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…autour de l’«Intelligent Design»

Dans l’Église catholique, l’hypothèse de l’évolution biologique n’a pas eu un impact comparable à celui qui a percuté les sectes fondamentalistes aux États-Unis. Elle n’a pas généralement été ressentie comme une attaque contre la foi, même si elle semblait, à vue superficielle, entrer en conflit avec la lettre de la Genèse. C’est en bonne partie parce que l’Église interprète correctement la Bible et dispose, contrairement aux sectes évangéliques, d’autres moyens pour cerner les vérités essentielles de la foi: une Tradition remontant aux Apôtres, une autorité centrale au service de l’unité, un enseignement magistériel pouvant redéfinir le dogme face aux nouveaux contextes rencontrés incessamment par ­l’humanité, une doctrine rationnellement articulée et des sacrements générateurs de vie spirituelle.

«Quiconque, contemplant l’Univers, ne ressent pas un immense émerveillement et ne conclut pas qu’existe un Être suprême n’est pas digne d’être considéré humain» —Albert Einstein.

D’autre part, l’Église a reçu de son Fondateur la mission d’accompagner l’humanité dans sa marche. En enseignant «dans le monde entier» la vérité du salut «à toute la création» (Mc 16.15), elle devient maîtresse de civilisation et de culture.

Au cours de son périple dans le temps, l’Église se doit donc d’être à l’écoute d’une humanité en quête de sens. Pour être fidèle à sa vocation, elle doit répondre aux questions inédites qui surgissent des progrès de la civilisation. Car si elle a comme priorité de tracer les voies du salut, elle a aussi toute la compétence requise pour indiquer les routes d’évitement des obstacles dressés sur le parcours de la démarche à tâtons du genre humain.

En accompagnant l’humanité sur la route évolutive vers l’épanouissement, l’Église progresse elle-même. De siècle en siècle, elle parvient ainsi à projeter la vérité révélée, qu’elle porte précieusement comme un trésor, dans une lumière nouvelle.

Ici, la situation s’inverse. Si bien que la grande éducatrice de l’humanité doit se laisser éduquer à son tour. Ce qu’elle reçoit du monde ne constitue pas une trahison de la vérité qu’elle enseigne mais lui occasionne de cheminer vers une plus grande clarté, vers une luminosité croissante et constitue une épuration, un détachement dans la montée de l’homme vers Dieu. Le monde est pour elle comme la meule du joaillier qui débarrasse le diamant de sa gangue en taillant ses multiples facettes afin qu’il puisse briller de tous ses feux.

Difficile apprentissage

La réception littérale de la Bible est l’une de ces scories qui recouvre le joyau de la Parole de Dieu et en cache l’éblouissante lumière spirituelle. En s’attachant à la lettre plutôt qu’à l’esprit, les fondamentalistes croient défendre la vérité de l’Écriture. En fait, ils résistent au retranchement de sa gangue. Ils empêchent ainsi l’Esprit de faire jaillir tout l’éclat de son véritable sens.

Dans son encyclique «Humani Generis», le pape Pie XII affirme que «le magistère de l’Eglise n’interdit pas» l’hypothèse de l’évolution «dans la mesure où elle recherche l’origine du corps humain à partir d’une matière déjà existante et vivante.

Au cours des siècles, l’Église a dû apprendre à distinguer entre la Parole divine et la lettre de la Bible, entre la lumière céleste de l’Esprit et les obscures apparences terres­tres de la lettre. Elle a mis du temps à comprendre que «la lettre tue, l’Esprit vivifie» (2 Co 3, 6). Ce qui n’a pas toujours été facile. Il a fallut qu’elle se trompe d’abord avant de faire la différence.

Un événement particulier a occasionné la perte d’un joli morceau de l’opaque enrobage biblique. Galilée a été le ciseau qui a fait tomber éventuellement tout un pan de littéralisme.

Sur le coup, toutefois, le Saint-Office l’a condamné au nom de l’Écriture. Pour s’éviter le bûcher de l’Inquisition, l’homme de science a dû se rétracter de la connaissance scientifique que la terre tourne autour du soleil et non l’inverse.

Galilée (1564-1642) a été contraint par le tribunal de l’Inquisition de nier que la terre tournait sur elle-même et autour du soleil. «Et pourtant, elle tourne», a-t-il déclaré après avoir abjuré.

Galilée (1564-1642) a été contraint par le tribunal de l’Inquisition de nier que la terre tournait sur elle-même et autour du soleil. «Et pourtant, elle tourne», a-t-il déclaré après avoir abjuré.

Le croyant qu’était cet homme de science a eu beau invoquer pour sa défense que Dieu avait écrit deux livres dont la vérité ne pouvait se contredire: la Bible et la nature. Si les connaissances spirituelles contenues dans l’Écriture sont inspirées par le Saint-Esprit, a-t-il laissé entendre, les connaissances de la nature, elles, sont acquises par l’initiative de l’homme en recherche de vérité scientifique. Un raisonnement qui l’amenait à formuler la célèbre injonction adressée à ses juges ecclésiastiques: «Contentez-vous de nous dire comment on va au Ciel, et laissez-nous le soin de dire comment va le ciel».
Voilà qui définit clairement les compétences. Mais il a fallut encore quelques siècles à l’Église pour reconnaître, sous le règne de Jean-Paul II (1992), que Galilée avait raison.

La position actuelle

Le chanoine Nicolas Copernic (1473-1543), un astronome pol­­onais, a publié, quel­ques jours avant sa mort, par crainte de la réaction ecclésiastique, un livre démontrant la rotation de la terre et des planètes autour du soleil. Cette thèse heurtait de front les conceptions du temps fondées sur le système cosmologique de Ptolémée, un mathématicien de la Grèce an­tique. Comme Copernic l’avait pressenti, ses idées é­taient con­damnées par Paul V en 1616 au nom de l’Écriture.

Tout de même, échaudée par cette déplorable gaffe historique, l’Église s’est bien gardée de rééditer la même erreur avec Charles Darwin. On peut éprouver de la reconnaissance envers elle pour son prudent silence de plusieurs décennies, en dépit des fortes pressions traditionalistes en son sein visant à faire condamner la théorie du naturaliste anglais, d’autant plus qu’il ne démontrait pas la même ferveur religieuse que son homologue italien.

Au début de l’époque moderne, l’Église a commencé à mieux comprendre l’Écriture. Le développement de l’exégèse, particulièrement dans les milieux protestants, n’a pas été étranger à ce progrès. Ce qui a eu pour résultat qu’elle n’a pas perçu de conflit entre la théorie de l’évolution et le dogme de la création.

Dans son encyclique «Humani Generis», Pie XII affirmait n’y voir aucune contradiction à la condition que la théorie se limite à expliquer les origines du corps humain, restant sauve la création de l’âme directement par Dieu.

Jean-Paul II quant à lui a déclaré, lors de son discours à l’Académie pontificale des sciences du 22 octobre 1996, que la théorie de l’évolution était «plus qu’une hypothèse», laissant entendre par là qu’elle était corroborée parallèlement par plusieurs disciplines scientifiques. «La convergence nullement recherchée, ou provoquée, des résultats de travaux menés indépendamment les uns des autres, constitue par elle-même un argument significatif en faveur de cette théorie.»

L’évolution, ainsi reconnue comme un fait scientifiquement établi, peut toutefois être interprétée de différentes façons, a-t-il ensuite nuancé. Il est inévitable que certains présupposés philosophiques sous-tendent diverses interprétations. On peut, par exemple, en faire une lecture matérialiste, réductionniste ou spiritualiste.

Et c’est ici que la conception chrétienne de l’évolution se démarque clairement d’une interprétation agnostique ou athée. «Les théories de l’évolution qui, en fonction des philosophies qui les inspirent, considèrent l’esprit comme émergeant des forces de la matière vivante ou comme un simple épiphénomène de cette matière sont incompatibles avec la vérité de l’homme. Elles sont d’ailleurs incapables de fonder la dignité de la personne.»

Et voilà! Tout est dit. En bref, on peut affirmer sans le moindre doute qu’il n’y a pas de problème pour la foi avec le fait de l’évolution en lui-même mais il peut y en avoir avec certaines interprétations du phénomène.

Ce qui n’exclut pas qu’il puisse y avoir certaines difficultés entre le donné objectif et quelques doctrines particulières de l’Église. J’estime pour ma part que la problématique religieuse majeure et décisive sur le chantier de la recherche touche à la compatibilité entre l’hypothèse scientifique et le dogme de la chute originelle. Comment situer cette doctrine dans le cadre des débuts de l’espèce humaine dont les prémices remontent aussi loin qu’à plus ou moins 4 millions d’années?

C’est à cette conciliation —d’une importance capitale pour la crédibilité du christianisme— que j’ai consacré la troisième partie de mon ouvrage L’évolution de l’Alpha à l’Oméga. Je crois être parvenu, avec l’aide de l’Esprit, à une synthèse permettant de rendre compte pleinement de la mise en oeuvre d’une création qui se détache d’abord de son Créateur pour mieux revenir à Lui par la suite, enrichie et ennoblie par l’exercice de la liberté.

L’origine de l’ID

Sur l’arrière fond de la position catholique en regard de l’évolution, on peut maintenant évaluer “intelligemment” l’«Intelligent Design» (ID). Les adversaires de l’ID, pour la plupart, l’associent sans nuances au créationnisme. Une étiquette peu flatteuse et très commode. Elle jette d’emblée le discrédit sur la théorie. Ce qui permet de faire l’économie d’une discussion de fond autour de ses avancées.

Il est vrai, cependant, que le mouvement créationniste aux États-Unis a sauté à pieds joints sur ce nouveau concept pour réclamer en vain qu’il soit enseigné comme alternative au darwinisme dans les classes de science. Il reste que l’ID a été élaboré dans les milieux scientifiques universitaires, et non par des fondamentalistes qui ne démordent pas de la lettre biblique. Ses théoriciens les plus éminents sont deux scientifiques de haut calibre.

Michael Behe, un catholique d’origine néo-zélandaise, est biochimiste, professeur à l’université Lehigh en Pennsylvanie. Il a écrit plusieurs livres et articles. Son principal ouvrage dans lequel il développe la théorie de l’ID s’intitule: «Darwin’s Black Box: The Biochemical Challenge to Evolution» (La boîte noire de Darwin, le défi biochimique à l’évolution).

William Dembski, mathématicien, philosophe et théologien protestant, estime que sa théorie de l’information démontre l’in­exactitude de l’explication de l’évolution par les mutations génétiques aléatoires.

William Dembski, un protestant américain, détient deux doctorats —en mathématiques et en philosophie— et une maîtrise en théologie. Il est aussi l’auteur de plusieurs livres, dont «Intelligent Design: the Bridge Between Science and Theology» (l’“Intelligent Design”: un pont entre la science et la théologie). Il est le fondateur de l’«International Society for Complexity, Information and Design» (Société internationale pour la complexité, l’information et le design) qui publie une revue académique et organise régulièrement des colloques scientifiques.

D’autres hommes de science de renom international s’identifient à l’ID. Entre autres, Fritz Schaefer a publié pas moins de 900 articles et livres sur la “chimie quantique” et a été cinq fois sur la liste des possibles récipiendaires du Prix Nobel.

Le site internet du «Discovery Institute», à l’adresse http://www.dissentfromdarwin.org/, expose une liste de 514 scientifiques, dont des membres prestigieux d’Académies des sciences de divers pays. Les signataires y expriment leur scepticisme quant à la capacité de la théorie néo-darwinienne d’expliquer la complexité de la vie par les mutations et la sélection naturelle.

Certes, ces scientifi­ques n’entérinent pas explicitement l’ID. Mais le fait qu’ils aient signé une telle déclaration indique qu’ils sont réceptifs à la critique du darwinisme que la nouvelle théorie constitue.

La théorie de l’ID

D’après les théoriciens de l’ID, l’étude des fossiles démontrerait l’existence de soudaines explosions de complexité que ni la sélection naturelle ni les mutations aléatoires permettent d’expliquer. Pour le biochimiste Michaël Behe, par exemple, la cellule vivante est trop complexe et perfectionnée pour être le fruit du hasard. «Combien d’évolutionnistes accepteraient l’idée que des changements aléatoires dans un programme informatique puissent produire une version améliorée», demande-t-il?

Michael Behe est professeur de biologie moléculaire à l’université de Lehigh (USA). Le bio-chimiste sou­tient que la théorie de Darwin ne permet pas d’expliquer la complexité des cellules vivantes.

Dans son livre, Behe donne trois exemples de systèmes d’une «complexité irréductible» qui infirment selon lui la thèse de Darwin. Il s’agit du flagelle utilisé par des bactéries pour se propulser (qu’il compare à un moteur constitué de multiples pièces), du système immunitaire et du système de coagulation sanguine.
Son argumentation s’appuie sur le fait que chaque élément archi-complexe de ces structures est absolument essentiel et doit être présent très précisément à sa place pour jouer son rôle dans l’ensemble, tout comme l’automobile a besoin de toutes ses pièces à la bonne place pour être mise en marche. Avant de pouvoir fonctionner, elle a dû d’abord être conçue dans l’esprit de l’inventeur, puis dessinée par un ingénieur. À partir de ces maquettes, on pourra ensuite fabriquer séparément chacune des pièces qui devront être rassemblées sans erreurs à leur place sur la chaîne de montage.

Or, la biochimie cellulaire est de nature astronomiquement plus sophistiquée encore que la machine la plus complexe inventée par l’homme, soutient le biochimiste. Behe en induit que la cellule ne pourrait exister sans l’intervention d’un designer intelligent. Il se garde bien, toutefois, de décrire cette puissance invisible qu’il suppose derrière les structures biologiques ni d’expliquer par quel processus elle peut agir sur elles.

Behe ne nomme pas Dieu, ni Dembski d’ailleurs, l’autre grand manitou de l’ID. La démarche de ce dernier s’appuie sur une théorie de l’information qui démontre par les mathématiques que des facteurs aléatoires de mutation ne peuvent rendre compte de structures aussi complexes que les cellules et les protéines parfaitement complémentaires qui en­trent dans leur formation.

Intelligence transcendante

On peut se demander pourquoi l’observation d’un “facteur intelligent” derrière les réalités vivantes suscite un débat aussi virulent dans les milieux scientifiques et médiatiques. On stigmatise l’ID avec malveillance a priori. Au point même, par exemple, que le directeur de l’Observatoire du Vatican —un religieux qui devrait au contraire apprécier l’échappée de l’ID du matérialisme dogmatique de la communauté scientifique— l’a qualifié de «concept absurde» (1).

Plusieurs autres scientifiques, je dirai même la majorité des grands cerveaux, ont reconnu, avant les théoriciens de l’ID, que l’univers, tant la matière que les organismes vivants, manifeste un pouvoir organisateur d’une intelligence incomparablement supérieure, sans cependant identifier explicitement cet “agent transcendant” au Dieu de la Bible. Le plus célèbre génie de la science moderne, Albert Einstein, était de ceux qui ont une intuition très forte du grand mystère de l’intelligibilité de l’univers et qui s’est étonné du fait que les paramètres universels puissent être traduits dans le langage pur des mathématiques.

Bien qu’il se voulait agnostique au début de sa carrière, Einstein rapportait cette intelligibilité à une Intelligence suprême. Dans «The World As I See It», il a fait une sorte d’acte de foi, en parlant des dispositions du savant dans sa recherche de la vérité. «Son sentiment religieux prend la forme d’un émerveillement extatique devant l’harmonie de la loi naturelle, qui révèle une intelligence d’une supériorité telle que, par comparaison, toute la pensée systématique et l’action des êtres humains sont un reflet absolument insignifiant.»

Bien plus, il ferait aujourd’hui pâlir les critiques de l’ID avec cette affirmation péremptoire que je cite de mémoire: «Quiconque, contemplant l’Univers, ne ressent pas un immense émerveillement et ne conclut pas qu’existe un Être suprême n’est pas digne d’être considéré humain».

Dans sa lettre à Solovine, écrite le 30 mars 1952, il précise encore: «Je considère l’intelligibilité du monde comme un miracle ou comme un incompréhensible mystère».

Un autre savant, Francis Crick, récipiendaire d’un prix Nobel pour sa découverte de l’ADN, n’hésite pas, lui non plus, à parler de «miracle». Un mot pour le moins inattendu dans la bouche d’un scientifique, anti-religieux par surcroît, qui voyait dans sa découverte une preuve de l’inexistence de l’âme.

«Un honnête homme armé de tout le savoir à notre portée aujourd’hui se devrait d’affirmer que l’origine de la vie paraît actuellement tenir du miracle, tant il y a de conditions à réunir pour la mettre en oeuvre.»

Problème philosophique

Faudrait-il alors en conclure que ces scientifiques ont été des adeptes de l’ID avant la lettre? Ils admiraient simplement les époustouflantes et innombrables merveilles de la création qu’ils ont pu découvrir en ouvrant tout grands les yeux sur la réalité!

Mais ce qui rebute les ténors de la communauté scientifique, c’est le fait qu’un «agent intelligent» pressenti derrière l’élaboration des structures vivantes torpille les dogmes darwiniens. Depuis l’avènement du naturaliste anglais, en effet, la sélection naturelle et les mutations aléatoires ont été considérées comme des paramètres suffisants pour expliquer une évolution sans intention, sans direction, sans design, un pur produit du hasard et de la nécessité. Une évolution, donc, qui s’explique par elle-même sans qu’il soit nécessaire de recourir à l’instigation de quelque Créateur que ce soit.

Voilà précisément où le bat blesse. Les néo-darwinistes accusent les “IDistes” d’être motivés dans leur recherche par le présupposé non scientifique de l’existence de Dieu. Mais les “IDistes” peuvent rétorquer à leur tour que les néo-darwinistes partent du présupposé non scientifique contraire, celui de l’athéisme.

Quand on descend jusqu’au fin fond du débat, on peut se rendre compte que les deux camps se chicanent autour d’une question à laquelle ils ont répondu en optant dans un sens ou l’autre préalablement à toute discussion sur le donné scientifique. Les “IDistes” interprètent les faits observés objectivement en postulant qu’un Agent intelligent en serait la Cause. Les néo-darwinistes interprètent que l’évolution est le fruit du hasard et de la nécessité et refusent qu’elle soit orientée dans une direction quelconque à la poursuite d’un objectif. Car admettre un sens à l’évolution équivaudrait à y reconnaître le projet d’une Puissance transcendant la matière.

Les deux positions ne sont donc pas scientifiques. Aucune ne peut être vérifiée objectivement selon les critères de l’expérimentation scientifique. Elles résultent d’une évaluation subjective des faits. La question à laquelle elles répondent implicitement relève d’une réflexion sur l’existence on non de Dieu.

Ce qui ne veut pas dire que de tels présupposés soient illégitimes. Il faut admettre et comprendre qu’ils sont extra scientifiques et relèvent d’un questionnement philosophique. Ils ne doivent donc pas être évalués à leur mérite par les sciences mais par une théorie de la connaissance.

Lorsque Einstein invoque l’existence d’un Être suprême pour rendre compte de l’univers, ce n’est pas en tant que théoricien de la relativité qu’il le fait mais en tant que philosophe. Il tire de l’observation objective une interprétation subjective de la réalité par laquelle il peut se comprendre lui-même en tant qu’être humain et orienter sa démarche personnelle dans l’existence. Sa conclusion est une connaissance qui peut inspirer son comportement au plan moral et religieux —ce qui est d’une importance capitale pour comprendre la destinée humaine— mais ne fait pas avancer d’un iota la connaissance scientifique de l’univers.

Les objections contre l’ID

On peut donc critiquer l’ID en regard de la conclusion philosophique, invérifiable par la méthode scientifique, qu’il tire de l’observation objective. Mais ce ne devrait pas être sans souligner que les néo-darwinistes font la même chose en postulant une évolution dépourvue de sens à la merci du hasard, un a priori philosophique indémontrable qui ne contribue non plus en rien à l’acquisition de la connaissance objective.

Pour ma part, je reprocherais aux théoriciens de l’ID de ne pas toujours clairement faire la distinction entre le fait établi de l’évolution et l’interprétation qu’en font les disciples de Darwin. Ce manque de précision, évident dans le titre de l’ouvrage de Michael Behe, donne l’impression que leur réfutation du darwinisme constitue une infirmation de l’évolution en elle-même, alors qu’en fait, la plupart d’entre eux l’admettent au départ.

Cette confusion est d’autre part renforcée par une approche négative de la question. L’ID conteste les paramètres du darwinisme en exploitant les insuffisances et les trous de la théorie sans cependant déblayer de nouvelles pistes pour rendre compte plus adéquatement de l’évolution. Il met le doigt sur des réalités biologiques que le darwinisme ne peut pas expliquer mais sans proposer une interprétation permettant de mieux comprendre l’évolution de manière à faire avancer la recherche.

En regard de la méthode scientifique, l’hypothèse de l’Agent intelligent transcendant la matière pour expliquer la complexité de la vie est peut-être subjectivement réconfortante mais ne veut strictement rien dire pour les sciences positives. Elle ne contribue en rien à résoudre scientifiquement l’énigme du vivant.

La solution

Pour lever décisivement le voile sur le merveilleux développement évolutif des organismes vivants sur la terre, je suis persuadé qu’on doit l’aborder par le biais de la philosophie plutôt que celui des sciences. Car une résolution du mystère de la vie ne peut être trouvée sans le secours d’une épistémologie (théorie de la connaissance) qui sache tant préciser les frontières des connaissances scientifiques concernées par la matière que des connaissances religieuses orientées vers l’irréductible et mystérieuse substance vivante —ce concept développé dans mon ouvrage— parallèle à la matière.

Puis-je me réjouir avec toi, cher lecteur, de m’être consacré à ce redoutable défi en dépit de mes incontournables limites? Car je crois bien avoir réussi, avec l’aide de Dieu, à produire les prémices d’une vision capable de révolutionner la pensée humaine pour l’abordage décisif de la vérité universelle.

Article publié dans Le NIC, 9 juillet 2006.

 

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