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On entend souvent de ce temps-ci des commentateurs dans les médias avancer que le terrorisme exprime la révolte des pays pauvres contre les pays riches. Selon cette analyse (qu’endossent certains hommes d’Église particulièrement sensibles à la justice sociale), l’inégalité des richesses dans le monde agirait comme l’élément déclencheur d’une réaction de violence de populations dépourvues d’autres moyens pour faire valoir leurs droits. Et plutôt que de répondre à cette menace par des bombardements, raisonne-t-on, il faudrait mieux attaquer le mal à sa racine sociale. 

Le pape Benoît XVI recevait un présent de l’ancien président iranien, Mohammad Khatami, lors d’une audience privée en 2007. L’ex-président à cette occasion a soutenu que les leaders religieux ont l’obligation devant Dieu de commencer à guérir les blessures dans les relations entre chrétiens et musulmans (photo CNS/L’Osservatore Romano via Reuters).

Je ne doute pas des bonnes intentions de ces gens. Bien entendu, il est essentiel de tout mettre en oeuvre pour éliminer les injustices même s’il faut admettre que ce n’est pas demain la veille qu’on y parviendra. Mais est-ce vraiment l’enjeu en question?

Les tenants de cette théorie ne se rendent sans doute pas compte que leur explication de la montée de la violence justifie le terrorisme d’une certaine manière. Et elle pave la voie à la thèse de l’agresseur.

De là à accuser les États-Unis d’être les vrais coupables des attentats du 11 septembre, il n’y a qu’un pas que les théoriciens du complot et les sympathisants du terrorisme n’hésitent pas à franchir. En bout d’analyse, on tient les Américains responsables des injustices dans le monde du fait de leur réussite économique, obtenue soi-disant sur le dos des pays pauvres. On assiste ainsi à un retournement si radical de la réalité que la victime devient le coupable et les attentats meurtriers et dévastateurs sont assimilés au combat des forces du bien pour la justice!

À mon avis, ces gens visionnent la réalité au travers du prisme déformant d’une certaine idéologie. Car un regard objectif sur les faits révèle tout autre chose.

L’on sait que le prophète du terrorisme était multimillionnaire. S’il avait été motivé par le problème de la pauvreté, il aurait utilisé sa fortune pour l’enrayer plutôt que de fabriquer des bombes pour détruire biens et personnes à des milliers de kilomètres de son pays.

C’est également un fait que les terroristes proviennent souvent des couches aisées et cultivées de la société. Partout dans le monde, en Amérique latine, en Asie comme en Europe, une proportion importante de ceux qui commettent des attentats meurtriers contre des populations civiles sont recrutés dans les milieux universitaires.

Et si l’on regarde du côté des pays musulmans, l’on pourra constater que plusieurs d’entre eux figurent en tête de liste des pays les plus riches du monde per capita. Ces richesses sont toutefois concentrées entre les mains des familles dirigeantes, installées à demeure sur les barils d’or noir dont sont affamés les pays occidentaux, cependant que leur population croupissent dans l’indigence, l’insalubrité et l’analphabétisme.

Les populations de ces pays ne sont donc pas pauvres parce que les États-Unis sont riches ou sous l’effet de la mondialisation mais d’abord et avant tout en raison des structures d’injustice internes de ces nations.

Et leur situation n’est pas prête de changer si l’on peut en croire un mollah afghan qui exprimait en 2001 sa foi fataliste lors d’un reportage télévisé. Il se scandalisait du fait que les Soviétiques, lors de leur invasion de son pays, avaient tenté de bâtir une société égalitaire en Afghanistan. «C’est Dieu qui décide qui est pauvre et qui est riche». Et il faisait savoir que c’était le comble de l’impiété de vouloir changer ça.

 Les causes

Pour expliquer le terrorisme, on peut être tenté de rationaliser outrancièrement en cherchant un dénominateur commun qui chapeauterait l’ensemble du phénomène. Mais la violence terroriste a épousé diverses « causes » au cours des dernières décennies, de la libération de l’Irlande du Nord à celle du pays basque en Espagne sans oublier celle du Québec chez nous, en passant par les révolutions marxistes projetées et implantées en Amérique latine.

Plutôt que de chercher une cause générale et abstraite à saveur socio-politique, pourquoi ne pas tenir compte des motifs conscients des terroristes eux-mêmes? Et là, on se rendra compte que ce qu’il y a de nouveau dans la montée du terrorisme actuel, c’est son mondialisme et son discours religieux.

Ce n’est plus un état isolé qui est visé par ces actes barbares mais la planète tout entière. Et les motifs de cette guerre ne sont pas prioritairement politiques mais touchent à une vision religieuse de la réalité.

Dans l’une de ses déclarations diffusées par le réseau Al-Jazeera, Ben Laden a affirmé que le conflit en Afghanistan était «principalement une guerre religieuse» entre le christianisme et l’islam. Qualifiant la riposte américaine à l’attaque du 11 septembre de «croisade» contre l’islam, il soutenait que «Bush a porté la croix haute», de sorte que ceux dans le monde islamique qui «se tiennent derrière Bush ont commis un acte qui annule leur islam».

S’il n’en tenait qu’à l’Occident, il est bien entendu que le conflit qui s’exprime ici n’aurait aucune connotation religieuse. Je ne connais aucun chrétien qui voudrait entrer en guerre contre la religion musulmane.

Mais on risque de se cacher la tête dans le sable à trop vouloir évacuer toute référence religieuse dans ce conflit. Car on ne peut ignorer, sans passer gravement à côté des vrais enjeux, les dispositions explicitement religieuses de l’adversaire.

Il faut comprendre que Ben Laden et son «Al-Qaida», c’est la pointe d’un iceberg. Derrière ce phénomène se profile, caché au regard, une terrible menace qui pèse non seulement sur le christianisme mais sur toute l’humanité.

 Les «illusions fanatiques»

Heureusement, Ben Laden ne fait pas la somme de l’islam. Tous les musulmans ne sont pas des fondamentalistes à cheval sur certains passages isolées du Coran pour justifier leur condamnable violence.

L’ancien président de la République islamique de l’Iran en a présenté un tout autre visage. Mohammad Khatami participait le 9 novembre 2001 à une rencontre historique à l’université «Seton Hall» de South Orange, New Jersey.

Le terrorisme peut être arrêté et la paix internationale favorisée si les nations engagent un dialogue sur la base de l’égalité des êtres humains sous l’autorité de Dieu et respectent les croyances religieuses, ont déclaré conjointement, lors de la rencontre, les représentants des trois religions monothéistes du monde: l’islamisme, le judaïsme et le christianisme.

«Le monde est las de la guerre et de la violence et aspire à une coalition visant à établir la paix, une paix basée sur la justice», a déclaré Khatami aux étudiants de l’institution catholique d’enseignement. Le rassemblement avait lieu dans le cadre de la participation de l’université à un programme des Nations unies pour promouvoir la paix.

Ce projet intitulé «Dialogue entre les civilisations» a été créé sous l’initiative de l’ex-président iranien lui-même alors qu’il était en fonction. Dans son discours délivré à l’auditorium du campus, il a soutenu que la compréhension mutuelle et la raison doivent remplacer la violence et l’hostilité en vue du dialogue.

L’un des participants au forum, le cardinal Theodore Mc Carrick, a rappelé aux participants que le pape Jean-Paul II «faisait cause commune avec Khatami pour un dialogue entre les diverses cultures et traditions religieuses pouvant conduire à la réconciliation, l’harmonie et la coopération».

Khatami a pour sa part précisé que la compassion et la miséricorde prédominent sur les autres attributs de Dieu dans la religion islamique. Il a défini le «jihad» comme une «mésinterprétation obscurantiste de l’islam qui terrorise le monde et quiconque ne partage pas ses illusions fanatiques, assujettissant hommes, femmes et enfants à une colère aveugle abusivement qualifiée de guerre sainte».

Note

* Article paru dans  Le NIC 2002

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