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…autour du triple drame du Japon*

Les actualités se chargent de nous rappeler notre vulnérabilité. Nous n’en voudrions pas! Mais veux, veux pas, les croix nous attendent au détour du chemin. Individuellement et collectivement. Notre “planète bleue”, unique et si belle vue du cosmos, n’est pas le monde idéal que nous désirons tous, quelles que soient nos croyances ou nos incroyances. Car tout être humain aspire légitimement à une vie épanouie, sans déclin ni revers! Il n’y a pas d’exception à ça. Même Jésus a demandé à son Père d’éloigner, si possible, le calice qu’il devait boire. C’est pourquoi le désastre d’un tsunami à l’autre bout de la Terre et tant de violences de toute nature qui ravagent le monde nous ramènent une question lancinante. Y a-t-il un sens à nos malheurs dans cette «vallée de larmes»?

Les trois secouristes en bleu au milieu des décombres fournissent un point de comparaison pour mesurer l’ampleur de la dévastation qui a frappé le Japon lors du tsunami de 2011 (photo CNS/Aly Song, Reuters).

On reste sans mots devant le déchaînement des forces brutales qui détruisent des villes entières et tuent des dizaines, voire des centaines de milliers. Hier Haïti. Aujourd’hui le Japon. La série noire des séismes, tsunamis, inondations, conflits et autres catastrophes n’en finit plus. Il y en aura d’autres. Encore et encore! Au Japon ou ailleurs. Chez nous, peut-être? On n’est pas à l’abri des calamités puis­qu’il n’y a pas d’évasion possible de cette Terre plutôt turbulente de ce temps-ci.

Pourquoi? Pourquoi?

Les savants attribuent la cause des secousses sismiques aux plaques tectoniques. Ce sont des formations géologiques d’envergure continentale qui flottent sur la lave en fusion sous la croute terrestre. Quand elles bougent, ça fait des vagues sous nos pieds.

Mais l’identification des causes physiques ne console pas des immenses douleurs que les soubresauts planétaires produisent. Elle ne guérit pas les détresses engendrées par la destruction massive des biens matériels et des infrastructures sociales. Quand on souffre, on n’en a rien à foutre des explications scientifiques.

Certains tiennent Dieu responsable de tous ces malheurs. Ce serait Sa faute si le sol est secoué fortement puisqu’il a pris le risque de faire exister un monde parfois malmené par les forces aveugles de la matière. On aurait donc raison de se révolter contre Lui.

Le sourire voilé de cette femme passant au travers des détritus avec ses enfants évoque peut-être le courage et la détermination du peuple nippon éprouvé par le pire séisme de son histoire (photo CNS/Kyodo/Reuters).

On devrait mieux se demander si le risque que Dieu a pris en créant notre monde n’en vaut pas la chandelle! Quand on s’arrête à penser à l’immensité des abîmes insondables du cosmos et au nombre vertigineux de conditions requises pour que la vie ait pu surgir sur notre planète, on a toutes les raisons de s’étonner et de s’émerveiller. La vie est ce funambule qui parvient à marcher sur la corde raide de l’existence au-dessus des chocs destructeurs de la matière. La vie n’est-elle pas un miracle unique, sans précédent ni réédition? Merci Seigneur de nous en avoir donné le goût gratuitement. Mê­me dans la mort, c’est encore pour la vie que nous rendons grâce.

Châtiments?

Voilà une célébration de l’existence qui peut apaiser le réflexe de la révolte. Mais certains croyants croient défendre la cause de Dieu en rajoutant la culpabilité au malheur insoutenable des gens. C’est à cause des péchés que Dieu envoie des catastrophes, disent-ils, faisant ainsi des victimes des coupables. Par exemple, des prédicateurs fondamentalistes ont soutenu publiquement que le tremblement de terre d’Haïti était un châtiment de Dieu à cause des pratiques de vodou de la population du pays.

Il y a là une insoutenable défiguration évangélique. La compassion chrétienne est incompatible avec de tels jugements. Ils entrent d’ailleurs en flagrante contradiction avec l’Évangile.

Car Jésus n’était pas d’accord avec l’interprétation que les crimes et les maladies soient des châtiments de Dieu en représailles pour les péchés. N’a-t-il pas rabroué vertement ses apôtres qui prétendaient faire tomber le feu du ciel sur un village samaritain réfractaire à sa prédication (Lc 9, 54)? Des disciples lui ont demandé à propos d’un handicapé: «Qui a péché, lui ou ses parents pour qu’il soit né aveugle?» Le Maître a répondu: «Ni lui ni ses parents n’ont péché, mais c’est afin que soient manifestées en lui les œuvres de Dieu» (Jn 9.2-3). Et Jésus le guérit prouvant ainsi que l’œuvre de Dieu est la guérison et non le stigmate.

Jésus a encore exprimé clairement sa pensée à ce propos à l’occasion d’un massacre de Galiléens «dont Pilate avait mêlé leur sang à celui de leurs victimes» alors qu’ils offraient des sacrifice dans le Temple de Jérusalem. «Pensez-vous que pour avoir subi pareil sort, ces Galiléens fussent de plus grands pécheurs que tous les autres Galiléens? Non, je vous le dis, mais si vous ne vous repentez pas, vous périrez tous pareillement. Ou ces dix-huit personnes que la tour de Siloé a tués dans sa chute, pensez-vous que leur dette fut plus grande que celle de tous les hommes qui habitent Jérusalem? Non, je vous le dis; mais si vous ne voulez pas vous repentir, vous périrez tous de même» (Lc 13, 1-5).

Ce «vous périrez tous de même» ne signifie pas, bien sûr, que ceux qui ne se convertissent pas seront un jour assassinés ou seront entraînés dans la mort par une catastrophe! Jésus fait plutôt entendre par là que tous les hommes sont pécheurs et ne peuvent se relever de cette condition que par la conversion. Il nie l’existence d’un lien de cause à effet entre le péché et le sort des victimes. Il refuse donc l’interprétation que les malheurs viennent de Dieu.

La nécessaire conversion

De tels événements dramatiques peuvent toutefois susciter providentiellement la conversion du coeur. Car les fléaux obligent à réfléchir sur la condition humaine. Ils confrontent l’être humain à sa petitesse devant le déferlement gigantesque des éléments de la nature.

Au coeur de la tragédie, des miracles surviennent. Comme cet homme retrouvé vivant accroché au toit de sa maison à 15 kilomètres au large de la côte, ou cette petite fille de 4 mois rescapée avec sa famille par les militaires (photo CNS/Yomiuri Shimbun/Reuters).

De plus, ils suscitent la solidarité des humains au-dessus des frontières et au-delà des différences. Ils les incitent à dépasser leur moi égocentrique pour se porter avec une amoureuse compassion au secours des affligés et éprouvés de la Terre.

Les catastrophes sont des points de rupture, des fissures dans le continuum de l’insouciance. Les humains oublient trop facilement leur vulnérabilité et leur condition mortelle. La démesure des cataclysmes les oblige à s’arrêter pour jauger la valeur morale de leurs actes et la portée réelle de leurs choix.

La menace nucléaire qui a fait suite au séisme japonais questionne l’un de ces choix, entre autres. Elle fait prendre conscience que l’exploitation imprudente des ressources énergétiques peut détruire plus que tous les tsunamis et séismes de la planète.

Ce ne sont plus des milliers mais des millions d’êtres humains qui sont à risque lorsque les forces naturelles sont exploitées pour satisfaire surtout les convoitises du pouvoir et de l’argent. Voilà la source du plus grand des fléaux que l’humanité —et non pas la nature— pourrait provoquer elle-même. Elle pourra pourtant esquiver l’apocalypse dans la mesure où elle convertira ses profondes pulsions de mort en semences de vie pour un partage équitable des biens matériels.

* Article paru dans Le NIC, 10 avril 2011

2 réponses à Séisme, tsunami, menace nucléaire

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