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Une “parole divine” plutôt malmenée?

Je poursuis mon effort de discernement sur la foi musulmane. Ce n’est pas mon intention de juger les fidèles de cette religion dont je ne remets pas en cause la sincérité et la ferveur. Je ne prétends pas non plus proposer une analyse exhaustive des textes fondateurs de l’islam —ce qui serait une tâche démesurée réclamant une érudition que je n’ai pas. Je me bornerai à relever certains versets du Coran et à référer à des récits historiques, les hadiths, rapportés par des auteurs accrédités de l’islam. Ce faisant, je me garderai de recourir à des opinions préjudiciables qui circulent dans le monde occidental pour m’en tenir à ce que les textes disent objectivement, tels qu’ils sont présentés par les musulmans eux-mêmes.

Pendant que les uns prient pour la paix, d’autres se préparent à la guerre sainte au nom de Dieu. Comment comprendre ce paradoxe au coeur du quotidien des pratiquants de la foi musulmane. Notre photo de gauche a été prise lors d’une rencontre de prière interreligieuse catholiques/musulmans pour la réconciliation au Liban. Celle de droite montre un djadiste de la «Brigade des martyrs» lors d’une manifestation palestinienne contre les remarques du pape à Ratisbonne (CNS/Fadi Daou/Mohammed Salem, Reuters).

Ainsi, dans mon dernier article, j’ai soulevé le problème des versets dits sataniques. Ce n’est toutefois pas en référence au notoire Salmon Rushdie —dont le roman a valu un décret de l’Ayatollah Khomeiny réclamant son assassinat— que j’ai évoqué ces versets mais bien à partir de ce qu’a rapporté Tabari (829-923), un chroniqueur musulman de haut niveau dont l’autorité est reconnue par l’islam.

Les versets sataniques

Tabari raconte que Mahomet, en récitant la sourate de l’Étoile devant les mecquois polythéistes, en est venu à louer les divinités païennes de la Kaaba et à reconnaître leur pouvoir d’intercession. Le théologien attribue cet écart grave au monothéisme rigoureux, prêché jusque-là par le prophète, à une intervention de Satan. Ce que confirmerait d’ailleurs un verset dicté par l’archange Gabriel dans la foulée de l’incident: «Nous n’avons envoyé, avant toi, aucun apôtre, ni prophète, sans que Satan ait jeté quelque erreur dans sa pensée».

Un passage difficile à avaler pour le musulman! Car non seulement sa croyance considère-t-elle le Coran comme une Parole de Dieu à prendre au pied de la lettre et qui ne peut être prise en défaut mais cette infaillibilité s’étend aussi au prophète qui l’a reçue pour la transmettre à l’humanité. Pour le musulman pieux, il est primordial de considérer Mahomet comme un modèle à imiter, un humain, certes, mais parfait et exceptionnel, pur de tout péché, entièrement voué à la cause de Dieu.

Un musulman en prière lors de la commémoration du massacre des moines trappistes algériens en 1996 (photo CNS/Larbi Loua­fi, Reuters).

L’explication que donne Tabari d’une influence démoniaque, trois ans après le début de la prédication de Mahomet à la Mecque, ne satisfait pas d’autres analystes peu enclins à admettre une intervention diabolique. Des arguments rationnels tendent plutôt à voir dans cet épisode une stratégie de la part du prophète pour convaincre sa tribu, les Quraychites, de joindre les rangs des adeptes de la nouvelle religion. Par la suite, effrayé par les conséquences que l’astuce pouvait enclencher pour le monothéisme et craignant la colère de Dieu, Mahomet, toujours avec la complicité de l’archange Gabriel, aurait corrigé les versets litigieux en les transformant tels qu’on les retrouve aujourd’hui (sourate 53, 17-23).

Cette dernière explication ne manque pas de crédibilité. Car elle révèle un trait de caractère du prophète que les événements à venir confirmeront. À savoir l’habilité stratégique du futur chef politico-militaire, capable d’adapter son message aux circonstances et intérêts du moment. Une qualité certes utile en contexte de guerre mais qui démontre en même temps un petit côté opportuniste.

L’incontournable humanité

Ces deux explications —la spirituelle et la rationnelle— font ressortir l’une comme l’autre le côté humain de l’écriture coranique. Par conséquent, le Coran ne jouit pas du statut particulier qu’on prétend lui faire détenir, soit d’être la parole «incréée, éternelle et inimitable» du Créateur de l’univers. Cette œuvre ne fait pas exception à cet égard à tout autre livre prophétique, incluant la Bible, qu’on devra nécessairement soumettre au discernement de la raison pour en saisir le fondement. S’il existe une littérature véritablement divine quelque part en ce monde, ce n’est pas à partir de la lettre qu’on saura la déchiffrer et la comprendre mais par une ouverture à la Transcendance qui ne se réduit ni à des mots humains ni à des événements circonstanciels de l’espace et du temps.

Plusieurs passages du Coran peuvent ainsi être pris en défaut et sont marqués par l’imperfection humaine. Les erreurs sont occasionnées soit par l’ignorance, la candeur, les intérêts ou la commodité. Dans le jugement que la rationalité se doit d’exercer pour discerner la vérité, on ne doit pas même écarter l’hypothèse de la mauvaise foi qui peut s’insinuer parfois dans toute œuvre humaine, fût-elle inspirée.

La Trinité selon Mahomet

Un exemple patent de déficience grave de versets attribués à Dieu par l’intermédiaire de l’archange Gabriel et transmise par Mahomet se retrouve dans les sourates 4 et 5 à propos de la Trinité. En voici le texte partiel.

Sourate 5, verset 116: «(Rappelle-leur) le moment où Allah dira : “Ô Jésus, fils de Marie, est-ce toi qui as dit aux gens: “Prenez-moi, ainsi que ma mère, pour deux divinités en dehors d’Allah?”»

Sourate 4, verset 171: «Ô gens du Livre, n’exagérez pas dans votre religion, et ne dites d’Allah que la vérité. Le Messie Jésus, fils de Marie, n’est qu’un Messager d’Allah, Sa parole qu’Il envoya à Marie, et un souffle (de vie) venant de Lui. Croyez donc en Allah et en Ses messagers. Et ne dites pas «Trois». Cessez! Ce sera meilleur pour vous. Allah n’est qu’un Dieu unique. Il est trop glorieux pour avoir un enfant.»

Ces versets s’insurgent contre une fausse doctrine que Mahomet a tout à fait raison de rejeter. Les chrétiens aussi la rejettent. Il s’agit de la conception d’une soi-disant trinité formée par Dieu, Jésus… et Marie.

La doctrine

Comment comprendre qu’une aussi grossière erreur, à la frontière du ridicule, ait pu s’insinuer dans un texte qui se veut infaillible et éternel? La gaffe ne peut s’expliquer autrement que par l’ignorance du prophète de la véritable foi chrétienne. Une ignorance qui se perpétue encore de nos jours chez les disciples inconditionnels de Mahomet.

Car dès le début du christianisme, les Apôtres ont cru en la révélation de Dieu, comme Trinité. Cette doctrine était déjà présente en germe dans l’Ancien Testament. Lors de l’Ascension de Jésus, elle est devenue explicite, comme en témoigne l’évangile de Matthieu au chapitre 28, verset 19. «Allez donc, de toutes les nations faites des disciples, les baptisant au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit.»

Pendant que les uns se rencontrent pour dialoguer à partir des croyances partagées, d’autres sont assassinés au nom des différences de la foi en l’Être Suprême. Notre photo montre un prélat catholique touchant la face d’un prêtre orthodoxe enlevé et décapité en Irak par ses ravisseurs qui exigeaient une rançon et une condamnation par la paroisse du prêtre des propos du pape à Ratisbonne (photos CNS/L’Osservatore Romano/Khaled al-Mousuly, Reuters).

La révélation du mystère suprême de Dieu en tant que relation d’amour entre Trois Personnes dont l’une, le Fils, s’est incarnée dans notre nature humaine, ne manquait pas de soulever bien des questions dans les générations qui ont suivi les Apôtres. Les controverses et les interprétations déviantes —notamment autour de la place occupée par Jésus dans le scénario trinitaire, les uns mettant l’emphase sur son humanité, d’autres, sur sa divinité—, n’ont pas manqué de se manifester.

Dans les contrées où le christianisme était implanté, des groupes de chrétiens se ralliaient autour de la position d’un évêque et formaient une communauté qui pouvait parfois dévier de l’enseignement de l’Église universelle. Finalement, le Concile de Nicée en l’an 325 tranchait la question et donnait une forme théologiquement articulée à ce volet de la prédication apostolique.

Mais avant que le flou théologique soit dissipé, une secte particulière, les Mariamites, s’est développée principalement en Afrique et au Moyen-Orient. Elle professait une doctrine syncrétiste qui assimilait la révélation chrétienne à la mythologie égyptienne. De sorte que le Dieu trinitaire était perçue sur le modèle de la trinité des dieux égyptiens, le couple Isis et Osiris et leur fils Horus. Ainsi, pour cette secte, la Trinité était constituée du Créateur de l’univers engendrant par la vierge de Nazareth, considérée comme une déesse, son fils Jésus, perçu comme un dieu humain associé au Dieu transcendant.

Qui est l’auteur?

Cette fausse conception de la Trinité apparaît on ne peut plus clairement dans les sourates citées ci-dessus. C’est un fait que Jésus n’a jamais dit: «Prenez-moi, ainsi que ma mère, pour deux divinités en dehors d’Allah.» C’est aussi un fait qu’aucun chrétien n’adhérerait à un tel crédo.

«Allah n’est qu’un Dieu unique. Il est trop glorieux pour avoir un enfant.» Tout à fait d’accord que Dieu n’a jamais eu un enfant séparément de Lui et par les moyens charnels propres aux humains! Ce n’est évidement pas ce que les chrétiens laissent entendre lorsqu’ils évoquent l’engendrement du Verbe divin dans l’éternité.

Une telle erreur, rejetée unanimement par tous les chrétiens, peut-elle être attribuée à Dieu? Clairement, ces sourates particulières ne peuvent pas avoir été dictées par l’archange Gabriel au nom d’Allah. Peut-être y en a-t-il sur le lot des sourates qui ont été effectivement inspirées mais sûrement pas celles-là. Car il serait aberrant de croire que Dieu ait voulu tromper sur son propre compte en dictant à Mahomet une conception hérétique en marge de la vraie foi.

Non! Ces sourates s’expliquent par un auteur mal informé qui ignore les définitions précisées près de trois siècles antérieurement à Nicée. On doit donc les mettre sur le compte de Mahomet ou, possiblement, l’un ou l’autre de ses disciples.

Que conclure?

Les chroniqueurs de l’islam affirment que Mahomet était illettré comme la plupart des hommes de son temps et lieu. Il ne savait ni lire ni écrire. Il n’a donc pu prendre connaissance du christianisme à partir des textes de l’Ancien et du Nouveau Testament.

Certains avancent qu’il aurait été instruit par un évêque d’une secte quelconque. S’agissait-il des Mariamites? Il semble qu’il n’y ait pas d’indices historiques autorisant quelque certitude que ce soit.

Ce que l’on sait à propos des antécédents de Mahomet, c’est que La Mecque où le prophète est né et a vécu était un carrefour caravanier où se côtoyaient diverses tribus arabes polythéistes ainsi que des monothéistes juifs et chrétiens.

Au début de sa mission, les sourates étaient récitées par cœur. Dans un deuxième temps, le prophète s’est adjoint des secrétaires qui les transcrivaient sur divers médiums de fortune, pierres, omoplates de chameau, papyrus, poterie, etc. Ce n’est que plusieurs décennies après la mort du prophète que ces fragments ont été rassemblés pour finalement obtenir, après être passés par plusieurs étapes de compilation, le Coran d’aujourd’hui.

On pourra mieux comprendre ce qui en est de ce «Livre sacré» en se penchant sur la vie du prophète de l’islam. Le périple biographique de Mahomet permet en effet de saisir les motivations profondes qui sous-tendent la religion qu’il a fondée. Une enquête que nous poursuivrons à une autre occasion.

Une réponse à 3-Méditation autour de l’islam

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