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L’une des mosquées d’Abou Dhabi a récemment changé de nom à la demande du prince héritier le cheikh Mohammad Ben Zayed Al Nayan. Un signal fort pour le dialogue inter-religieux.

Deacon Greg Kandra

Le cheikh émirati Mohammad Ben Zayed Al Nahyan, également prince héritier d’Abou Dhabi et chef des forces armées émiriennes, a demandé à ce qu’une des mosquées de la capitale des Émirats arabes unis change de nom, afin de « renforcer les liens humains qui existent entre les fidèles des différentes religions ». Le lieu de culte s’appellera donc désormais « Marie, mère de Jésus ». Une démarche a priori surprenante, mais qui porte en réalité un message fort et en adéquation avec l’histoire du christianisme et de l’islam.

Pixabay

En effet, la Sainte Vierge joue un rôle central dans la religion musulmane, et trop souvent ignoré par de nombreux Occidentaux. Aux yeux des fidèles de l’islam, Maryam (tel est son nom dans le Coran) est en effet la mère de Jésus (nommé Issa), même s’ils ne reconnaissent pas l’incarnation au sens où les chrétiens la conçoivent. Le Coran atteste en outre que la mère de Jésus, par ailleurs reconnu en tant que prophète et Messie par le livre sacré des musulmans, a bien entendu la parole de Dieu et qu’elle l’a instantanément crue et suivie. La sourate 19 lui est entièrement consacrée. On y lit, entre autres :

[Marie] dit : « Comment aurais-je un fils, quand aucun homme ne m’a touchée, et je ne suis pas prostituée ? »
[Gabriel] dit : « Ainsi sera-t-il ! Cela M’est facile, a dit ton Seigneur ! Et Nous ferons de lui un signe pour les gens, et une miséricorde de Notre part. C’est une affaire déjà décidée ».
Elle devient donc enceinte [de l’enfant], et elle se retira avec lui en un lieu éloigné.

Lorsque les membres des premières communautés musulmanes ont fui la péninsule arabique dès le VIIe siècle pour gagner l’Abyssinie (correspondant à l’actuelle Éthiopie), afin de fuir les persécutions dont ils faisaient l’objet, le Négus, roi chrétien de cette partie de l’Afrique évangélisée deux siècles plus tôt, leur demanda de s’expliquer quant à leur foi. Celle-ci lui était en effet inconnue. En entendant la manière dont les musulmans révéraient Marie, le Négus accepta immédiatement d’accueillir ces réfugiés sous sa protection.

Deux femmes de premier plan dans la religion musulmane se distinguent particulièrement. La première n’est autre que Fatima, la fille du prophète Mohammed, également épouse d’Ali ben Abi Talib (le successeur de Mohammed dans la tradition musulmane). La seconde n’est autre que Marie, mère de Jésus. Couramment désignée sous le nom de Fatima az-Zahra (« l’illustre »), la fille du prophète a donné son nom à d’innombrables lieux dans la culture sunnite et chiite ; Marie, quant à elle, est bien moins représentée. À ce titre, la décision du prince héritier d’Abou Dhabi est un signe fort, qui plonge dans les racines communes des deux religions pour envoyer un message de paix et de compréhension mutuelle.

« Un signal très fort »

Monseigneur Paul Hinder, vicaire apostolique d’Arabie méridionale, explique au Gulf News : « Ce nouveau nom, Maryam Umm Eisa (« Marie mère de Jésus ») me remplit de joie. Notre cathédrale, située non loin de là, a déjà pour patron saint Joseph : nous avons donc désormais un quartier de la Sainte Famille », s’amuse-t-il. Saluant une décision de « tolérance », il s’est félicité de voir ainsi réaffirmés les liens pouvant unir chrétiens et musulmans. La Sainte Vierge, a-t-il rappelé, est « pleine de grâce » — elle porte donc le signe spécial de Dieu qui marque la particularité de sa féminité ainsi que l’amour de Dieu pour l’ensemble de l’humanité.

Dans un contexte d’incompréhension mutuelle, de craintes, voire de tensions, le nouveau nom de cette mosquée est donc davantage qu’un symbole. « Je suis convaincu que c’est un signal très fort de la part du prince héritier, qui affirme ainsi sa volonté de contribuer à la paix entre nos communautés ainsi qu’à la compréhension réciproque, dans le pays, mais également dans toute la région », a-t-il ajouté.

Quelques centaines de chrétiens, principalement des immigrés, protestants ou catholiques, vivent dans l’émirat. Alors que les crises se multiplient, notamment dans la région, sur fond de recrudescence du terrorisme islamiste, les Émirats arabes unis tentent d’affirmer leur volonté de protéger la tolérance, si précieuse. Le dialogue inter-religieux connaît d’ailleurs un certain essor dans le pays. Récemment, les membres de la paroisse d’Al-Ain ont décidé d’ouvrir les portes de leur église pour inviter les musulmans à y effectuer la quatrième prière de la journée (« Salat al-Maghrib », salut au soleil couchant). Près de deux cents musulmans, principalement des travailleurs immigrés, avaient répondu présents à cette invitation.

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