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Le sujet est dans l’air. Des livres sont écrits, des articles publiés, des conférences organisées, des érudits interpellés… et même le pape consulté. On cherche à concilier foi et science. Derrière cette démarche se profile une certaine inquiétude dans le peuple de Dieu. La révélation chrétienne survivra-t-elle aux “révélations” scientifiques de notre époque? À l’avant-scène du questionnement: l’évolution versus la création. Aux États-Unis, il suscite depuis des décennies un mouvement de controverse. Des groupes de chrétiens fondamentalistes militent contre l’enseignement de la théorie scientifique. Elle contredirait selon eux le récit de la création de la Bible.

La galaxie M101, qui est deux fois plus vaste que notre Voie lactée et comprend des milliards d’étoiles, n’est qu’un objet astronomique parmi des millards d’autres galaxies de l’incommensurable espace cosmique (photo NASA).

Plus récemment, le débat s’est cristallisé autour d’un nouveau concept. On voudrait que l’«intelligent design» soit présenté dans les écoles au même titre que l’évolution. La théorie vise à démontrer que la complexité des structures biologiques ne peut s’expliquer par une évolution due au hasard. Sans nommer Dieu explicitement, l’hypothèse implique plutôt qu’un “Designer” transcendant les aurait planifiées.

Les évolutionnistes voient dans cette théorie qu’ils qualifient de pseudo scientifique une tentative de réintroduction du créationnisme. Et ils s’objectent, en vertu du principe de séparation de l’Église et de l’État, à ce qu’elle soit enseignée dans les écoles.

En Pensylvanie, un groupe de parents ont intenté une poursuite en cour fédérale con­tre une école locale mandatée par le district scolaire pour enseigner dans les classes de science l’«intelligent design» parallèlement à la théorie de l’évolution de Darwin. La poursuite accuse le conseil scolaire d’imposer une vue religieuse inconstitutionnelle aux étudiants de l’école publique.

Ce cas n’est pas unique. Au moins 19 autres États considèrent actuellement la possibilité de proposer l’alternative de l’«intelligent design» à l’enseignement de l’évolution dans les écoles.

Faux problème

Pour «La Civilita Cattolica», un magazine italien publié par les Jésuites dont le contenu est révisé par le Vatican avant publication, la controverse est un faux problème. Bien compris, la Bible et l’évolution sont parfaitement compatibles, estime-t-il.

Utiliser des arguments religieux con­tre l’évolution démontre une ignorance de la nature de la Bible, soutient le magazine prestigieux. D’un autre côté, poursuit-il, la science ne peut prétendre exclure radicalement le rôle de la divinité derrière la création de l’univers et de l’homme.

En réponse à la question —Y a-t-il réellement une opposition entre la théorie largement acceptée de l’évolution et le récit de la création de l’Écriture?—, le magazine répond catégoriquement non!

La raison en est «que la Bible est un livre qui ne vise pas à donner un enseignement scientifique mais un enseignement religieux. En d’autre mots, elle n’enseigne pas comment l’homme est apparu historiquement.» Plutôt, elle révèle qui est l’homme en relation à Dieu et au monde, sa condition spirituelle et son destin.

L’article précise que lorsqu’il est question de la création, les scientifiques et les croyants devraient être attentifs à ne pas empiéter sur les compétences de l’autre. Les scientifiques ne doivent pas exclure Dieu comme Cause première de la création et, plus spécifiquement, de l’homme. Quand l’évolution est présentée correctement, ajoute la revue, elle ne contredit pas l’Écriture.

«Il y a deux visions sur l’origine de ­l’homme qui non seulement ne se contredisent pas mais se complètent mutuellement à la condition que le scientifique n’exclut pas l’intervention de Dieu dans la formation de l’homme et que le croyant ne cherche pas dans la science une confirmation du compte-rendu biblique.»

Un avis de Rome

Même son de cloche chez le cardinal Paul Poupard, président du Conseil pontifical pour la culture. Le prélat français explique que le débat sur l’origine de l’univers est un sujet parmi d’autres qui réclame, tant de la part des scientifiques que des croyants, une clarification des termes et la reconnaissance des limites des disciplines de chacun.

Ce point de vue était émis en conférence de presse autour d’un congrès international parrainé par le Vatican. Du 9 au 11 novembre 2005, scientifiques, mathématiciens philosophes et théologiens se sont ras­sem­blés sous le thème: Science, technologie et la quête ontologique.

«Les croyants ont l’obligation d’être attentifs à ce que la science séculière moderne peut offrir, a argué le cardinal coordonnateur de l’événement, tout comme nous demandons que la sagesse de la foi soit prise en considération (par les scientifiques) comme une voix experte en humanité.»

Les gens qui soutiennent le «créationisme» comme la seule explication chrétienne acceptable sur l’origine du monde, a-t-il dit, «prennent une chose qui n’a jamais eu l’intention d’être une explication scientifique et appellent cela de la science». Le récit de la création dans le livre de la Genèse, a-t-il enchaîné, a été écrit «pour expliquer que le monde a été créé par Dieu et non comment il a été créé».

Un théologien ne peut prétendre utiliser la Bible comme une preuve irréfutable du processus scientifique de la création de l’univers pas plus qu’un scientifique peut utiliser la biologie ou la physique comme preuve irréfutable que Dieu ne serait pas impliqué dans ce processus, a conclut le préfet du dicastère romain.

Une note transcendante

Benoît XVI était entraîné malgré lui dans le débat, semble-t-il. Lors de l’audience générale du 9 novembre, au cours de laquelle il improvisait une méditation sur le psaume 136, il a parlé du don d’amour du «Verbe créateur» qui a créé «ce projet intelligent» du cosmos.

Il n’en fallait pas plus pour que certains interprètent ces mots comme une prise de position favorable à «l’intelligent design», sujet de la controverse américaine. Ce que certaines instances vaticanes s’empressaient aussitôt de nier. Le pape venait de citer saint Basile le Grand, expliquent-ils. Au IVe siècle, le théologien mettait en garde contre des gens qui, «trompés par l’athéisme…, imaginent un univers sans direction ni ordre, à la merci du hasard».

Une parole que le pape a estimée d’une «surprenante pertinence» pour aujourd’hui. Par les Écritures, a-t-il poursuivi, «le Seigneur réveille la raison qui sommeille et nous dit qu’au commencement, il y a le Verbe créateur, la raison créatrice qui a créé toutes choses, qui a créé ce projet intelligent».

Le pape a continué son discours improvisé en disant qu’il est important de reconnaître que «le cosmos est aussi amour» et que le monde créé est un lieu où l’on peut trouver des signes visibles de la charité divine.

«Les signes de l’amour de Dieu peuvent être vus dans les merveilles de la création et dans les grands dons qu’Il a donnés à son peuple.» La présence de Dieu dans la création, a ajouté le pape, constitue «une révélation cosmique» accessible à tous. Pour y accéder, toutefois, il faut «des yeux clairs» formés par la prière.

En conclusion de sa méditation sur le psaume 136, il a encore souligné que no­tre Dieu «n’est pas un Dieu froid et distant» mais un Dieu «qui aime ses créatures et souffre lorsqu’elles lui sont infidèles, lorsqu’elles rejettent son affection paternelle et miséricordieuse».

L’approche chrétienne

Quelques jours plus tard, Benoît XVI, complétait son approche de la question à l’occasion d’une visite, le 25 novembre, à l’Université catholique du Sacré-Cœur à Rome. Selon lui, l’université catholique doit être «un grand laboratoire dans lequel sont élaborés des parcours de recherche constamment nouveaux, selon les différentes disciplines, dans une confrontation stimulante entre foi et raison».

Pour le « Vicaire du Christ », le grand défi d’aujourd’hui tient dans la nécessité «de développer les sciences dans le cadre d’une rationalité différente de celle qui domine largement aujourd’hui, selon une raison ouverte à la transcendance». Le pape croit que le chrétien peut relever ce défi car «le Logos divin est à l’origine de l’univers et en Jésus-Christ, il s’est uni une fois pour toutes à l’humanité, au monde et à l’histoire. À la lumière de cette vérité capitale de foi et en même temps de raison, il est à nouveau possible, au XXIe siècle, de conjuguer foi et science.»

Et il s’exclamait pour conclure: «N’est-ce pas une aventure enthousiasmante?»

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