Recherche par date
avril 2024
D L M M J V S
 123456
78910111213
14151617181920
21222324252627
282930  
Archives
 ..à la Commission Bouchard-Taylor* 

Je me suis inscrit pour être entendu devant la Commission Bouchard-Taylor. Regrettablement, mon témoignage a été refusé en raison, m’a-t-on expliqué, du grand nombre d’intervenants. Les candidatures étaient pourtant ouvertes au moment où j’ai soumis ma demande aux sessions de Montréal à la fin de novembre. On ne peut toutefois en conclure que le rejet est dû à de la censure ou à de l’ostracisme contre tout point de vue qu’on aurait jugé trop favorable à la catholicité. Voici donc, entre nous, le témoignage que j’aurais voulu livrer devant le large public de la Commission sur les pratiques d’accommodements.

Je suis né à St-Bruno du Lac St-Jean. À 12 ans, mes parents ont émigré dans une province de l’ouest canadien. Je peux dire que je connais bien la situation des immigrants pour en avoir été un dans mon propre pays.

Adolescent, j’ai refusé consciemment de m’adapter à la culture anglophone. Elle ne répondait pas à mes aspirations. J’étais poète dans une langue qu’elle ne reconnaissait pas alors. Je suis le seul de ma famille à être revenu au Québec.

Mon refus de m’intégrer à la société albertaine m’a alors amené à me révolter contre l’Église. À 15 ans, je me voulais athée. Pendant de longues années, j’ai été plongé dans une épaisse noirceur intérieure. J’ai vécu sans feu ni lieu, en bohème existentialiste qui se trimbale d’un pays à l’autre pour mieux conclure à l’absurdité de l’existence, tout en vivant à fond la liberté illusoire que procure le rejet de toute contrainte morale et religieuse.

Et puis un jour, il s’est fait en moi un éclair qui a tout fait basculer. Je suis passé de l’athéisme à la foi, de la poursuite des fausses valeurs à la quête de la vérité, de l’absurdité de toutes choses à la connaissance universelle, d’une existence futile à une vie pleine de “bon sens”. En un instant j’ai transité du mépris de la religion à l’amour de l’Église.

Avant, je la voyais de l’extérieur au travers de ma culpabilité et je l’a­vais en horreur. Subitement, j’ai découvert de l’intérieur sa beauté. J’ai apprécié l’œuvre magnifique du Christ qu’elle est, sa mission de bénir et guérir l’âme humaine, son rôle d’éducatrice de l’humanité, le trésor de sagesse dont elle dispose gratuitement pour la libération de l’homme.

Du coup, j’ai retrouvé mes racines humaines. J’ai aimé mon peuple et l’aime encore mais je suis angoissé pour son devenir.

Vous allez peut-être vous demander pourquoi je raconte mon périple à votre Commission. C’est que je reconnais dans la vie publique de notre peuple la même noirceur qui a hanté ma jeunesse. Je vois mon peuple évoluer au bord du gouffre d’amertume dans lequel je me suis jadis enfoncé.

Peut-être que cela ne vous paraîtra pas évident, mais j’estime que nous touchons ici en profondeur au débat qui a cours. Nous avons besoin de faire ce débat parce que nous éprouvons de l’insécurité face à l’avenir. Notre identité comme peuple francophone d’Amérique nous semble fragile.

Mais notre inquiétude provient en bonne part du fait que nous avons oublié qui nous sommes en rejetant la foi qui nous fonde. La devise que nous mettons en pratique actuellement, ce n’est pas «Je me souviens» mais «Je ne me souviens plus».

Comme l’adolescent contestataire que j’ai été, notre société prétend faire son chemin d’avenir sans Dieu. Mais notre peuple devient infidèle à lui-même en mettant le Christ et son Église au rancart de sa vie publique.

Certes, historiquement, il était nécessaire de clarifier les rôles respectifs de l’Église et de l’État dans l’évolution de notre société. À cet égard, la “Révolution tranquille” a été utile. Elle a suscité certaines réalisations positives mais qui n’a­vaient toutefois pas besoin d’une profession de foi athée pour réussir.

En fait, la plupart de nos réussites ont été inspirées initialement par l’esprit religieux de nos pères. Mais on attribue injustement ces progrès à une laïcité intégriste, bientôt totalitaire, dont la propagande sert de paravent pour masquer les conséquences néfastes d’une apostasie collective, de plus en plus explicite, orchestrée par des médias soi-disant neutres et objectifs.

Mais l’heure présente est opportune pour faire la vérité. Notre déplorable vérité. Celle d’une société en décadence sur la route de tous les records négatifs de l’histoire. Nous emportons la palme des suicides, des divorces, des unions libres, des avortements, de la criminalité, des victimes de la drogue, des sans-abri.

N’est-il pas paradoxal de constater, dans une société qui promeut très justement l’égalité des sexes —une politique dont la racine remonte à l’enseignement de la Bible—, que la violence contre les femmes s’amplifient et que les injustices contre les hommes pris d’assaut par un féminisme excessif soient à la hausse? N’est-il pas inquiétant à l’extrême que dans une société d’abondance, une proportion croissante de nos enfants souffrent d’insécurité, tant psychologique que matérielle, et sont de plus en plus maltraités, victimes d’abuseurs —souvent leurs propres parents— qui ont éteint en eux la voix de la conscience morale et religieuse?

Ce sont là des conséquences, parmi tant d’autres, de l’égarement de notre collectivité. Notre peuple québécois tourne en rond dans un même sillon d’amoralité… en trouvant ça drôle. Il erre sans but “juste pour rire”. Il ne sait plus qui il est ni où il va. Il a beau se donner l’illusion de progresser, la vérité est qu’il se décompose. Au tournant de son histoire, il n’a pas su choisir de vivre, tiraillé qu’il demeure entre le oui et le non à lui-même.

Autour des travaux de votre Commission, notre peuple est à nouveau parvenu à la croisée d’un chemin déterminant à l’extrême. Avec ou sans Dieu? Voilà le fin fond du choix de l’heure.

S’il choisit Dieu, il n’y aura plus besoin de débat sur les accommodements à accorder à la religion sur la place publique. Car tous les humains savent s’accommoder de l’amour. L’amour qui respecte et vénère le prochain, l’amour qui sait reconnaître en tout être humain, de quelque pays, culture, civilisation ou religion qu’il soit, un frère à accueillir.

L’amour, c’est le cœur même de notre religion, c’est la racine de notre histoire, c’est la valeur suprême de notre identité. L’amour est convaincant. Il réunit ce qui est distinct. C’est la clef pour réussir l’intégration des immigrants.

S’il choisit au contraire de mettre Dieu à la porte de notre vie publique, s’il continue à mettre en place une laïcité athée qui opprime ce que notre peuple a de plus profondément humain en prétendant reléguer son incontournable dimension religieuse au domaine privé, alors il n’en finira plus de récolter les fruits de mort qu’il aura semés. En poursuivant la logique aveugle de son orientation délétère —qu’il qualifie de progrès et de modernité—, il court à la déstructuration sociale et marche à grands pas vers l’extinction de notre culture. Propulsé par une laïcité matérialiste, qui domine actuellement tant l’administration publique de notre province que les médias francophones, il “évoluera” de son anticléricalisme primaire actuel jusqu’à un totalitarisme politique qui passe par la persécution des “enfants” de Dieu.

J’exagère? Le mépris, la hargne, et même la haine qui ont déferlé sur la “belle province” à la suite des interventions de monsieur le cardinal Marc Ouellet donnent un avant-goût amer de ce qui s’en vient. Bien loin de se réconcilier avec l’Église —dont je suis en tant que croyant laïc et père de famille— les médias québécois ont profité de la demande de pardon du cardinal pour enfoncer davantage le clou des accusations non fondées, faisant de l’Église le bouc-émissaire de tous nos déboires historiques.

Mais en regard des crimes contre l’humanité perpétrés par la laïcité à la remorque de l’athéisme militant, les fautes de l’Église sont de la peccadille. L’histoire récente prouve dans les faits que cette idéologie ne demeure pas en reste dans l’organisation de tueries par millions. À combien pourrait-on chiffrer les victimes du nazisme? Le régime soviétique sous Staline a fait quelque vingt millions de morts. On estime entre 40 et 60 millions celle de la révolution chinoise, depuis Mao-Tsé-Tung jusqu’à la révolution culturelle. Sur une population de 8 millions, l’«humanisme» athée des Khmers rouges du Cambodge a fait massacrer plus de 3 millions de personnes, sélectionnées parmi les plus instruites du pays.

Les régimes athées, d’hier et d’aujourd’hui, oppriment unanimement la foi chrétienne qu’ils considèrent l’ennemi numéro un de leur hégémonie totalitaire. Au siècle dernier, il y a eu plus de victimes chrétiennes des persécutions que dans les 19 siècles précédents de l’histoire de l’Église.

L’on n’est peut-être pas aussi loin que l’on serait porté à croire de faire partie du club des nations qui emprisonnent, torturent et mettent les chrétiens à mort. Dans notre Québec chéri, à en juger d’après le climat actuel autour des leaders catholiques et des laïques qui osent se dire fidèles à l’enseignement de l’Église, on peut estimer que l’on est déjà entré dans cette néfaste mouvance.

Tout comme la Rome antique, notre société réclame haut et fort “du pain et des jeux” cependant que dans l’arène publique, les nouveaux lions et bêtes féroces de tous acabits, qui trônent dans leurs imprenables forteresses médiatiques, déchirent des frères humains dont la seule faute est d’aimer Dieu et le prochain.

* Article paru dans Le NIC, 30 décembre 2007

 

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *