mal.

La ver­tu de pru­den­ce ré­cla­me ­donc de ne ja­mais at­tri­buer à Dieu ce qui ­peut ou pour­rait trou­ver une ex­pli­ca­tion ­dans ­l’ordre na­tu­rel. Devant ­tout phé­no­mè­ne et ­tout évé­ne­ment, ­d’abord cher­cher, ­avant ­d’invoquer une inter­ven­tion di­vi­ne, ­l’explication na­tu­rel­le.

La ba­se ­d’un tel dis­cer­ne­ment, ­c’est la rai­son. Un ma­gni­fique ca­deau du Créateur à ­l’homme qui ­fait tou­te sa no­bles­se et qui est or­don­né à ­l’analyse des cau­ses na­tu­rel­les.

Les inter­ven­tions sur­na­tu­rel­les

Mais si Dieu a ­créé un uni­vers gou­ver­né par des ­lois im­mua­bles, est-ce à di­re qu’Il est Lui-mê­me as­su­jet­ti à ces ­lois? Certes non! Sans en­trer en ­conflit ­avec el­les, Il ­peut en sus­pen­dre ­l’application, com­me bon Lui sem­ble. Ce qu’Il ­fait en pas­sant au-de­là de ­leurs dé­ter­mi­nis­mes.

Ici, tou­te­fois, ­nous en­trons ­dans une per­spec­ti­ve di­te « sur­na­tu­rel­le ». Les phé­no­mè­nes sur­na­tu­rels ré­fè­rent à des ré­ali­tés si­tuées au-des­sus de la na­ture, qui échap­pent consé­quem­ment à ses ­lois. Les gué­ri­sons mer­veilleu­ses, les ap­pa­ri­tions, les mi­ra­cles, etc., ­sont clas­si­fiés mi­ra­cu­leux pré­ci­sé­ment ­lorsque ces phé­no­mè­nes ne peu­vent ­s’expliquer par les ­lois de la na­ture.

C’est ­dans cet­te di­men­sion que des évé­ne­ments peu­vent ­être at­tri­bués DI­REC­TE­MENT à Dieu. J’ai ­bien ­écrit ­qu’ils «peu­vent». C’est que le Seigneur ­peut ac­com­plir Ses des­seins en passant par des intermédiaires. Comme les ­saints ou les an­ges.

Il y a aus­si que les phé­no­mè­nes sur­na­tu­rels peu­vent ­avoir une au­tre ori­gi­ne. Ils peu­vent ­être ­l’initiative des an­ges qui se ­sont ré­vol­tés ­contre Dieu. Même s’ils ­sont per­dus à ja­mais, les es­prits mau­vais conser­vent un cer­tain pou­voir sur­na­tu­rel qui ­leur per­met de si­mu­ler par­fois ­l’action di­vi­ne ou de se ma­ni­fes­ter ­dans ­l’intériorité des hu­mains, no­tam­ment par les pos­ses­sions dia­bo­liques.

Raison suf­fi­san­te ­pour in­ci­ter à la vi­gi­lan­ce ­afin de dis­cer­ner, ­dans tou­te ma­ni­fes­ta­tion sur­na­tu­rel­le, en­tre la pré­sen­ce de Dieu et de ses ser­vi­teurs ou cel­le de Satan et de ses sup­pôts.

L’appareil re­quis ­pour opé­rer un tel dis­cer­ne­ment sur­na­tu­rel, ­c’est l’Esprit Saint. Il ­s’exprime de ­deux ma­niè­res com­plé­men­tai­res: par le mi­nis­tè­re du Magistère de l’Église qui a re­çu de Jésus le man­dat de gui­der les croyants ­dans ­leur pé­ré­gri­na­tion ter­res­tre et par ­l’exercice du cha­ris­me du dis­cer­ne­ment des es­prits qu’Il pro­di­gue ­dans le peu­ple de Dieu. (Lire la suite, deuxième article)

N. B. Cette série d’articles est tirée de Pour discerner l’action de l’Esprit, publié en 1998 aux Éditions Spirimédia.

 

 

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