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Une soixantaine de terrains cultuels, bâtis par des chrétiens de Turquie, et parfois millénaires, ont été saisis par le gouvernement turc.
Sylvain Dorient

Au total, une soixantaine de terrains chrétiens, cimetières, églises et monastères de la région de Mardin, au sud-est du pays, risquent de tomber sous la coupe du gouvernement turc. « Ils menacent de mettre fin à 1700 ans de monachisme en Turquie, en toute irresponsabilité », s’insurge Sébastien de Courtois, écrivain et historien installé à Istanbul (1), qui rappelle qu’avec l’Égypte, la Turquie a vu naître les premiers ermitages, au IVe siècle. En 2017, une vingtaine de moines vivent encore en Turquie.

Un pseudo « vide juridique »

@ S. de Courtois
Une église dans le village de Kafro.

L’administration turque utilise l’absence de documents officiels pour déclarer les lieux concernés comme sans propriétaire. Ils pourraient être transférés au ministère des cultes turc, le Diyanet, qui pourrait à son tour déclarer ces sites comme « lieux de prières ». À partir de là, le Diyanet peut légalement décider de nommer un imam responsable d’un lieu de culte chrétien : « Ce serait une folie, une catastrophe, mais dans le contexte de la Turquie actuelle, une folie hélas possible », avertit Sébastien de Courtois.

Le retour des chrétiens entravé

Cette décision intervient alors que, depuis les années 2000, la Turquie favorisait le retour de chrétiens syriaques sur leurs terres ancestrales, dans le sud-est du pays. À partir de 1984, ceux qui n’avaient pas fui lors des persécutions précédentes ont été chassés par le conflit kurdo-turc, dont ils étaient les victimes collatérales. Ces chrétiens avaient trouvé refuge en Belgique ou en Allemagne, et certains sont revenus. « Un article récent paru en janvier 2012 dans Radikal évoque le nombre de quatre-vingts onze familles, ce qui semble un peu exagéré », évalue Sébastien de Courtois. Mais même timide, ce retour au pays représentait un signe positif, qui démentait la disparition des chrétiens en Turquie.

Durcissement du pouvoir turc en 2013

L’année 2013, et l’occupation de la place Taksim par des manifestants, représente un cap dans l’histoire de la Turquie. Le pouvoir, incarné par l’actuel président Recep Tayyip Erdogan, s’est mis à accuser tous ses opposants politiques de « terrorisme ». Il soutient aussi une réislamisation du pays, construisant des mosquées, y compris, pour l’une d’entre elles, dans des villages exclusivement chrétiens.

« L’Europe s’en moque »

L’historien spécialiste des Arméniens, Kéram Kévonian, dénonce l’apathie de l’Occident devant l’attitude de la Turquie. « L’Europe se moque des chrétiens d’Orient, elle les a toujours sacrifiés pour conserver de bonnes relations avec la Turquie… ». L’appropriation de lieux de cultes chrétiens correspond à ses yeux à une volonté politique, initié par un gouvernement qui suit l’agenda des Frères musulmans. Les chrétiens de Turquie ne représentent aucune force politique et leur seul recours devant les injustices qui leurs sont faites serait une réaction internationale. Or, de ce côté c’est « le grand silence » : « Je vais vous donner un exemple, qui symbolise à quel point l’Europe se soucie peu des chrétiens d’Orient… Le 30 juin, Simone Veil est morte. Elle alimente les discussions, on s’écharpe pour savoir si c’est une sainte ou une meurtrière… Mais jamais dans les débats, n’est ressortie son inexcusable opposition à la qualification du meurtre des Arméniens en 1915 comme « génocide » (en 1987, elle a voté contre la qualification du Génocide des Arméniens par le Parlement Européen, ndlr). Personne n’a l’air de le savoir… Cette question n’a-t-elle donc aucune importance ?. »

(1)  Auteur des Lettres du Bosphore, qui viennent de sortir chez Le Passeur, 2017.

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