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Dans notre «belle province» jadis si fervente, les catastrophes sont pratiquement les seules occasions où Dieu surgit inopinément dans les médias d’information. Le mot Dieu est devenu en effet tabou pour toutes ces personnes sérieuses qui font la Une de l’actualité. Mais surviennent des désastres et s’abattent des malheurs que vite, on Le sort de l’anonymat dans lequel on L’avait cantonné pour poser des questions. «Si Dieu existe, pourquoi permet-il les désastres qui font tant de morts et de dégâts?» Et il se trouve inévitablement des chrétiens —peut-être frustrés de n’avoir pu imposer leurs idées depuis des lustres— pour répondre que c’est une punition pour les péchés et un avertissement au monde de l’imminence du Jugement dernier.

Des moines bouddhistes prient pour les victimes du tsunami. Le dialogue interreligieux représente une alternative pacificatrice au sécularisme et au fondamentalisme, a écrit un porte-parole du Vatican dans un message adressé à tous les bouddhistes du monde (photo CNS/Danish Siddiqui, Reuters).Dieu aurait donc voulu le tsunami qui a ravagé les pays du Sud-Est asiatique et fait plus de 150 000 morts au lendemain de la fête de Noël? Et comment un Dieu bon pourrait-il ê­tre la cause des incalculables souffrances qui frappent ces autres victimes innocentes que sont les survivants? Les enfants surtout! Si c’est ainsi qu’Il exerce Sa toute-puissance, n’a-t-on pas raison de se révolter contre Lui?

Réactions «chrétiennes»

Dans les médias du monde entier et sur les sites internet, journalistes et théologiens débattent de la question. Cependant que, dans les conversations privées, monsieur et madame tout le monde mettent en doute l’existence de Dieu.

L’archevêque de Canterbury, Rowan Williams, a créé une controverse internationale en publiant un billet dans lequel il soutient qu’un tel événement perturbe une foi enveloppée dans la ouate du confort et des réponses toutes faites. «Devant l’ampleur paralysante d’un tel désastre, on se sent profondément outragé et en même temps profondément impuissant. La question “Comment pouvez-vous croire en un Dieu qui permet la souffrance sur une telle échelle?” est conséquemment très présente en ce moment. Il serait surprenant qu’elle ne le soit pas —et même, ce serait mal qu’elle ne le soit pas», a-t-il écrit dans le journal britannique «Sunday Telegraph».

Le président du Séminaire de théologie baptiste, le révérend Albert Mohler, a stigmatisé le commentaire du chef de l’Église anglicane en disant qu’il constituait une excellente recette pour savoir «comment ne pas donner une réponse chrétienne» à un événement comme celui-là. Et il s’est dit d’accord avec ceux qui voyait le désastre naturel comme un avertissement de la proximité du jugement de Dieu.

Une opinion qui rejoint celle du très catholique Mgr Aleixo das Neves Dias de Port Blair, Inde, rapportée par différentes sources internationales. «Je crois que le tsunami est un avertissement de Dieu pour nous faire réfléchir profondément sur la manière dont nous conduisons nos vies».

Réactions non chrétiennes

Mais il n’y a pas que les chrétiens qui relient l’événement tragique à un acte de volonté explicite de Dieu. Des leaders religieux provenant d’horizons théologiques étrangers au christianisme abondent aussi dans ce sens.
Le grand rabbin d’Israël, Shlomo Amar, a déclaré à l’agence Reuters que «ces tsumanis sont une expression de la colère de Dieu face à l’état actuel du monde». Le pandit Harikrishna Shas­­tri, un prêtre hindouiste de Nouvelle Delhi, a pour sa part soutenu que le raz-de-marée était une réponse «au mal perpétré par l’être humain sur terre». Du côté musulman, Azizan Abdul Razak, un leader de l’opposition islamique en Malaisie, rappelle que «Dieu a créé le monde et qu’Il peut aussi le détruire».

Chez nous, de bons chrétiens vont jusqu’à prétendre que Dieu aurait voulu punir particulièrement les musulmans en raison du terrorisme que cette religion encouragerait. Ce que les évidences démentent puisque le tsunami a fait des victimes chez les hindouistes et catholiques de l’Inde, les musulmans de Malaisie et les bouddhistes de la Thaïlande, sans compter les touristes juifs et chrétiens présents dans les divers pays éprouvés.

L’autre côté de la médaille

Le cardinal Jean-Claude Turcotte, quant à lui, refuse ces interprétations apocalyptiques. Dans un article du Devoir signé par Antoine Robitaille, notre prélat rejette catégoriquement toutes notions d’un Dieu vengeur ainsi que la conception d’un Être Suprême marionnettiste qui tirerait les ficelles des événements pour réprouver les humains. Et il ajoute que les gens ne devraient pas prier pour une guérison magique ou une intervention surnaturelle mais pour obtenir la force et le courage de passer au travers d’une épreuve ou d’un danger à la manière de Jésus.

Une position qui s’harmonise avec celle du père Richard Côté, secrétaire du département de théologie de la CÉCC. Dans une interview datée du 5 janvier, l’Oblat parle d’«une profonde connivence entre les bonnes et les mauvaises nouvelles». S’il n’y avait pas eu la mauvaise nouvelle de l’humanité déchue, a-t-il soutenu en substance, il n’aurait pas été nécessaire que le Fils de Dieu s’incarne pour nous apporter la bonne nouvelle du salut.

Même son de cloche de la part du controversé évêque de Calgary, Mgr Frederick Henry. «La crèche et la croix font partie du même mystère de l’Incarnation, et il n’y a vraiment pas beaucoup de distance entre Bethléhem et le Calvaire», a-t-il réa­gi dans le cadre d’une entrevue internet accordée au «Catholic News Service». «Quant à savoir pourquoi une telle chose arrive, a-t-il conclu, je réponds habituellement: “Demandez-le aux scientifiques”»

Le père Côté souligne aussi que le tremblement de terre «est un phénomène séismique purement naturel». Dieu a fait un monde matériel avec des lois de gravité, et Il n’est pas un interventionniste, a-t-il soutenu. «Dieu souffre quand nous souffrons, Il ne force pas son amour sur nous par un raz-de-marée. Le Dieu chrétien est un Dieu de vulnérabilité. Le plus grand risque que Dieu prend est de nous aimer sans condition. Dieu prend toujours des risques… Dieu a sauté dans nos souliers en solidarité avec nous en toutes choses. Il a partagé notre humanité pour mon­trer qu’il n’a pas fait une erreur lorsqu’il nous a créés, vous et moi.»

Le père Côté a ajouté que le questionnement, les doutes et l’ambiguïté ne sont pas contraires à une foi bien comprise. Il est bon de se poser des questions, a-t-il dit, car elles nous sortent de notre complaisance dans le débat que Jésus suscite à chaque génération avec sa question: «Qu’est-ce que les gens disent que je suis?»

Des réponses

Un tel discours a le mérite de toucher le cœur. Il invite à entrer en relation personnelle avec son Dieu. Mais répond-il exhaustivement au questionnement soulevé par les tsunamis et autres cataclysmes? Dieu en est-il responsable?

La question est vaste. Car derrière l’inquiétude ici manifestée se profile toute la problématique du mal dans la création. Il serait bien téméraire de prétendre faire le tour de cet énigme en quelques mots d’une entrevue ou d’un article de journal.

J’ai moi-même consacré plusieurs dizaines de pages de mon livre «Pour discerner l’action de l’Esprit» à cette question. Dans la troisième partie intitulée «Les catastrophes sont-elles l’œuvre de Dieu?», je crois bien être parvenu à y projeter un éclairage opportun (ce texte a été réédité sur ce site en  9 articles).

Ce problème théologique sera soulevé de plus en plus —on peut le présumer— par les événements tragiques de l’actualité. Car si le questionnement surgit avec une particulière acuité lors de grands cataclysmes comme le raz-de-marée du Sud-Est asiatique, il demeure que des désastres de moindre envergure semblent survenir en nombre croissant un peu partout sur le globe.

Ce matin même (12 janvier 2005), le site internet de Radio Canada publie à la une un article intitulé «Les éléments se déchaînent sur trois continents». On y fait état des victimes tant des pluies diluviennes de l’Ouest américain qui ont provoqué inondations et coulées de boue, des tempêtes catastrophiques dans les pays nordiques de l’Europe depuis l’Irlande jusqu’en Russie et des incendies hors de contrôle des forêts australiennes.

De plus, des formes de désastres peuvent aussi survenir dans la vie personnelle des gens sans qu’aucun média ne s’en fasse l’écho. Si bien que le besoin d’éclairage sur la question est ressenti par un grand nombre.

Signe des temps?

D’autre part, dans son discours eschatologique, Jésus a prédit que viendrait un temps où «on se dressera nation contre nation et royaume contre royaume. Il y aura par endroits des famines et des tremblements de terre. Et tout cela ne fera que commencer les douleurs de l’enfantement» (Mt 24, 7-8).

Une analyse objective de la situation mondiale actuelle permet de conjecturer que nous sommes sans doute parvenus à ce temps. Mais d’emblée, je m’empresse de souligner que Jésus ne dit pas que Dieu enverra des guerres et des cataclysmes. Il ne fait que constater le fait sans en attribuer l’origine au Père céleste. Ce qui donne déjà une bonne indication de réponse au questionnement de nos contemporains.

Il est également remarquable que ces prédictions malheureuses soient assorties d’un côté «bonne nouvelle». Car Jésus révèle qu’elles sont le signe d’un enfantement. Celui du «monde nouveau» annoncé par les prophètes. Nous devrions donc interpréter les catastrophes non pas comme des signes avant-coureurs de la fin de notre monde mais plutôt comme signalant les approches d’une telle renaissance de la vie sur notre planète qu’elle se mutera en cette «terre nouvelle», cette «civilisation de l’amour» à laquelle le monde aspire.

Or, nous dit Jésus, «la femme sur le point d’accoucher s’attriste parce que son heure est venue mais lorsqu’elle a donné le jour à l’enfant, elle ne se souvient plus des douleurs, dans la joie qu’un homme soit venu au monde» (Jn 16, 21). Jésus nous invite à considérer le positif. «Ne vous alarmez pas… ce n’est pas encore la fin» (Mt 24, 6). Prenez donc le temps de bien discerner les signes des temps. Ne vous laissez pas abuser par les faux prophètes de malheur. Car «il surgira en effet des faux Christs et des faux prophètes, qui produiront de grands signes et des prodiges, au point d’abuser, s’il était possible, même les élus» (cf. Mt 24, 4).

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